c) L’association à des relais routiers

c.1) L’association à des mansiones

La présence d’équipements routiers associés à certains sanctuaires confirme plus encore leur relation à la vie de la route. A Langres, le fanum est compris dans un ensemble de structures organisées autour d’une cour au bord de la voie ; elles comprennent entre autres des pièces de stockage et un hypocauste. Sa fréquentation par des soldats est attestée par du mobilier : fer de lance, poignard de légionnaire, clous de chaussure. La fonction de mansio du lieu ne fait aucun doute et la publication à venir des découvertes récemment fouillées apportera des informations supplémentaires sur la relation entre la mansio et le sanctuaire. Les aires sacrées du Sichelen pourraient se trouver aussi au sud d’une mansio étudiée par H. Bender dans les années 1970716. Toutefois, l’identification de la structure a été récemment discutée sans qu’une autre fonction lui soit attribuée717. Il s’agit d’une cour en forme de fer à cheval autour de laquelle sont agencées de nombreuses pièces. Pour H. Bender, elle regroupait des grandes auberges qui ont connu plusieurs phases entre le Ier et le IIIe siècles, signe d’une intense fréquentation. Une suite de pièces allongées pourvues de magasins de stockage l’incite à voir aussi dans cette mansio une statio du cursus publicus pour bénéficiaires, avec un centre de rassemblement de l’annone militaire718. S’il faut sûrement nuancer cette dernière hypothèse, la quantité non négligeable de militaria, mobilier de harnachement et pièces de char y rend plus que probable le passage de voyageurs.

Cette configuration du fanum associé à une mansio a de nombreux parallèles ailleurs dans l’Empire. Sur la frontière alpine, les cols du Petit et du Grand-Saint-Bernard sont ponctués de grands édifices d’accueil associés à chaque fois à un sanctuaire719. Au Grand-Saint-Bernard, c’est une divinité topique, Poeninus, assimilée à Jupiter, qui est honorée par les voyageurs720. Toujours dans les Alpes Pennines, mais en contexte urbain, à Martigny à la sortie sud de la ville vers l’Italie, un sanctuaire est en lien avec ce que F. Wiblé nomme un ‘caravansérail721, qui est une mansio associée à de petits thermes, pour le confort des voyageurs qui partent pour l’Italie. Dans ce sanctuaire daté du milieu du Ier siècle, Mercure est la seule divinité attestée722, il en est sûrement le dieu tutélaire. Enfin, des agglomérations secondaires peuvent fournir des associations similaires : en Bretagne le long de la voie vers Londres, l’agglomération de Godmanchester joint au point d’un carrefour routier important une mansio, des thermes à un temple dédié à une divinité locale, Abandinus ; l’ensemble est construit sous le règne d’Hadrien723.

Si les dispositions de la mansio et du sanctuaire en marge de Martigny sont tout à fait comparables à nos exemples de capitales de Gaule romaine, les exemples alpins et le cas de l’agglomération anglaise évoqué suffisent à montrer que la jonction d’un sanctuaire et d’une mansio n’a rien d’une spécificité de la périphérie urbaine.

Notes
716.

Bender H., 1975, p. 11-122.

717.

Fünfschilling S., 2006, p. 273-277.

718.

Bender H., 1975, p. 120-122.

719.

Pour le Petit-Saint-Bernard : Rémy B. et al., 1996, p. 204-205. Grand-Saint-Bernard : Walser R., 1984, p. 38-48.

720.

CIL V, 6865-6888. Walser R., 1984, p. 72-80.

721.

Wiblé F., 1998, p. 338.

722.

AE 1978, 453.

723.

Black E. W., 1995, p. 41-42.