1) Des artistes de confiance

En notant les noms des artistes rencontrés dans les églises de Lyon, et en regardant rapidement leur œuvre, on constate que ce sont des sculpteurs ayant uniquement travaillé pour des ouvrages religieux. Cette exclusivité laisse penser qu’il existe un « monde à part » : la sculpture religieuse d’un côté et la statuaire profane de l’autre. L’origine est sans doute imputable aux architectes et aux commanditaires ayant choisi ces artistes83. Les architectes cherchaient des sculpteurs souples, capables de s’adapter à l’ensemble, des artistes réguliers et fiables dans leur travail ; ces qualités étaient aussi valables quand les commanditaires s’adressaient directement à un sculpteur, cherchant peut-être encore davantage à faire appel à des artistes de bonne réputation et reconnus comme talentueux dans le domaine religieux. Le portrait dressé par l’Écho de Fourvière à la mort de Léonard Périer (Saint-Jodard (Loire) 1820 – 1866) témoigne de cette recherche d’artistes fiables, voire épris de leur art :

‘« […] M. Périer, dont le génie s’était exclusivement consacré à l’art religieux. Chrétien de convictions ardentes, mais éclairées, il conquérait aussitôt l’estime et la sympathie de tous ceux qui l’approchaient, par la loyauté et l’indépendance de son caractère, la simplicité de ses manières et de sa conversation pleine de chaleur et de sincérité. […] Bien des traits de dévouement décelèrent en lui le véritable homme de bien. Artiste consciencieux et épris de son art, il négligeait presque entièrement le côté spéculatif. La difficulté vaincue par persévérance, le beau poursuivi et atteint, étaient son principal mobile et son seul encouragement. »84

De plus, Lyon se distingue par le style calme et impassible de sa sculpture religieuse85 ; architectes et commanditaires ont certainement évité les risques dans le choix des intervenants. Par exemple, Charles-Marie Textor fut certainement écarté en raison de sa personnalité prononcée. Jules Tairig le décrit comme un « causeur loquace et un charmant caractère [...] On a plaisir à le voir et à l'entendre [...] ce qu'il dit, il le pense et il pense ce qu'il dit. On ne le verra pas solliciter une faveur ou une protection. Son talent lui suffit ». Notons par ailleurs qu’il ne s’entendit jamais avec son ancien maître à l’École des Beaux-arts de Lyon, J.-H. Fabisch.

Le nombre restreint d’artistes ayant travaillé dans ce domaine pourrait ainsi en parti s’expliquer : ce système limitant toujours plus étroitement et précisément le choix à un petit milieu d’artistes cautionnés.

Notes
83.

voir les parties « La collaboration du sculpteur et de l’architecte », pp. 114-123 ; et « L’influence du style du cadre architectural », pp. 133-136.

84.

Écho de Fourvière, « Nécrologie »,1er septembre 1866, p. 289.

85.

voir pp. 136-138, la partie « Des ‘traits dominants » dans la sculpture religieuse lyonnaise ? »