2) Entrer en ville

a) Remarques liminaires

La périphérie des villes n’est pas occupée de manière homogène par des faubourgs. Les voies ménageant l’entrée dans l’espace urbain sont souvent dégagées de tout habitat et peuvent être l’objet d’une attention particulière. Nous l’avons évoqué pour Rome et spécialement pour la via Appia, le long de laquelle les aristocrates multiplient les constructions de mausolées et de temples, afin d’affirmer à l’extérieur le pouvoir que leur gens exerce à l’intérieur. Ce phénomène se poursuit sous l’Empire, mais les évergètes sont désormais les empereurs.

La Gaule connaît un phénomène similaire. Les exemples de construction de monuments funéraires monumentaux aux entrées des villes pourraient être cités en nombre. Ils sont le résultat d’initiatives privées en vue de glorification personnelle, mais certaines périphéries relèvent parfois d’une véritable mise en scène urbanistique. Un certain nombre de grands monuments, thermes ou édifices de spectacle, y sont construits et composent des accès remarquables. Il n’est pas nécessaire de citer toutes les capitales munies d’arcs – qu’ils soient ou non reliés à une enceinte – qui à eux seuls forment des entrées de prestige. L’accès sud de Poitiers s’effectue par le passage d’un arc orné de Victoires et de trophées navals érigé peut-être sous Claude ; peu après, l’arc est côtoyé par un amphithéâtre bordant la voie à l’est. A Béziers, la voie domitienne au sud de la ville jouxte le théâtre et l’amphithéâtre. Au IIe siècle, l’entrée occidentale d’Avenches devait aussi être particulièrement remarquable : après le passage par la porte de l’Ouest, le voyageur peut observer sur la hauteur nord l’amphithéâtre et devine en face de lui les constructions du Cigognier, le grand enclos du Lavoëx et le théâtre ; il passe ensuite devant le sanctuaire de La Grange-des-Dîmes, tout en bordant le portique monumental qui alors masque la vue du Cigognier à ce niveau, tandis que sur les hauteurs, derrière La Grange-des-Dîmes, se dresse le temple de Derrière-la-Tour ; enfin, l’entrée dans le réseau des insulae implique de passer en premier lieu devant les thermes monumentaux de l’insula 19. De même, à partir de l’époque flavienne, l’entrée ouest de Clermont-Ferrand gagne une monumentalité sans précédent : la voie de Saintes est bordée au nord par les fastueux thermes de Royat dont la date de construction est inconnue, puis apparaissent l’imposant monument Vasso de Jaude et ce qui est peut-être un macellum, construits tous deux certainement à la fin du Ier siècle.

Les exemples sont nombreux et beaucoup des sanctuaires de notre corpus contribuent au caractère prestigieux de l’arrivée dans la ville. Deux seulement vont retenir plus spécifiquement notre attention ici, car leur existence est à notre avis intrinsèquement liée à leur position à l’entrée de la ville et en bordure de voie. Il s’agit du sanctuaire an Moselbrücke à Trèves et du sanctuaire de La Grange-des-Dîmes à Avenches592.

Notes
592.

II, p. 226-235 et III, fig. 75-80 p. 575-578.