2- Les marges de Rome

a) ‘The suburb of Rome is not an area but a concept’

[‘The suburb of Rome is not an area but a concept’134]

La zone sub urbe est la zone qui est ‘sous la ville’, mais aussi ‘près de la ville’. Le suburbium dépend donc intimement de l’urbs. Si la limite entre Rome et son suburbium est délicate à tracer et fluctue selon le point de vue adopté135, la limite externe du suburbium est encore plus difficile à cerner136. Espace nécessairement mouvant qui évolue naturellement suivant la croissance de la ville, le terme suburbium signifie au sens strict l’espace dépendant de la ville. Dans sa définition la plus réduite, il désigne donc la ceinture de jardins et de vergers entourant le centre monumental137, ainsi que les vastes zones de nécropoles qui s’étendent le long des voies d’accès.

Un certain nombre d’auteurs antiques appliquent encore l’adjectif dérivé suburbanus à des domaines de l’Italie entière et même de la Sicile138. D’une manière générale en effet, le suburbium désigne dans les textes un espace résidentiel pour les aristocrates qui mènent leurs affaires à Rome et s’en retirent périodiquement. Il est associé à un idéal de vie saine, de bien-être que n’offre pas la ville : les aristocrates y installent donc leur demeure pour profiter de la tranquillité et restent à proximité des affaires139. Un senatus-consulte datant de 4 av. n.è. oblige d’ailleurs les magistrats romains à résider dans un rayon de 20 milles (moins de 30 km), afin de prévenir de trop longues absences dans la vie politique de Rome140. Il s’avère que c’est la distance maximale pour un aller-retour à cheval contenu dans la même journée. De même, certaines lois municipales obligent les décurions à vivre dans un rayon de 10 000 pas autour du centre urbain (soit 15 km)141. Ce souci de proximité est également exprimé par les auteurs antiques dans le choix d’implantation de leur villa 142. Les textes ont l’avantage de donner un ordre de grandeur de la taille du suburbium. Au-delà, les distances imposent des séjours plus longs. Dans ce cas, les villae sont alors de véritables lieux de retraites temporaires.

X. Lafon a par ailleurs bien montré que si les villae se concentrent davantage autour de Rome dans un rayon de 7 km, cette distance est moindre pour les villes plus modestes (évaluée à 3 km)143 . Ce dernier paramètre est évidemment important. La campagne dépendant d’une ville est d’autant plus grande que les activités économiques de la ville concernée sont développées. Dans cette optique, le suburbium de Rome est certainement le plus vaste de toutes les villes de l’Empire. On est loin toutefois de l’image des faubourgs médiévaux ou des banlieues de nos villes actuelles : la périphérie urbaine pouvait donner l’impression de campagne déserte, car occupée par quelques grandes propriétés seulement. Les remarques de Cicéron sur la campagne de Préneste sont éclairantes sur ce point144.

Notes
134.

Champlin E., 1982, p. 97.

135.

Supra I, p. 18-19.

136.

La bibliographie abordant ce problème est abondante, voir en dernier lieu : La Regina A. (dir.), 2001-2007, Spera L., 1999, Volpe R., 2000, Lafon X., 2001a…

137.

Sur ce sujet : Quilici L., 1974, p. 410-438 ; Carandini A., 1985, p. 66-74 ; Morley N., 1996, p. 83-107.

138.

Volpe R., 2000, p. 183. Etude détaillée des occurrences littéraires : Agusta-Boularot S., 1998, p. 35-62.

139.

Champlin E., 1982, p. 100sq : le suburbium est associé dans l’aristocratie aux notions d’otium, de salubritas et d’aemonitas que Rome ne leur offre pas.

140.

AE 1927, 166. FIRA I, 68, 5, l.104sq.

141.

Lafon X., 2001b, p. 130.

142.

Columelle, De agriculutura I, 1, 19 ; Pline le jeune, EpistulaeII, 17, 2 et 1, 24 ; Suétone, Auguste LXXXII, 1 et Martial, Epigrammes VI, 43, 9.

143.

Lafon X., 2001b, p. 134.

144.

Cicéron, De lege agraria II, 78.