3- Les sanctuaires et la périphérie : un maigre bilan historiographique

Si les activités attachées aux zones périurbaines de Gaule ont fait l’objet d’un thème de colloque Caesarodunum en 1997258, ainsi que d’une très récente synthèse sur la périphérie de Rome et des Gaules259, la question des pratiques religieuses qui s’y déroulent a été peu abordée jusqu’ici. Seules les quelques pages que W. van Andringa consacre au sujet dans sa récente synthèse sur la religion gallo-romaine ont le mérite de reconnaître l’ampleur du phénomène260. Sans revenir sur l’historiographie de ce sujet qui a déjà été abordée en introduction261, il faut insister sur l’idée fréquemment admise qui présente les sanctuaires de périphérie comme des lieux de culte consacrés à des divinités indigènes et issus de la période de l’Indépendance :

  • ‘Certains édifices cultuels sont le plus souvent à la périphérie. Parmi eux, figuraient les sanctuaires voués à des divinités gauloises (…) On doit y voir la pérennisation d’une tradition gauloise du temps de l’Indépendance’262.
  • ‘Toutes les villes ont possédé des sanctuaires suburbains, qui recouvrent souvent les lieux de cultes protohistoriques’263.
  • ‘Le sanctuaire [périurbains] a préexisté et a justifié l’implantation de la ville’264.
  • ‘La localisation de sanctuaires périurbains préromains expliqu[e] l’absence de forum dans certaines villes neuves romaines’265.

Cette idée trouve un écho dans les études sur l’organisation de la religion dans les provinces d’Afrique. Depuis la publication de l’opuscule de G. Charles-Picard sur Les religions d’Afrique antique en 1954, on retient l’idée que les sanctuaires périurbains des villes d’Afrique sont occupés par des divinités d’origine africaine, même si elles portent un théonyme romain. Pour G. Charles-Picard266, il s’agissait de leur octroyer un lieu où se manifeste naturellement le ‘sacré’, mais aussi de se tenir à l’écart de la vie publique romaine des cités d’Afrique. La périphérie lui apparaît donc comme un ‘refuge spirituel267 qu’affectionnent les divinités indigènes obligées à la confidentialité. Après lui, les explications sur l’origine du phénomène ont évolué. Pour C. Rossignoli, ces sanctuaires sont des réservoirs de traditions locales et sont essentiellement tournés vers le territoire plutôt que vers la ville268. Enfin, S. Saint-Amans, dans sa monographie sur Thugga, nuance les propos de G. Charles-Picard, en insistant sur le fait que les divinités d’origine africaine ne sont pas cantonnées à la périphérie. Pour l’auteur, si certains de ces sanctuaires ont une origine préromaine, le phénomène n’est pas systématique et certains sont en périphérie pour des raisons tout à fait conjoncturelles : les temples de Caelestis et de Minerve, par exemple, ont été édifiés à la périphérie de Thugga parce que leur évergète respectif y possédait un terrain donné à la communauté269.

Pour la Gaule, les citations rapportées plus haut font état de deux idées différentes. La première est que la période de l’Indépendance aurait connu cette pratique d’implanter des sanctuaires à proximité des habitats agglomérés et la seconde consiste à considérer les sanctuaires périurbains de l’époque gallo-romaine comme des survivances de lieux de culte protohistoriques à l’origine de l’implantation des capitales de cité. Aussi, afin d’avancer dans notre réflexion, il faut au préalable nous arrêter sur la période de La Tène pour y observer les relations qui se tissent entre les lieux de culte et l’habitat.

Notes
258.

Bedon R. (éd.), 1998.

259.

Goodman P. J., 2007.

260.

Van Andringa W., 2002, p. 64-81.

261.

I, p. 8-9.

262.

Bedon R., 1998, p. 18-19.

263.

Chevallier R., 1988, p. 147.

264.

Van Andringa W., 2002, p. 67.

265.

Provost M., 2006, p. 155.

266.

Charles-Picard G., 1954, p. 161-164.

267.

Charles-Picard G., 1954, p. 163.

268.

Rossignoli C., 1994, p. 559-595.

269.

Saint-Amans S., 2004, p. 256-260.