Conclusion générale

‘« Celui qui voulut que l’homme fût sociable toucha du doigt l’axe du globe et l’inclina sur l’axe de l’univers. À ce léger mouvement, je vois changer la face de la terre et décider la vocation du genre humain : j’entends au loin les cris de joie d’une multitude insensée ; je vois édifier les palais et les villes ; je vois naître les arts, les lois, le commerce ; je vois les peuples se former, s’étendre, se dissoudre, se succéder comme les flots de la mer320… »’

Ce n’est pas dénaturer la pensée de Rousseau que d’y trouver l’une des idées de base de notre thèse : le risque comme matrice des institutions et les institutions comme instrument pour réduire le risque. Cela a deux conséquences : d’une part, les institutions sont conditionnées par la situation qui les a vues naître et, d’autre part, le risque effectif est en grande partie déterminé par l’activité humaine. L’interaction entre les deux apparaît comme le facteur le plus décisif dans le développement, et la réforme des institutions le corrélat nécessaire. Cependant, dans un monde où les individus se déplacent et les capitaux plus encore, tant le risque que les institutions doivent être appréciés relativement. Les agents comparent en effet entre les pays, dans le temps et aussi par rapport à leurs attentes.

Nous avons montré que le socle sur lequel se bâtissait la prospérité des nations était l’État, les entreprises et le crédit : l’État, parce qu’il est la plus grande institution, le créateur des autres et leur modèle, les entreprises parce qu’elles sont le principal lieu d’échange de risques, et le crédit parce que toutes les institutions en ont besoin et que tous les agents y participent. Il revient à l’État, institution première, d’établir la juste tension entre le risque recherché et le risque évité, et c’est le rôle de l’action spontanée de tirer le meilleur du risque et du cadre existant. Le champ privilégié de cette action se situant dans les entreprises et le crédit, c’est là surtout que se manifestent les différences de développement entre nations.

Notre attention s’est portée sur le crédit pour trois raisons : premièrement cette institution est l’une des moins idiosyncrasiques – ses règles ne diffèrent que marginalement d’un pays à l’autre –, deuxièmement, tous les agents économiques peuvent y participer, et troisièmement les effets de son amélioration peuvent imprégner tous les secteurs d’une société. Nous avons aussi fait le choix de privilégier le crédit bancaire. Une inclination personnelle nous y disposait, mais, comme le montre la section « Les banques comme fonds commun de créances », ce choix n’était pas absurde.

La question qui se posait était donc : comment, dans un PED, améliorer le fonctionnement du crédit bancaire ? La solution et la principale innovation de cette thèse sont l’utilisation du patrimoine immobilier national pour garantir les créanciers des banques. À la différence des hypothèques actuelles qui ont pour fin de garantir les emprunts des constituants, ici les constituants garantissent les banques. Ainsi, par ce renversement, il est possible d’augmenter la liquidité globale, de permettre à tous les propriétaires immobiliers de participer partiellement aux risques d’entreprises et d’élargir le champ d’action des banques.

Nous avons pris le Liban pour tester notre proposition, tout en utilisant assez librement les données ou la législation françaises pour valider nos conclusions. Les résultats de nos simulations et de nos modèles simples sont édifiants. Le Certificat est en mesure de donner une nouvelle impulsion à l’économie libanaise avec une croissance additionnelle de 9 % par an. Par ailleurs, le Certificat offre un certain nombre d’avantages qualitatifs supplémentaires, tels le développement de la bancarisation ou la régularisation et la mise à niveau des biens immobiliers inférieurs.

Notes
320.

. Rousseau (1781), p. 34-35.