d) Environnement archéologique

Enfin, l’environnement archéologique de ces sites présente des caractéristiques communes. A Vienne, le quartier extra-muros occupé par le sanctuaire est d’abord une zone d’épandage, qui s’urbanise rapidement avec l’installation de modestes habitats associés à des activités artisanales. Le sanctuaire est englobé dans ces structures, tout en ayant une orientation autonome qui suit les points cardinaux. Les différentes phases d’aménagement du quartier coïncident avec celles du sanctuaire. Les transformations concernent aussi les équipements collectifs, si bien que se pose la question de savoir qui en prend l’initiative. Au début du IIe siècle, la modification du tracé des voies et l’installation d’égouts entraînent une restructuration importante qui touche également les parcelles d’habitations privées ; le fanum reçoit une galerie en dur, un décor peint et ses sols sont refaits, mais rien n’est modifié dans l’emprise du sanctuaire. L’ensemble des structures collectives du quartier gagne donc en confort. Dans la seconde moitié de ce même siècle, une nouvelle restructuration du réseau de voies n’altère toujours pas l’emprise de l’aire sacrée qui voit ses sols de nouveau modifiés et son annexe reconstruite. Les améliorations successives de la circulation, de la salubrité de la zone et du décor dans le sanctuaire sont peut-être le résultat de décisions prises collectivement par la population du quartier.

A Vaison, le ‘Quartier des Boutiques’ présente des aspects similaires. Il est structurellement lié à la voie de sortie de la ville vers le nord. Les premières structures repérées datent de l’époque augustéenne, mais c’est sous le règne de Néron ou de Vespasien que le secteur se développe. C’est d’ailleurs certainement cette période qu’il faut retenir comme celle de la construction du sanctuaire. Les activités de ce petit quartier sont variées. Des ateliers-boutiques bordent la voie et accueillent des pressoirs à huile, des métiers à tisser… L’une des boutiques produit les lampes à huile servant d’offrandes dans le sanctuaire voisin. Enfin, la villa du Paon au sud est peut-être contemporaine.

A Vaise, même si l’emplacement du sanctuaire est inconnu, on sait que le quartier s’urbanise à partir du début du Ier siècle autour de la voie de l’Océan et que les occupations y sont variées : villae et habitats plus modestes, ateliers de potiers et de métallurgie, fullonica, nécropoles… Ce faubourg est donc un lieu très dynamique. L’activité périclite à partir du milieu du IIe siècle, alors que les zones funéraires continuent de se développer.

A Bas-de-Vieux, le sanctuaire s’installe peut-être au milieu du Ier siècle, même si les premières structures datées ne sont pas antérieures au milieu du siècle suivant. Comme à Vienne, les réfections dans le sanctuaire coïncident avec les structures avoisinantes, à savoir les trois parcelles d’habitat et la voie, le tout aménagé vers 50. Le lien structurel entre les habitats et le sanctuaire est fort, au point que ce sont les parcelles privatives qui délimitent l’aire sacrée. Le quartier de Bas-de-Vieux abrite également une carrière et probablement une nécropole au sud-est du sanctuaire dont une seule sépulture a été découverte. Plus au sud, une grande villa a été fouillée.

A Pallien, les nécropoles sont mêlées à des structures qui sont essentiellement à vocation artisanale, en particulier à des activités de céramique et de métallurgie. L’occupation y est attestée à partir du Ier siècle et jusqu’au Ve siècle, le quartier se développe donc juste après l’installation de la capitale.

Au Clos Julio à Corseul, l’environnement du petit fanum est connu uniquement par les prospections aériennes. On sait que le secteur présente un urbanisme lâche et qu’une domus compte peut-être parmi les structures repérées.

Le secteur autour du sanctuaire des Basaltes à Alba est celui que nous connaissons le moins. Nous avons déjà mentionné les traces d’activités artisanales antérieures à l’occupation de la ville d’Alba dans cette zone. Le sanctuaire est construit à partir de la fin du Ier siècle et subit des réaménagements au début du IIe siècle. Cette même époque est celle de l’urbanisation de ce secteur : le decumanus le plus méridional d’Alba est alors construit, il se prolonge ensuite pour devenir la rampe d’accès au sanctuaire.

Dans chacun des cas, ces quartiers périphériques se présentent sous la forme de faubourgs du type des continentia précédemment définis. En continuité avec l’espace urbain, ils sont occupés par des habitats relativement populaires qui peuvent cohabiter avec des résidences beaucoup plus luxueuses. Dans ces secteurs, on trouve également des zones d’épandage, des nécropoles, des carrières ou encore des activités artisanales jugées trop polluantes et nuisibles, et donc rejetées en périphérie.

Nos sanctuaires sont modestes, à l’image de la population industrieuse qui les voisine. Nous avons pu montrer qu’ils entretiennent des liens topographiques, structurels et chronologiques forts avec les différents éléments de ces quartiers. A cet égard, il nous semble que ce sont les communautés de ces faubourgs qui fréquentent et entretiennent collectivement ces lieux de culte avec les moyens dont elles disposent. La restauration de la cuisine de Pallien par un collectif d’au moins onze citoyens est à ce titre exemplaire. Ces citoyens sont, autant qu’on puisse en juger, porteurs de duo nomina, ce qui révèle une origine sociale excluant les plus hautes sphères de la société trévire. L’usage, assez original en Gaule et en Germanie d’associer un nomen, formé sur le prénom du père, et un cognomen individuel, atteste certainement la pérennité d’une coutume indigène et son adaptation au droit romain539 ; mais que seuls les citoyens les plus humbles suivent. Ici, chacun de nos citoyens trévires a dû cotiser un peu pour offrir au sanctuaire du vicus une nouvelle cuisine.

Notes
539.

Le Glay M., 1977, en particulier p. 273 ; Raepsaet-Charlier M.-T., 1995, p. 213-216 et 2001, p. 279 : ‘peut-être une tolérance admise (…) pour respecter la coutume patronymique locale’.