II- Le Sanctuaire et le quartier

1) Caractéristiques des sanctuaires de faubourg

a) Topographie

Parmi les sanctuaires de notre corpus, certains sont – et restent durant toute leur période d’utilisation – des lieux de culte fréquentés par une communauté de taille modeste. Ils reçoivent uniquement des offrandes privées et se présentent le plus souvent sous la forme de petits temples à l’architecture très simple.

Dans ce cas de figure, nous avons retenu524 :

  • Les Basaltes à Alba,
  • le sanctuaire de la place Camille-Jouffray à Vienne,
  • celui dit du ‘Quartier des Boutiques’ à Vaison,
  • le sanctuaire de Vaise près de Lyon,
  • le site Bas-de-Vieux à Vieux,
  • le Clos Julio de Corseul,
  • et le sanctuaire à Jupiter très bon et très grand (IOM) de Pallien à Trèves.

Quelles sont les caractéristiques qui permettent de les réunir dans un même groupe ? Les cas de Vaise et de Pallien sont un peu à part, car ils sont connus uniquement par des inscriptions. Tous les autres ont une relation de dépendance topographique avec la ville et sont dans la continuité de l’habitat urbain.

Dans le cas du Clos Julio et de Bas-de-Vieux, l’implantation des sanctuaires montre un lien fort à la trame urbaine, que nous ne retrouvons pas dans le reste de notre corpus. Le sanctuaire du Clos Julio est apparemment inclus dans un tissu urbain lâche, puisque ni au sud ni à l’ouest n’ont été repérés de cardo et de decumanus. A Bas-de-Vieux, le cas de figure est similaire : le sanctuaire est intégré dans une insula qui n’a pas de limite septentrionale et orientale. Nous sommes ici dans les franges de la trame viaire. Aux Basaltes, le sanctuaire est à l’extérieur du quadrillage des voies, mais c’est l’ultime decumanus sud de la ville qui se prolonge en allée pour donner accès à l’aire sacrée. Dans ces trois cas, les sanctuaires suivent l’orientation générale du parcellaire urbain.

A Vaison et à Vienne, aucun quadrillage régulier n’a pu être établi en raison de la topographie générale de ces capitales. A Vaison, le sanctuaire appartient à une extension urbaine située sur une terrasse en partie basse de la colline du Puymin, non loin d’une voie secondaire permettant de sortir de la ville. A Vienne, c’est un quartier extra-muros au sud de la ville qui accueille le petit temple.

A Lyon, un sanctuaire à Vaise est attesté seulement par la découverte hors contexte d’une dédicace, si bien que la topographie ne peut être précisément commentée. Toutefois, la situation de Vaise par rapport à la colonie est remarquable. Au-delà de la zone septentrionale de nécropole, se développe peu après la création de la colonie une occupation dense qui rend le statut de l’habitat incertain : a-t-on affaire à un faubourg ou à une véritable agglomération secondaire, indépendante de Lyon525 ? La fouille préalable à la construction du boulevard périphérique nord de Lyon par D. Frascone a permis de se faire une idée plus juste du problème, sans vraiment lever l’interrogation526. En effet, l’intervention archéologique alors réalisée se situe au nord de la plaine de Vaise, dans un secteur éloigné de 3 km du centre de la colonie. Des vestiges de la voie de l’Océan ont été dégagés, mais surtout pour notre propos les nécropoles, qui peuvent passer pour les nécropoles les plus septentrionales de Lugdunum527. Des deux nécropoles dégagées, la première s’étend le long de la voie de l’Océan et perdure durant deux siècles après son implantation à l’époque augustéenne, la seconde est plus récente (IIIe siècle). La plaine de Vaise est donc encadrée et parsemée de nécropoles ; mais appartiennent-elles réellement à la colonie ou au seul quartier de Vaise ? Dans ce contexte, il est difficile de trancher ; on peut néanmoins admettre que la zone où se mêlent activités artisanales, habitats et nécropoles est sous la dépendance de la colonie, à la manière dont se définit le suburbium.

La même ambiguïté se retrouve à Pallien, où l’extension urbaine est cette fois de l’autre côté du cours d’eau, la Moselle, au débouché du pont qui relie la ville à la voie Reims-Coblenz. Cette extension pose également la question de son indépendance, alors même que l’épigraphie la désigne comme vicus Voclannionum. Pour les mêmes raisons qu’à Vaise, nous pouvons y voir un quartier périphérique plutôt qu’une agglomération (dans ce cas un vicus). Les nécropoles de la capitale, qui s’étendent le long des voies, enserrent en effet complètement et parsèment les structures du vicus. Par ailleurs, la présence de ce vicus urbain en périphérie à Trèves ne doit pas surprendre, puisque la capitale trévire en possède déjà deux autres dans ses murs (fig. 18)528.

Ces sanctuaires n’ont en général aucun lien avec les principales voies de sortie de la ville, sauf à Trèves, et ne sont pas mis en valeur par une implantation topographique avantageuse. Aucun d’eux n’est en position dominante, c’est même plutôt l’inverse qu’on remarque : les sanctuaires du Clos Julio, des Basaltes, de la place Camille-Jouffray, de Pallien, sont sur les parties basses des capitales. A Vaison, même si l’altitude du sanctuaire, situé sur la colline de Puymin, est plus haute que l’altitude moyenne de la ville, le relief aurait pu être exploité encore plus favorablement pour la mise en valeur du site sacré ; au lieu de cela, on a préféré la proximité des habitats, vraisemblablement plus précoces que le sanctuaire.

Enfin, quand ils sont datés, ils sont postérieurs d’une génération au moins à la fondation de la capitale. Aux Basaltes et à Bas-de-Vieux, les sanctuaires ne sont pas construits avant la seconde moitié du Ier siècle. A Vaison, la datation est discutée, mais nous croyons pouvoir la situer au milieu du Ier siècle529. La dédicace de Vaise est encore plus tardive et d’après les critères de datation épigraphique, elle intervient dans la seconde moitié du IIe siècle ou dans la première moitié du siècle suivant530. Seul le sanctuaire de Vienne de la place Camille-Jouffray est construit dans la même période que la création de la colonie.

Notes
524.

Ces sites sont regoupés dans la première partie du catalogue : II, p. 172-202 et III, fig. 43-59 p. 553-564.

525.

II, p. 189-190 et III, fig. 52 p. 559.

526.

Frascone D., 1999.

527.

Frascone D., 1999, p. 16-18.

528.

II, p. 200-202.

529.

II, p. 185.

530.

II, p. 190.