2) Des sanctuaires de voyageurs

a) Topographie

Les sanctuaires sont tous localisés en bordure d’une voie importante. Ils lui sont pour la plupart structurellement liés, de telle sorte que les murs de péribole sont parallèles à la chaussée et que l’emprise des aires sacrées s’adapte à son passage. Le temple à l’intérieur de l’aire, suit également l’orientation de la voie, au point que certains offrent une ouverture inhabituellement située à l’ouest (Langres/Les Franchises pour le premier état du temple) ou adoptent une double entrée : le temple d’Im Sager a vraisemblablement son entrée classique à l’est et un second accès à l’ouest, du côté de la voie. Les structures cultuelles sont donc clairement tournées vers les passants.

Aucun n’est disposé sur une éminence ou dans une position topographique privilégiée qui le rendrait visible de loin. De plus, tous sont nettement à l’extérieur du territoire urbain, au-delà des zones de nécropoles pour la plupart. Cette situation, ainsi que leur moindre monumentalité les différencient clairement des sanctuaires d’entrée de ville, tels que nous les avons défini précédemment712. La distance qui les sépare de la ville, au minimum de plusieurs centaines de mètres voire davantage, ainsi que la présence d’équipement d’accueil, impliquent que les voyageurs qui s’y arrêtent n’ont pas vocation à demeurer dans la capitale, à moins qu’il ne s’agisse pour eux d’une étape de repos avant (ou après) l’arrivée dans la ville. C’est certainement le cas du sanctuaire de Vaugrenier.

Nous avons déjà évoqué le lien entre Vaugrenier et la via Aureliaqui longe le littoral pour mener en Italie. Situé à trois milles au nord d’Antibes, il constitue la première étape après la ville dans la direction de l’Italie. Les deux structures ont été construites dans un même projet713. Le sanctuaire suit rigoureusement l’orientation de la voie et possède trois accès reliant directement les portiques et la cour à la chaussée de la voie. La proximité recherchée avec la voie est le principal souci qui a dicté l’implantation du lieu de culte. Cela a deux conséquences : tout le sanctuaire, temple compris, a une orientation sud-est ; l’emplacement du sanctuaire massaliète qui préexiste au site de Vaugrenier et qui est dans son voisinage, n’a pas été repris. Par contre, le caractère sacré du site, par rapport à l’espace profane de la voie, est exprimé par le fort exhaussement de la cour dont le niveau est à presque 5 m au-dessus de celui de la chaussée. C’est un escalier au centre de la façade qui permet de combler la différence.

La ville de Langres possède un sanctuaire dans sa périphérie : le sanctuaire de la ZI des Franchises, à 2 km à l’est, en contrebas du plateau de Langres, immédiatement en bordure de la voie vers le Jura passant par Besançon. Quelques centaines de mètres plus à l’est, un carrefour assure vraisemblablement la jonction d’une voie secondaire. Les structures voisines du lieu de culte sont interprétées comme celles d’une mansio. Nous aurons l’occasion d’y revenir714.

Augst et peut-être Poitiers sont encadrées de sanctuaires routiers. Les deux aires sacrées du plateau du Sichelen à Augst sont regroupées à un carrefour à la sortie sud de la colonie. Les murs de péribole englobant les temples épousent parfaitement l’orientation des voies. L’enclos du Sichelen II a sûrement été ajouté après celui du Sichelen III, puisqu’il s’adapte clairement à l’emprise de ce dernier. Le temple du Sichelen II est parallèle à la voie, alors que celui du Sichelen III est orienté suivant les points cardinaux. A l’est de la ville, le sanctuaire d’Im Sager est à l’extérieur du rempart ; son mur de péribole possède les mêmes caractéristiques qu’au Sichelen : il s’adapte à la voie pour enclore un espace trapézoïdal. Sichelen et Im Sager sont l’un et l’autre à plusieurs centaines de mètres de distance des derniers habitats d’Augst.

A Poitiers, le sanctuaire de La Roche est situé à 500 m à l’ouest de la ville, sur la rive opposée de la Boivre. Il jouxte la voie vers Nantes, mais le péribole, un fossé formant une sorte d’ovale, a ici une orientation et un tracé indépendants du passage de la route. Au sud-est de Poitiers, route de Nouaillé, une ‘chapelle’ dédiée à Mercure a peut-être existé le long de la voie vers Limoges.

Enfin à Marissel, près de Beauvais, le cas de figure est assez similaire : une stèle à Mercure barbu, des blocs architectoniques et des haches, peut-être votives, semblent indiquer un lieu de culte le long de la voie vers Bavai.

Notes
712.

I, p. 89-92.

713.

I, p. 51-52.

714.

I, p. 116-117.