7) Conclusion

L’inventaire pourrait être poussé plus avant et révèlerait à coup sûr des configurations encore différentes. Il semble déjà qu’émerge clairement dans bien des cités de Gaule un sanctuaire au rôle polarisant dans le culte public civique, qui est souvent un sanctuaire de périphérie urbaine, mais pas systématiquement.

Tous pourtant sont conçus pour accueillir des rassemblements de populations importants dans un cadre solennel obtenu par la massivité des édifices et le luxe des décors. Les rassemblements nécessitent des équipements qui apparaissent dans le sillage du sanctuaire et qui suppléent, le cas échéant, aux équipements urbains. Quand l’urbs est trop distante, ce sont de véritables agglomérations qui se développent alors. Toutefois, si la proximité de la ville n’est pas une obligation, elle est souvent recherchée en raison de ses commodités : centralité dans le territoire, accessibilité plus aisée, elle offre aussi l’avantage de ses structures et notamment de ses thermes.

Cependant, le soin est constant de ne pas implanter le sanctuaire dans le territoire urbain. Il s’agit au contraire de l’en dissocier par des moyens variés. Il faut donc supposer que les terrains relèvent de juridictions différentes, précisément entre urbs et pagus, dont il nous a semblé trouver des échos dans l’épigraphie. Les arpenteurs en font état en distinguant le solum urbium du solum agreste, dont la propriété peut être l’objet de litiges924.

Certains lieux de culte accaparent toute l’attention de la religion publique de la cité. D’autres sont au sommet d’un réseau de cultes publics qui parsèment le territoire et qui en fédèrent les différentes communautés. Enfin, ce culte peut s’organiser autour d’une divinité unique qui rassemble, comme Mars Mullo chez les Cénomans, mais aussi chez les Riédons où le lieu de culte associé n’a pas été retrouvé. Dans certaines cités en revanche, la religion civique peut s’organiser autour de plusieurs cultes, qui assument alors des rôles différents. A Trèves, Lenus Mars est le dieu de l’identité civique des Trévires, alors que Mars Iovantucarus veille au renouvellement de la communauté. D’autres divinités, ceux des pagi, s’adjoignent aux premières et il faut alors restituer une hiérarchie dans ces différents cultes. Dans les cas où l’épigraphie fait défaut, on peut supposer des organisations analogues quand les sanctuaires sont organisés autour d’édifices multiples, comme à Naix ou à Alba.

Enfin, ces sanctuaires se singularisent par l’architecture de leur temple et il est tout à fait envisageable que ce soit les autorités des cités elles-mêmes qui prévalent à leur confection. Cette hypothèse en expliquerait les originalités : chaque cité – dans un contexte d’émulation et d’affirmation de son identité civique - veut se distinguer de sa voisine. Autour de la divinité pricipale, l’exécution de gestes rituels codifiés est un moyen de s’assurer la sauvegarde de la communauté civique, mais aussi d’en réaffirmer l’identité. Les civitates, tout en étant maintenus sous la férule de Rome, peuvent ainsi avoir l’illusion de leur autonomie et exprimer une identité propre qui les différenciait des peuples voisins : ‘La liberté n’existe pas sans l’empereur, qui l’accorde par son indulgence ; le droit d’être une cité est un bienfait du prince soucieux de la prospérité de son empire925.

Notes
924.

Frontin, De controversiis II, 10 ; Hygin le Gromatique, XIII, 9.

925.

Jacques F., 1984, p. XXIX.