c) La politique réglementaire

Il existe d’autres actions qui, si elles ne sont pas économiques à proprement parler, ont des effets économiques en profondeur alors qu’elles n’ont ni pour visée ni pour résultat la stabilisation des prix.

Sans préjudice de l’importance, on peut citer en premier les lois, règlements et organisation de la propriété. Il est évident que, conformément aux théories de Douglas North ou de Hernando De Soto (2000)256, l’économie se portera d’autant mieux que les propriétés immobilières seront mieux protégées, transférables et connues. D’ailleurs, depuis un certain temps déjà, le FMI et la Banque Mondiale soutiennent les efforts des PED pour réformer leurs systèmes de propriété.

Un autre type de politique est l’instauration de standards. Les standards, s’ils sont efficaces, conduisent à une appréciation générale des biens. C’est que les standards ont plusieurs effets positifs :

Si, par exemple, il existait un standard stipulant que tout appartement doit avoir l’eau courante, on devrait s’attendre à ce que les prix des équipements descendent, suite à l’élargissement du marché, que les acheteurs n’auraient pas besoin de s’assurer de l’existence de l’eau courante, qu’il n’existerait plus d’appartements de mauvaise qualité qui défigurent le quartier et enfin que les promoteurs immobiliers n’auraient plus besoin de faire une étude de marché pour savoir s’il est plus rentable de faire un appartement avec eau courante plutôt que sans.

Les standards sont au niveau social ce que les politiques et les procédures sont au niveau des entreprises. Celles-ci sont coûteuses en apparence, brident parfois l’innovation, mais, lorsqu’elles sont bien faites, elles facilitent le travail, améliorent la qualité, augmentent le contrôle et simplifient l’apprentissage des débutants.

On peut également s’inspirer d’un projet initié par Robert Shiller, la création d’un marché à terme de l’immobilier257. Depuis quelques mois, le Chicago Mercantile Exchange (CME), en collaboration avec la société MacroMarkets, offre des instruments financiers à terme dont les sous-jacents sont les indices « Case-Shiller » (indices de prix immobiliers)258.

Les autorités économiques, même dans des pays en développement, devraient donc créer des marchés à terme sur l’immobilier local259. Les avantages pour un pays en développement sont nombreux : le marché à terme augmentera la fluidité et la profondeur du marché immobilier, il encouragera les investissements étrangers et il permettra aux agents économiques de mieux gérer leurs risques. Ce marché réduira l’instabilité à moyen terme des prix en augmentant leur flexibilité.

De plus, compte tenu de la taille du marché immobilier et du nombre d’agents concernés260, un tel marché à terme pourrait être beaucoup plus actif que les marchés boursiers dans ces pays.

Les conditions pour l’existence de tels marchés, en sus de celles qui sont nécessaires pour tout marché organisé, sont, tout d’abord, d’ordre technique : les indices pertinents à retenir, comment les calculer et avec quelle fréquence, et enfin un intervenant suffisamment important pour animer le marché. Les transactions enregistrées sur le CME après quatre mois d’activité représentaient uniquement 71 millions de dollars. Dans un PED, il est essentiel que l’État, ou une autorité quelconque, démarre ce marché et qu’il en soit, du moins au début, le « market maker ».

Une autre condition importante est que la fiscalité des transactions immobilières soit réduite. Garder une taxe sur les transactions physiques de 10 %, alors que sur les « futures » les coûts de transaction sont symboliques, ne permettra pas une transmission suffisamment rapide entre le terme et le comptant. Partant, le marché à terme deviendra davantage un marché de spéculateurs qu’un marché d’investisseurs, et son utilité économique sera bien moindre.

Notes
256.

. L’ensemble de ces théories entrent dans le cadre de l’économie institutionnelle inspirée du concept coasien des coûts de transaction.

257.

. On peut lire une description du projet dans www.projet-syndicate.org/commentary/shiller36/French

258.

. L’indice adéquat est probablement la principale difficulté en cas de développement d’un marché à terme. En dehors de la nécessité d’avoir une agence suffisamment indépendante pour le calcul de l’indice, il existe une difficulté technique : l’indice d’évolution des prix doit-il être sur des ventes répétées ou sur des ventes semblables ? Comment faire les moyennes ?

259.

. À l’heure actuelle, les seuls instruments dont disposent les agents sont l’immobilier physique ou les titres de sociétés foncières ou des dérivés de crédit. La très faible liquidité des différentes options, leur très grande spécificité, parfois l’absence de transparence et les coûts de transaction en font des outils insuffisamment adaptés.

260.

. On peut citer des développeurs de projets immobiliers qui cherchent à réaliser des profits d’exploitation sans dépendre des évolutions erratiques du marché immobilier, des assureurs qui voudraient « hedger » leur risque ou tout simplement des utilisateurs qui n’ont pas pour l’instant l’envie ou les moyens d’acheter la propriété de leurs rêves mais qui souhaitent commencer à investir dans l’immobilier.