Sanctuaire ou Villa ?

La découverte de la dédicace n’est pas en soi une preuve suffisamment probante à elle seule pour retenir l’hypothèse d’un sanctuaire et en donner le nom de la divinité tutélaire2021. Elle n’indique pas non plus, dans le cas où on identifie les vestiges à une villa, le nom de son propriétaire2022. Pour préférer une hypothèse à l’autre, il est nécessaire de recourir à des comparaisons de plan.

Le site de Chamiers se caractérise par une succession de cours étagées, bordées de galeries. Les constructeurs ont profité de la topographie pour mettre en valeur les structures. La façade nord est monumentalisée par deux galeries en hémicycle. Le corps de bâtiments entre les deux cours possède une pièce privilégiée. Enfin, des thermes sont isolés de cet ensemble et construits dans une orientation différente.

Les sanctuaires de Gaule présentant une succession de cours sont rares. On peut tout de même citer les cas de Ribemont-sur-Ancre2023, du Vieil-Evreux2024 ou encore le probable sanctuaire de La Motte du Ciar près de Sens. Le dispositif rappelle évidemment les sanctuaires à terrasses de type hellénistique. A chaque fois, les temples sont au centre de la cour la plus haute, non à cheval sur le portique qui sépare les deux cours, et tous sont ornés à l’est. Ce constat est une première objection à la thèse d’A. Bouet qui interprète l’édifice A comme un temple.

Pour notre part, il nous semble que le site de Chamiers a une organisation structurelle qui l’apparente davantage à une villa. A savoir : la disposition en deux cours étagées suivant la pente du terrain et entourées de portiques ; la façade encadrée de pavillons d’angle ; le corps de bâtiment principal avec au centre une pièce privilégiée pour les réceptions. En Aquitaine, les villae de Bapteste à Moncrabeau (Lot-et-Garonne), de Valentine (Haute-Garonne)2025, ou encore la fameuse villa de Montmaurin2026 dans sa dernière phase (Haute-Garonne), possèdent toutes ces éléments. Enfin, la position des thermes isolés comme un ensemble architectural indépendant est un dispositif courant dans les villae. Il s’agit souvent d’une solution pour les villae implantées à flanc de colline et de grande ampleur. Leur orientation est complètement indépendante de celle de la villa et s’explique par la configuration du terrain. Ils servent à recevoir des hôtes extérieurs, ce qui justifie la présence d’autres thermes à l’intérieur même de la villa qui sont alors à usage uniquement privé2027.

La superficie de la première cour, qui atteint 7700 m2, classe cette villa parmi les résidences aristocratiques de première importance ; à Seeb (Suisse), la cour couvre 9000 m2 2028  ; l’exemple aquitain le plus grand est celui de Chiragan avec une cour de 5600 m2. De même, l’ampleur de la partie thermale (900 m2) en fait une villa exceptionnelle. On connaît en Aquitaine des thermes de villa conséquents : 600 m2 à Nérac (Lot-et-Garonne) et même 760 m2 à Chiragan2029. La superficie s’explique par l’usage semi-public du site.

Enfin, la présence de la dédicace n’a rien de surprenant dans une villa où une activité culutelle existe toujours autour d’un temple, d’un autel, etc2030. Des dédicaces à Mars caturix ont par exemple été découvertes dans deux villae du territoire helvète à Pomy et à Nonfous2031.

Notes
2021.

Contra  : Fincker M., Tassaux F., 1992, p. 46.

2022.

Contra  : Michel F., 1991, p. 564.

2023.

En dernier lieu : Brunaux J.-L. (dir.), 1999, p. 177-284.

2024.

II, p. 397. On peut peut-être encore citer La Motte du Ciar : II, p. 412.

2025.

Balmelle C., 2001, n° 31 p. 371sq et n° 64 p. 424sq.

2026.

Fouet G., 1969, p. 55-91.

2027.

Balmelle C., 2001, p. 181-182. La pièce t au bord de la rivière, dans l’axe de la pièce principale en fond de cour, a dû faire partie de l’ensemble à un moment donné.

2028.

Drack W., 1989, p. 8-10.

2029.

Balmelle C., 2001, p. 179, n° 28 p. 367sq et n° 39 p. 390sq.

2030.

Fauduet I., 2003-2004, p. 405-427.

2031.

Pomy : CIL XIII, 5054. Nonfous : CIL XIII, 5046.