Un système foncier est-il nécessaire ?

La question est très complexe et il serait trop long de l’approfondir, mais quelques indications peuvent être utiles à l’exposé ultérieur. Il va de soi qu’un bon système cadastral, du moins pour les biens candidats au Certificat, est nécessaire. Mais existe-t-il un système idéal ?

On sait que Napoléon avait de grands espoirs pour « son » cadastre, qu’il considérait comme le pendant du code civil. Cependant, le cadastre napoléonien fut incapable de remplir complètement son office. En effet, il est encore aujourd’hui, et malgré les réformes successives, un cadastre fiscal. Il sert à déterminer l’impôt foncier mais nullement à déterminer la propriété des biens. La publicité, quant à elle, est faite dans l’intérêt des tiers pour qu’ils puissent prendre connaissance de la situation juridique des biens. C’est que le principe, en droit français, est que le transfert de propriété s’opère par le seul effet du consentement des parties, sans aucune formalité, et se prouve par tous les moyens.

Au contraire, au Liban il existe un « Livre foncier » qui est un registre (un pour chaque Mohafazat213) dans lequel sont enregistrées toutes les transactions immobilières, les servitudes, les contraventions et tous les droits réels qui concernent chacun des biens. Plus qu’une preuve, l’enregistrement est constitutif du transfert de propriété214. C’est également le cas en Allemagne où, dans chaque circonscription est tenu, par un juge, un livre foncier dont chaque feuillet est consacré à un immeuble. C’est l’inscription qui crée le droit, l’accord entre les parties engendre une obligation de transférer et non le transfert de propriété (comme c’est le cas en droit français). Le système du registre (avec ses différentes variantes) est relativement répandu. Le système Torrens215, ainsi qu’il est souvent appelé, existe en effet dans un grand nombre d’anciennes colonies françaises ou britanniques216.

Nous pensons que l’instauration du Certificat dans un pays donné devrait conduire progressivement à l’instauration d’un registre foncier.

Prenons le cas de la France : il est certain que l’inscription et la publication d’une hypothèque se font actuellement, bien que ce registre universel n’existe pas. Cependant, à la création du Certificat, il faudra créer un registre qui pourra alors être utilisé pour les autres transactions. Compte tenu des avantages conférés, une proportion considérable de biens seront hypothéqués et la très grande majorité des hypothèques y seront consignées. De plus, ces transactions sont toutes des actes possessoires. Elles sont donc des présomptions de propriété. En outre, elles bénéficient d’une publicité que les autres preuves n’ont pas. Et enfin, le registre existera et n’aura besoin que d’une adaptation marginale pour servir à la fois pour les Certificats, les transactions immobilières, les limites des droits et donner l’information au public. En conséquence, nous estimons qu’un système foncier avec registre suivra inévitablement l’instauration des Certificats.

Nous allons ensuite supposer qu’un système quelconque existe et qu’il est fiable. Nous allons donc maintenant étudier trois rôles nécessaires en dehors de ceux de la banque et du propriétaire. Ces rôles pourront être joués par une ou plusieurs institutions, voire bien plus que trois. Nous nous contenterons de les définir en leur donnant un nom arbitraire, car elles peuvent être différentes suivant les législations nationales.

1. Autorité

Le rôle de l’Autorité consiste à établir des normes. Nous serons très bref sur le sujet dont nous sommes tous familiers. Il s’agit des normes d’occupation, de construction, d’exploitation, etc. Dans les PED, ce sont les transactions immobilières (les ventes en particulier) qui donnent lieu à la mise en conformité des biens217. Le Certificat, par la multiplication des transactions — et surtout par la prime donnée – accélérera cette harmonisation.

De plus, l’Autorité décidera, en fonction de l’évaluation de l’Agence, quelles valeurs seront retenues par le Bureau.

2. Agence

L’Agence devra en fonction de certains critères déterminer des valeurs minimums pour les biens concernés par les programmes. Peu importe, sur le plan théorique, si la détermination se fait au cas par cas ou de manière globale. Ainsi, on peut envisager que l’Agence évalue chaque bien séparément et on peut aussi concevoir que l’Agence détermine un prix au m2 tel qu’aucun bien ne puisse avoir, compte tenu de son métrage, une valeur plus faible.

Idéalement, l’Agence devrait être, dans les PED, une entreprise internationale, de façon à crédibiliser l’évaluation et à conforter les créanciers ou les investisseurs étrangers.

3. Bureau

Le Bureau doit a) délivrer les Certificats et b) tenir le Registre.

a) Sur demande du propriétaire caution218, le Bureau s’assure que le bien est libre (qu’il n’y a pas de servitude, de privilège, de contravention…), qu’il appartient au requérant ou que celui-ci est le mandataire habilité (dans le cas d’une indivision par exemple) ; il délivre un Certificat dont la valeur nominale est celle décidée par l’Autorité en fonction des critères et des valorisations établis par l’Agence.

b) En réalité, le Bureau enregistre les ordres de « transfert » des propriétaires et met au crédit des banques les Certificats concernés.

Le Registre aura un état par bien immobilier montrant en particulier le nom du dépositaire (la banque cautionnée), le montant et l’échéance du Certificat ; il aura un état par propriétaire caution (avec les mêmes informations), et un troisième état par banque dépositaire (toujours avec ces informations).

Notes
213.

. Une Mohafazat au Liban est une région composée de plusieurs Cazas, eux-mêmes divisés en municipalités. Le Liban compte huit Mohafazats.

214.

. Le même système a cours en Syrie. Il a été mis en place à l’époque du Mandat français.

215.

. Du nom du colonel Torrens qui institua ce système en Australie. Le registre est relativement facile à instituer dans des territoires où n’existaient pas des droits de propriété ou dans des lieux où l’occupant peut modifier les règles coutumières.

216.

. Source : Jobard-Bachellier (2002).

217.

. Les transactions immobilières au Liban génèrent souvent un grand nombre de formalités pour régulariser les « irrégularités » : arriérés d’impôts, dépassements des coefficients permis, plans inexacts…

218.

. En droit français, c’est normalement le créancier qui procède à la formalité d’inscription.