Nous avons, dans notre premier chapitre, montré que le risque était, en quelque sorte, un principe organisateur des sociétés humaines, déterminant les structures et la prospérité des nations. Nous avons également mis en évidence l’importance du crédit dans cette confrontation, à l’échelle de la société, entre le risque acceptable et le risque accepté, entre le risque refusé et le risque cédé. Nous allons maintenant proposer un instrument, le Certificat Hypothécaire, permettant une efficacité plus grande du partage de risque et, partant, une prospérité accrue. Cet instrument est d’autant plus puissant que l’écart entre ces différents agrégats (risque acceptable, risque accepté, risque refusé et risque cédé) est important. C’est dire que l’instrument sera d’un plus considérable apport pour les PED où ces différences sont sans doute les plus grandes.
Notre point de départ est le constat fait par De Soto (2001) que le capital dans les PED est mal structuré et donc mal employé. Dans son ouvrage Le Mystère du capital, cet auteur se focalise sur les biens immobiliers situés dans les PED qui n’ont pas de titres de propriété valables. Il fait la constatation effarante que la valeur de ces biens en 1997 – 9,3 mille milliards de dollars – représente autant que la valeur totale de toutes les compagnies listées sur les principales bourses des vingt pays les plus développés179, mais que, ces biens, n’ayant pas de titres légaux, ne peuvent pas vivre la « seconde vie » du capital. Suivant son expression, ce sont des biens morts (dead capital) parce qu’ils ne peuvent être ni vendus ni donnés en garantie.
La proposition énoncée dans notre thèse cherche à aller plus loin. Il ne s’agit pas seulement de donner une « vie » potentielle aux biens qui sont sans titres de propriété, mais plutôt de donner une « vie » plus « remplie » aux biens qui en disposent déjà, c’est-à-dire la plus grande partie des biens immobiliers. La mobilisation de capital qui s’ensuivrait aurait, pour des pays où le capital est cher, les ressources abondantes et les besoins immenses, des répercussions incontestables.
Pour obtenir cette mobilisation de capital, nous avons recouru à l’un des modes les plus usités pour le partage du risque, en l’espèce le crédit, qui a l’avantage supplémentaire d’être bien connu et réglementé.
Rappelons que la mobilisation du capital intervient lorsque celui-ci est mis en risque. Or, comme cela a été démontré au deuxième chapitre, grâce au crédit le créancier peut participer à un degré faible dans le risque. Le rôle des banques est alors de permettre aux déposants de prendre part à ce même risque à un niveau de risque encore plus faible. Cette structure en étage peut multiplier les investissements et les projets. Cependant, ses limites sont à hauteur du patrimoine liquide des agents.
Notre objectif est de les dépasser en faisant prendre, par des propriétaires immobiliers, un risque faible, diversifié et à faible coût de transaction, tout en continuant à utiliser leur bien et sans même avoir à le céder. Nous arriverons à ce résultat en donnant aux propriétaires immobiliers la possibilité, en mettant leur bien en « garantie », de participer aux risques de crédit pris par la banque de leur choix. L’instrument formel, le Certificat, n’est que la matérialisation de ce concept.
Dans une première section, nous en examinerons les aspects juridiques et administratifs. Dans la deuxième section, c’est l’attitude des autorités de tutelle qui fera l’objet de notre étude : quelle réglementation devrait-elle établir pour faciliter et accélérer le développement du Certificat ? La troisième section sera consacrée à une étude des différents secteurs directement concernés, l’immobilier mais aussi les banques et l’État. Dans la dernière section, nous tenterons d’évaluer les effets macroéconomiques à l’aide d’un modèle classique.
Au préalable, nous allons donner deux définitions provisoires du Certificat hypothécaire. La première sera une définition juridique et la seconde compréhensive.
Il convient aussi de justifier l’appellation choisie. Le nom de l’instrument peut en effet être déterminant pour son succès. Nous avons hésité entre Certificat hypothécaire et Dépôt hypothécaire181. Les deux noms semblent être très peu utilisés : le premier rarement et le second jamais. Lorsqu’on parle de « certificat hypothécaire », il s’agit généralement d’un document délivré par le registre foncier (ou le registre maritime) pour confirmer la constitution d’une hypothèque en faveur d’un créancier. De fait, il s’agit bien d’un certificat émis électroniquement par une autorité, attestant l’existence de la garantie, le bénéficiaire et la créance garantie, et déposé auprès d’une banque. Notre choix intuitif s’est porté vers certificat en dépit du risque de confusion182. Bien évidemment, le législateur, le moment venu, adoptera la dénomination qui lui conviendra.
. De Soto (2001), p. 33-34.
. Le cautionnement réel est une sûreté hybride, à la fois sûreté personnelle et sûreté réelle. C’est comme si la caution donnait une hypothèque en couverture de sa garantie, garantie doublement limitée au montant du cautionnement et à la valeur du bien hypothéqué.
. Nous aurions également pu choisir le nom de « cédule hypothécaire », issu du droit suisse. Cet instrument est celui qui se rapproche le plus de notre Certificat, mais il ressortit d’un droit trop isolé.
. À notre demande de ce que serait l’appellation la plus adéquate, Me Onaissi suggère : « Le contrat de “dépôt hypothécaire”, qui s’appellera mieux contrat de “dépôt différé assorti d’une promesse immobilière” (DDPI, ou DD) […] semble plutôt celui par lequel une personne, physique ou morale, propriétaire d’un bien immobilier non grevé d’une hypothèque préalable, s’engage envers une banque, contre une commission récurrente d’engagement, à participer au financement du comblement de son passif en cas de “faillite”, moyennant intérêts, à hauteur d’un montant égal à la valeur estimée de son bien, et lui cède, en exécution totale de son engagement, un montant équivalent du produit pécuniaire de la liquidation dudit bien, sous la condition suspensive que la faillite intervienne. Le “DDPI” sera enregistré au registre foncier » (e-mail du 1er septembre 2005).