a) Politique immobilière

Comme on l’a vu, l’immobilier occupe dans les PED, et au Liban en particulier, une place économique prépondérante. Or, le Certificat est totalement basé sur lui. Nous avons vu à quel point l’activité économique, par le biais du crédit et des effets richesse, sera influencée par le Certificat (et donc par son sous-jacent). Il est donc essentiel qu’une politique immobilière soit menée. D’un autre côté, l’absence d’expérience de l’Autorité (inévitable, car le Certificat n’existe pas encore) impose la plus grande prudence. Il est clair, par conséquent, que l’Autorité doit se fixer un objectif de stabilité des prix immobiliers. Comme pour la monnaie, cet objectif pourrait être un taux de progression annuel proportionnel à la croissance économique ; comme pour la monnaie, l’objectif (probablement une fourchette) serait affiché et expliqué.

Les prix immobiliers, si l’Autorité arrive à réaliser son objectif, évolueraient alors dans une sorte de tunnel de Friggit.

L’Autorité obtiendrait ce résultat d’abord par des interventions sur le marché à terme et sur l’immobilier physique, ensuite par la manipulation de la fiscalité immobilière, et enfin par l’instrument des taux d’intérêt. Le « mix » des interventions et leur volume seraient déterminés par l’ampleur de la variation et la nécessité ou non d’intervenir sur d’autres déséquilibres.

L’ordre des interventions serait déterminé par le choix du spectre d’influence de l’intervention. Et, comme pour les antibiotiques, si le microbe peut être combattu et le malade guéri par un médicament à spectre étroit, c’est celui-ci qui doit être choisi.

Concernant les interventions sur les marchés immobiliers, on peut se demander si l’Autorité peut disposer, à court terme, de moyens d’action. La réponse est certainement affirmative, pour peu que le patrimoine immobilier de l’État soit mis à sa disposition et qu’elle ait une autonomie suffisante.

Rappelons que les transactions immobilières annuelles sont de près de trois milliards et demi de dollars au Liban308 et que le patrimoine immobilier de l’État y est de l’ordre de trente milliards309. Des interventions ponctuelles sur les marchés physiques et à terme de trois cent millions de dollars seront donc probablement suffisantes (sachant que l’Autorité pourrait intervenir pour des montants bien supérieurs et retourner sa position lorsque les marchés auront retrouvé des niveaux acceptables), d’autant plus que les spéculateurs n’oseront pas jouer contre l’Autorité qui dispose également de l’arme fiscale et de l’arme monétaire pour briser une spéculation à la hausse. En conséquence, les spéculateurs trouveront plus profitables de spéculer dans le sens de l’Autorité. En d’autres termes, lorsque les prix à terme sortiront de la fourchette décidée ou que les prix physiques manifesteront une nervosité perceptible, les professionnels se dépêcheront de vendre ou s’abstiendront d’acheter, voire vendront « short ».

Cependant, nous ne devons pas être abusé par cette apparence de toute-puissance : lorsque les données fondamentales l’imposeront, il sera impossible à l’Autorité de lutter à long terme contre les forces du marché310. Ces interventions ne peuvent avoir pour but de contrarier l’évolution à long terme des prix. Il faudra donc que l’Autorité dispose des moyens de détecter cette évolution et, le cas échéant, qu’elle modifie son objectif.

Notes
308.

. Selon l’Administration Centrale de la Statistique au Liban, le total des transactions immobilières en 2005 comprenant les ventes, les donations et les successions était de près de 3,4 milliards de dollars américains. Les transactions pour les trois années antérieures, si l’on excepte l’année 2004 durant laquelle une modification fiscale a entraîné un nombre d’opérations opportunistes, étaient en moyenne de 2,2 milliards de dollars (Administration Centrale de la Statistique, http://www.cas.gov.lb).

309.

. Estimation Cordahi.

310.

. La faible fluidité du marché permet d’influencer les mouvements de prix à court terme, mais la grande profondeur ne permet pas de modifier leur évolution à long terme.