Fonction LM

La fonction de demande de monnaie selon Keynes est la somme de deux fonctions de variables différentes. La première (L1) répond aux motifs de transaction et de précaution, la seconde (L2) au motif de spéculation ; la première est influencée uniquement par le revenu (Y), la seconde par le taux d’intérêt (i). Celle-ci a vocation à traduire la préférence pour la liquidité qui résulte de l’incertitude affectant le cours des titres que Keynes réduit au seul cas des obligations276. On peut généraliser le concept : la liquidité de spéculation serait la liquidité que les agents gardent pour pouvoir tirer parti des opportunités qui peuvent se présenter277. Cette liquidité a un prix : c’est l’intérêt auquel les agents doivent renoncer. La liquidité de spéculation est donc fonction de la possibilité d’apparition d’opportunités (souvent cette éventualité est associée à une situation d’incertitude) et fonction inverse du taux d’intérêt. Plus le taux est élevé moins les agents vont garder cette liquidité.

Avec l’existence du Certificat, le contexte change : les agents qui possèdent des Certificats ont désormais une quasi-liquidité dont ils ne disposaient pas initialement. Si une opportunité se présente, ils peuvent désormais aller à la banque et immédiatement tirer sur la ligne que celle-ci met à leur disposition en contrepartie des Certificats déposés par eux.

Si précédemment un agent maximisait son utilité en égalisant l’espérance de gain sur des opportunités avec le taux d’intérêt, il maximise à présent en égalisant le taux d’intérêt avec le taux d’intérêt plus l’espérance de gain des opportunités dont on aura retranché l’intérêt à payer.

L’exemple suivant tiendra lieu de démonstration : si le taux des obligations à un an est de 5 % et les opportunités existantes ont une chance sur deux de se présenter et qu’elles offrent un rendement annuel de 12 %, un agent gardera toute sa liquidité disponible pour tirer parti des opportunités. Si en revanche il a des Certificats, que la banque lui donne une ligne de crédit équivalente à ceux-ci au taux d’intérêt de 6 % par an, alors l’agent placera la totalité de l’équivalent de ses Certificats en obligations à 5 % et pourra quand même profiter des opportunités278.

Comme on peut le constater, les Certificats, sans être de la monnaie, permettent par le biais du crédit d’obtenir de la liquidité. Nous pouvons donc conclure que la demande de liquidité à des fins de spéculation se réduira en fonction du montant total des Certificats potentiels.

Dans un premier temps, on peut supposer que cela sera équivalent à une offre de monnaie supplémentaire279. Dans un deuxième temps, le comportement des agents ayant changé, c’est la courbe LM qui se modifiera. La composante L2 se réduisant, la demande totale de monnaie sera moins influencée par le taux d’intérêt. Par conséquent, la courbe LM sera plus pentue qu’elle ne l’était avant l’introduction des Certificats280 .

On peut résumer le résultat de notre analyse par les graphiques suivants :

Graphique 29 : IS-LM avant et après Certificat
Graphique 29 : IS-LM avant et après Certificat

Graphiquement, Y a augmenté ainsi que i et, de plus, la politique budgétaire est devenue relativement moins efficace et la politique monétaire plus efficace.

Que se passe-t-il en cas de non-thésaurisation préalable ?

Imaginons que le Certificat soit introduit en France où les banques commerciales conservent un coefficient consolidé de liquidité très bas. En utilisant les indications ci-dessus, nous pouvons conclure que la courbe IS ne se déplacera pas vers la droite (puisqu’il n’y aura pas de déthésaurisation), que sa pente se modifiera (puisque les comportements d’épargne et de consommation évolueront), que la courbe LM se déplacera vers la droite et qu’elle deviendra plus pentue. Il est certain que les effets du Certificat pour un pays comme la France seront moins massifs que pour un PED et seront essentiellement au niveau de l’extraction hypothécaire et des coûts de transaction (taux d’intérêt plus bas et frais d’hypothèque moins chers).

Notes
276.

. Goux (1995), p. 147, 149-150.

277.

. Id., p. 154 : « Pour Tobin, ce sont d’autres hypothèses qui expliquent cette relation inverse constatée entre la demande de liquidité et le taux d’intérêt, en particulier le comportement face au risque. »

278.

. Le modèle que nous décrivons est très fruste. On le voit au comportement du tout ou rien : l’agent garde toute sa liquidité ou rien du tout. La réalité est différente. Et si nous devions modéliser de façon plus réaliste, nous devrions introduire le concept de l’utilité espérée exposé au premier chapitre. La maximisation se ferait dans ce cas en égalisant l’utilité espérée (en unités monétaires) des opportunités avec le coût d’intérêt. L’agent ayant des Certificats ne se débarrasserait pas de toute la liquidité équivalente aux Certificats s’il existait des opportunités supérieures au coût d’intérêt. Le modèle simple signifierait que la création de liquidités pourrait être égale au montant total des Certificats. Un modèle plus complexe tiendrait compte de l’incertitude et serait sans doute dynamique puisque l’incertitude évolue dans le temps.

279.

. Mourgues (2000), p. 393 : « Une diminution de la préférence pour la liquidité agit comme un accroissement de l’offre de monnaie. »

280.

. Kempf (2001), p. 121 : « Par généralisation, la pente de la droite LM est d’autant plus grande que l’élasticité de la demande de monnaie au taux d’intérêt est faible. »