b) Le Certificat et l’inflation

L’innocuité de l’inflation a longtemps fait l’objet de controverse parmi les économistes. Jusqu’à ce jour, en France particulièrement, d’aucuns y voient un faible prix à payer pour améliorer la croissance qui, elle, serait l’objectif principal292. La question pourrait être encore étendue compte tenu des divergences sur le contenu de ce qui est analysé (inflation de biens de consommation seulement ou également celle des actifs293), sur la nature de l’inflation (inflation monétaire ou inflation de croissance294), sur les difficultés de mesure (quel indice retenir lorsque le pays évolue, que les habitudes de consommation changent, que le pays s’intègre davantage aux flux sociaux, culturels et commerciaux internationaux – faut-il dans ce cas parler d’une inflation d’intégration295 ?). Aujourd’hui, il y a néanmoins un large consensus pour affirmer que l’inflation est un mal en soi. À ce titre, toute innovation dont le résultat serait un surcroît d’inflation est à proscrire.

Il importe donc de déterminer si le Certificat est générateur d’inflation.

Prenons le cadre analytique classique. Les Certificats donnent lieu à des crédits, les crédits sont source de monnaie (« credits make deposits »). D’ailleurs, nous avions vu dans notre analyse IS-LM que le Certificat était analogue à une création de monnaie. Or, l’augmentation de la monnaie, selon la doctrine orthodoxe, est inflationniste296, donc le crédit le serait aussi297.

Cependant, comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, le Certificat n’est pas de la monnaie. Le fait qu’il y ait équivalence à une offre de monnaie ne signifie pas qu’il y ait création. Selon la doctrine dominante, seules la banque centrale et les banques commerciales créent de la monnaie. Par conséquent, si la banque centrale décide d’interdire une augmentation de la monnaie alors que l’offre de crédit a augmenté, le taux d’intérêt devrait diminuer, en conséquence la production augmenter et le taux d’inflation diminuer298.

Le point essentiel, que nous développerons dans la partie consacrée aux politiques économiques, est que la banque centrale doit choisir le niveau d’inflation voulu. Un niveau trop bas n’élimine pas les retombées positives mais en réduit évidemment l’impact. On revient ainsi au dilemme inflation-chômage ou, pour être plus précis, inflation-croissance.

Notes
292.

. Ainsi Goux (1998), p. 72 : « La croyance dans les vertus stimulantes de l’inflation est largement répandue en France. […] Cette vision est conforme à l’analyse de Keynes qui considérait qu’une dose modérée d’inflation (inflation rampante) était nécessaire. »

293.

. Id., p. 67-68 : « Les banques centrales ont longtemps hésité à considérer ces évolutions de prix [celles des actifs] comme étant de nature inflationniste […]. Nous ne reviendrons pas sur ces erreurs de diagnostic. »

294.

. Id., p. 45-47 : « C’est donc la conjonction de la demande et des coûts qui est la source de l’inflation. »

295.

. L’inflation d’intégration apparaîtrait par exemple lorsque, le cours de change étant administré et le PED s’ouvrant aux échanges internationaux, l’inflation interne permet l’ajustement que la réévaluation du cours de change aurait permis si ce dernier était flexible.

296.

. Friedman (1968), p. 50 : « … l’inflation était essentiellement un phénomène monétaire. »

297.

. L’école de banque, notamment Tooke, était de l’opinion que l’augmentation du crédit ne générait pas de hausse de prix mais, par la réduction des coûts d’intérêt les réduisait (cf Rist 1938).

298.

. À la fois par réduction des coûts financiers et parce que la même quantité de monnaie est utilisée pour une plus grande production.