a) Pertinence de la terminologie

A travers les caractéristiques que nous avons mises en avant (topographie, chronologie, divinités, structures d’accueil associées), nous avons voulu montrer le lien fort qui unit ces sanctuaires à la route. Pourtant, ce lien n’a rien de spécifique à la position en périphérie urbaine des sanctuaires, puisqu’on le retrouve à l’identique dans des mansiones isolées ou dans des agglomérations qui se développent le long des voies : nous en avons égrainé des exemples. La présence de ces sites dans notre corpus met en avant le rôle des capitales d’étape le long des grandes voies de communication de l’Empire.

D’une manière générale, un passage d’Apulée explique bien l’habitude des voyageurs de s’arrêter dans les lieux sacrés sur les bords de route pour y faire quelques offrandes.

‘Ut ferme religiosis viantium moris est, cum aliqui lucus aut aliqui locus sanctus in via oblatus est, votum postulare, pomum adponere, paulisper adsidere’ 748 .

De nombreuses dédicaces occasionnées pro itu et reditu expriment encore les préoccupations qu’un déplacement occasionne, car les dangers de la route sont nombreux : vols, accidents, bêtes sauvages, brigandage, assassinat… Les principales victimes en sont les marchands et les témoignages littéraires ne manquent pas à ce sujet749. Pline l’ancien rapporte des solutions pour éloigner les menaces : le port d’une patte antérieure droite d’hyène, attachée au bras gauche avec la peau de l’hyène, protège des vols ; mieux encore, le cœur du vautour prévient des attaques de serpents, de bêtes sauvages et de voleurs750. Toutefois, le recours à certaines divinités offre tout autant de garantie ; c’est évidemment la protection de Mercure qu’on recherche, mais aussi de Fortuna Redux751, et tout particulièrement en Gaule d’Epona et des déesses des carrefours, Biviae, Triviae et Quadriviae752.

Que se soit comme agrément du voyage à la manière rapportée par Apulée ou pour se prémunir des dangers liés aux déplacements, ces sanctuaires doivent leur existence à la route voisine.

Notes
748.

Apulée, Florides I, 1 : ‘Les voyageurs pieux ont coutume, si quelque bois sacré, quelque lieu saint se présente à eux sur leur route, de formuler un vœu, de faire l’offrande d’un fruit, de s’asseoir un moment’.

749.

Voir l’étude sur le brigandage en Orient de Wolff C., 2003, notamment p. 42sq sur les dangers de la route, et sur les risques liés aux déplacements maritimes : Braemer F., 1998, p. 61-73.

750.

Pline l’ancien, HN XXVIII, 115 et XXIX, 77.

751.

CIL XIII, 5474-5476.

752.

Qu’on trouve représentées sur les sigillées : Duval P.-M., 1976, fig. 41. Ces déesses reçoivent de nombreuses dédicaces, notamment en Germanie supérieure : CIL XIII, 5069 et 5070 (Avenches), 5621, 6090, 6326, 6429a, 8243, 11474, 11772…