Pourquoi le droit de la faillite et pourquoi sa réforme ?
Revenons tout d’abord sur l’intuition centrale de notre thèse : le risque est le premier mobile de l’échange dont le crédit est le facteur structurant. Cette intuition se développe ensuite pour expliquer les crises par l’interruption de crédit, et le certificat hypothécaire est un moyen pour relancer le crédit et, par suite, la prise de risque, l’investissement et l’échange.
Or la possibilité de la faillite et son coût représentent le frein principal au crédit ou à tout le moins un élément important de coût. Nous devons donc, pour comprendre le crédit, étudier comment il échoue167. Il n’est pas non plus inutile pour accroître les chances d’un nouvel instrument financier d’améliorer le fonctionnement de la faillite.
On pourrait penser que le droit de la faillite (désormais DF) n’a pas d’effets structurels, que par une sorte de loi de Coase tous les DF sont bons pourvu que les coûts de transaction soient inexistants ; et que le crédit s’ajustera automatiquement à son niveau optimal. Il n’en est rien, car le DF est lui-même un coût de transaction et, de plus, spécialement dans les pays émergents, l’inertie qu’il confère aux adaptations conjoncturelles le rend très déstabilisant. Pour qui étudie le crédit dans les pays émergents, le DF est un passage obligé ; pour qui veut améliorer le système financier dans ces pays, le DF est incontournable.
Pour autant, le DF a été peu étudié par les économistes. Ce n’est que récemment avec le courant « Law and Economics » que le DF est devenu un thème de réflexion. La Banque Mondiale en fait désormais un des axes d’amélioration structurelle. En l’occurrence, nous nous sommes inspiré de Bebchuk (1988), cité par Hart [1999], pour la réforme envisagée.
Nous avons choisi d’exposer le DF en France qui est assez récent et certainement bien plus efficient que celui de la majorité des pays émergents. Nous l’avons fait pour des raisons de convenance personnelle : la disponibilité de l’information et une meilleure connaissance pour les lecteurs de cette thèse. Au demeurant, beaucoup de droits nationaux sont inspirés du droit français. Nous avons ensuite identifié ce que nous pensons être les principes généraux de tous les DF. Cette supposition a été testée avec quelques DF, notamment le DF américain, le DF anglais et le DF libanais. Puis nous avons postulé ce que devrait être un DF idéal. Le concept proposé (une variante de l’idée de Bebchuk) a été mesuré à l’aune de ce DF idéal et nous avons enfin établi un tableau « coûts et avantages » de ce nouveau DF.
. Selon Stiglitz et Greenwald (2005), « Une théorie de politique monétaire qui ne prête pas attention à la banqueroute ni aux défauts de paiement serait comme Hamlet qui ne serait pas prince du Danemark ; elle peut conduire (a conduit dans la crise de l’Asie Orientale) à des politiques dramatiquement erronées », p. 2 et 3.