b) Les rites de célébration de l’unité du territoire

Plus largement, la zone périurbaine accueille le culte du ou des héros fondateurs de la cité55. Le culte du héros, très ancré territorialement, exalte les origines de la cité ; situé entre la ville et la chôra, il fait le lien entre les différentes populations du territoire et les rassemble pour la célébration de leur histoire commune et fondatrice. Citons seulement l’exemple du héros Ptoios d’Akraiphia56.

Apollon n’est pas absent de la zone suburbaine. A Athènes, Thèbes et Asine, il patronne les Appellai, les assemblées publiques. C’est dans ce contexte qu’il porte l’épithète Pythios et qu’on lui rend un culte très politique. Le sanctuaire de l’Apollon Pythien de Delphes n’avait pas de fonction différente à l’origine, son oracle lui a ensuite procuré une influence croissante57.

En Crète également, les rites se réorganisent complètement au cours de l’Age du fer ancien et les sanctuaires suburbains forment le groupe le plus important des nouveaux lieux de culte. M. Prent a bien montré leur rapport avec l’émergence de la cité58. Ces sanctuaires, comme ceux de Gortyn, d’Oaxos ou de Praisos, recèlent des quantités remarquables de figurines en terre cuite, objets votifs homogènes qui ne traduisent pas de différences sociales. A l’inverse, les sanctuaires urbains, riches en dépôt d’objets de bronze, sont fréquentés par les citoyens guerriers et servent de lieux de compétition pour les hommes de l’élite. Les sanctuaires des marges urbaines intéressent une communauté plus large, à l’articulation entre ville et territoire ; ils fonctionnent également comme des lieux d’intégration pour l’ensemble d’une communauté comme l’attestent les nombreuses figurines de jeunes filles nues et de jeunes gens en armes. M. Jost constate également ce phénomène dans les zones de plaine en Arcadie, où les sanctuaires suburbains sont nombreux et importants59.

Dans ces différents cas de figure, les rites des sanctuaires suburbains sont ceux qui assurent la réunion de l’ensemble de la communauté civique de la ville et de la campagne dont il faut en permanence assurer les liens de dépendance mutuelle. Ces sanctuaires ont eu une longue permanence dans l’Antiquité : Pausanias, lors de son voyage en Grèce, témoigne de leur fonctionnement bien des siècles après la naissance de la cité grecque. Les rites qui s’y déroulent encore au IIe siècle de n.è., et notamment les processions impliquant les prêtres et les magistrats, prouvent leur importance toujours vive dans la définition de l’identité civique60.

Notes
55.

Schachter A., 1992, p. 36 et 52sq. Queyrel F., 2003, p. 45-48.

56.

Schachter A., 1994, p. 11-21.

57.

Schachter A., 1992, p. 36-38.

58.

Prent M., 2005, p. 476-507.

59.

Jost M., 1985, p. 547.

60.

Par exemple au sanctuaire de Déméter Termasia près d’Hermione : Pausanias, II, 35, 5-6. Alcock S. E., 1994, p. 200sq.