Dans cette section, nous allons supposer qu’aucune réforme n’a eu lieu. Nous allons essayer d’imaginer un produit financier qui permettrait de tirer parti du gisement de capital inexploité représenté par l’immobilier et nous comparerons ensuite le Certificat à cette alternative.
Les objectifs de la banque qui introduirait cette innovation sont, d’une part, de maximiser l’extraction hypothécaire et, d’autre part, de conforter ses ressources.
Pour l’extraction hypothécaire, la législation en Europe est en train d’évoluer pour la faciliter : le crédit hypothécaire rechargeable notamment. Aucun projet de cette nature n’existe au Liban. La banque devra donc composer avec la législation actuelle.
En l’occurrence, ce qu’elle peut faire, c’est offrir à des clients disposant d’un patrimoine immobilier (dans la suite clients VIP), une ligne de crédit contre hypothèque avant même que le client VIP ne sollicite cette ligne pour un besoin déterminé. Ce serait donc la banque qui démarcherait le client VIP (non endetté) en lui proposant une ligne de crédit contre hypothèque utilisable pour n’importe quel usage pour une durée de plusieurs années (par exemple trois ans). La banque peut anticiper que le client VIP utilisera cette ligne, de temps en temps, durant la période. Ainsi, par une démarche proactive, une banque peut toucher une nouvelle clientèle et améliorer le potentiel d’endettement de ses clients propriétaires immobiliers.
En ce qui concerne le renforcement de ses ressources, elle peut proposer aux clients VIP qui disposent de cette ligne de liquidité d’acheter des obligations subordonnées de la banque ou des Credit Default Swaps (CDS)269 basés sur les crédits de la banque.
Nous pouvons d’emblée constater les profondes différences qui existent entre l’alternative privée et le Certificat.
Les avantages que l’alternative présente par rapport au Certificat sont :
Une plus grande souplesse
Le crédit hypothécaire et même le gage hypothécaire n’ont pas la rigidité du Certificat. Si le bien vaut 100, rien n’empêche la banque d’accepter une inscription pour 100, voire plus. Rien n’empêche la banque de donner une ligne supérieure à 100. Avec le Certificat, l’Agence détermine un prix standard et l’Autorité fixe le montant du Certificat. Ce montant sera vraisemblablement plus faible que 100.
Même si la législation sur le Certificat est mise en place, des zones ou des biens (ceux qui ne respectent pas les normes de qualité ou de détention) ne pourront pas rentrer dans le programme des Certificats. En revanche, une banque peut tout accepter.
Un atout stratégique
La banque qui offrirait ce service à sa clientèle bénéficierait du « first mover advantage », c’est-à-dire qu’elle se différencierait significativement de ses concurrents, alors qu’avec le Certificat cette banque serait comme les autres (évidemment, cet avantage n’existe plus pour la seconde banque).
Les inconvénients sont néanmoins beaucoup plus nombreux et plus substantiels :
Le coût est beaucoup plus grand
Nous avons vu que le Certificat serait délivré gratuitement, alors que l’enregistrement de l’hypothèque coûte près de 1,25 %, et cela sans compter la mainlevée (autour de 0,5 %).
Les effets de réseau que permettra le Certificat faciliteront l’obtention et la mobilisation des hypothèques. Celles-ci sont en effet, pour l’instant, perçues négativement. Grâce à la banalisation, les propriétaires n’hésiteront plus à s’endetter, à investir s’ils en ont l’envie et, sans se poser de questions, sans même s’en rendre compte, augmenteront la liquidité des banques. À l’inverse, seuls des propriétaires avertis accepteront de participer au programme privé, seuls des investisseurs « qualifiés » achèteront des obligations subordonnées ou des CDS.
Le Certificat a une composante liquidité que des prêts hypothécaires ne peuvent avoir qu’au prix d’un processus ardu de transformation. Pour une banque qui détient des Certificats, obtenir de la liquidité est un processus quasi instantané : elle transfère à une banque (locale, étrangère ou la banque centrale) des Certificats en dépôts nantis et emprunte leur contrepartie. Pour une banque qui a fait des prêts hypothécaires, refinancer ces prêts requiert un véhicule spécifique (SPV), une préparation initiale, un rating et généralement l’intervention d’une banque d’affaires.
Pour compléter notre comparaison, nous allons utiliser les éléments de notre étude de faisabilité et simuler le résultat pour la banque témoin.
Nos hypothèses :
En l’absence des effets de réseau, de la publicité et d’une commission payée d’emblée aux clients et en raison de frais d’enregistrement d’hypothèque, la banque ne pourra pas obtenir plus de 25 % de ce qu’elle aurait obtenu en Certificats.
Comme la banque offre une ligne de liquidité à des Clients VIP qui, a priori, n’ont pas besoin d’emprunter (ceux qui avaient et ce besoin et les moyens l’ont déjà fait), l’utilisation moyenne des lignes de liquidité sera de 25 %.
La banque trouvera la liquidité nécessaire pour ces prêts supplémentaires aux clients VIP (par exemple par une opération de titrisation), mais en revanche elle n’octroiera pas de crédits supplémentaires à des clients ne disposant pas d’hypothèques (même si elle vend à certains des clients VIP des obligations subordonnées ou des CDS).
La marge que la banque appliquera aux crédits utilisés sera de 3 % et nous ne compterons pas les bénéfices dérivés.
Cela donne :
Année 1 | Année 2 | Année 3 | Année 4 | Année 5 | |
Hypothèques enregistrées | 52 millions de USD | 104 millions de USD | 156 millions de USD | 208 millions de USD | 260 millions de USD |
Crédits octroyés | 52 millions de USD | 104 millions de USD | 156 millions de USD | 208 millions de USD | 260 millions de USD |
Crédits utilisés | 13 millions de USD | 26 millions de USD | 39 millions de USD | 52 millions de USD | 65 millions de USD |
Bénéfices d’intérêts | 390.000 USD | 780.000 USD | 1.170.000 USD | 1.560.000 USD | 1.950.000 USD |
La comparaison est éloquente : la banque gagne beaucoup plus de l’établissement du Certificat que de l’alternative privée.
Bien évidemment, l’économie et les différents intervenants (propriétaires immobiliers, entreprises et État) tirent un bien plus grand parti du Certificat que de l’alternative privée (ou même des réformes envisagées en Europe et celles déjà faites aux États-Unis ou en Angleterre).
Pour autant, une banque a intérêt à développer, en l’absence du Certificat, un service tel que décrit ci-dessus pour améliorer sa position stratégique et bénéficier d’une nouvelle source de revenus.
. Un CDS est un dérivé de crédit. Cet instrument permet le transfert d’un risque de crédit moyennant une commission. En cas de défaut, le vendeur du CDS s’engage à acheter le sous-jacent ou à rembourser la partie non recouverte du sous-jacent.