d) Une politique proactive

Pour qu’une réelle politique puisse être mise en place, un objectif national en matière d’immobilier doit être décidé. Celui-ci pourrait consister en une croissance stable du patrimoine immobilier national. Cet objectif s’insèrerait parfaitement dans un objectif global qui serait d’assurer une croissance stable, et il est aussi défendable que de vouloir développer une industrie nationale. À l’instar de l’industrie, un ministère de l’Immobilier devrait être créé. Ce ministère aurait comme moyens d’intervention 1) les lois d’organisation, 2) la fiscalité immobilière, 3) l’expropriation et 4) les interventions sur le marché immobilier à terme ou au comptant. Ces moyens seraient propres à la politique immobilière et, contrairement à la politique monétaire dont les effets sont plus larges et qui peut avoir des effets pervers, toucheraient d’abord l’immobilier.

1) Nous avons parlé plus haut de ce type de politique, nous n’en parlerons pas davantage.

2) La fiscalité immobilière devrait être revue dans un objectif d’amélioration de l’immobilier et non de développement des ressources budgétaires. Ainsi la définition de standards pourrait s’appuyer sur un système de taxation modulaire261. De même, les droits de mutation devraient être ramenés à un taux minime (par exemple 0,5 %) qui serait relevé en cas de surchauffe ou de déclin rapide.

3) L’expropriation est en général faite pour des projets publics et d’utilité publique. Mais on peut étendre cette approche à des projets, privés par nature, mais d’utilité publique. Le cas exemplaire est celui de Solidere262 au Liban. Cette expropriation – quel que soit le reproche qu’on pourrait faire aux choix architecturaux ou à la méthode de compensation – a permis de réhabiliter rapidement, efficacement et sur des standards de qualité élevés une région qui était dévastée et éparpillée entre une multitude d’ayants droit. Solidere pourrait être imitée pour certaines zones qu’un État souhaiterait développer, embellir ou revaloriser. Le processus pourrait même démarrer quelques années avant le début du projet par l’annonce que l’État expropriera la région indiquée à une date future pour une valeur actualisée dépassant notablement la valeur actuelle et revendra ensuite les biens revalorisés. Dans l’intervalle, les spéculateurs aplaniront le terrain (juridique) avant l’expropriation, les ayants droit pourront, avant même l’échéance, bénéficier d’une augmentation de leur patrimoine et l’État n’y perdra pas puisqu’il pourra vendre plus cher la région réhabilitée. En outre, par effet de contagion, les régions proches s’apprécieront également.

4) Lorsque les prix immobiliers monteront ou descendront trop vite, l’État pourra, par un mélange d’augmentation du droit de mutation et d’intervention sur le marché à terme immobilier (voire quelques-unes sur le marché physique) stabiliser les prix et même les faire progresser dans un tunnel de croissance (pour reprendre le terme de M. Friggit).

La nécessité d’une politique moins réactive vis-à-vis de l’immobilier s’impose dès lors que l’on prend conscience de la taille de l’immobilier dans une économie, de son importance pour le comportement des agents et dans le cadre de notre modèle « droits réels-droits personnels », un facteur clé. (En France en 2003, le patrimoine immobilier représentait 38 % du total des actifs nationaux et 65 % des fonds propres263.)

La création du Certificat hypothécaire peut être une aide puissante à celle de la politique immobilière.

Notes
261.

. On peut concevoir un régime comme celui des droits de pollution pour les parkings, les espaces verts.

262.

. L’expropriation est relativement exceptionnelle au Liban. La loi n° 58 du 29 mai 1991, l’art. 1 et l’art. 15 de la constitution disposent que l’expropriation ne peut être effectuée que pour des projets d’utilité publique et contre une compensation équitable et adéquate. La loi n° 117 du 7 décembre 1991 a donné pouvoir à la société libanaise, pour la reconstruction du centre-ville (Solidere), d’exproprier les propriétaires et les locataires des biens-fonds contre des actions de la nouvelle société.

263.

. Source Insee.