b) Dans les ateliers

Peu d’informations ont été trouvées sur l’importance quantitative des aides, la répartition des tâches entre le maître, les praticiens et les ornemanistes.

L’exemple de l’atelier de Bonnet est connu par quelques croisements de données. Pour les commandes rurales, il employait des praticiens. Il reçut, un temps, dans son atelier, le jeune Charles Dufraine (1827-1900) comme praticien, Étienne Pagny (1829-1898) et Fernandez furent ses derniers auxiliaires ; il était associé à Charles Protheau de 1850 jusqu’à sa mort en 1873. Par ailleurs, les emplacements de l’habitation et de l’atelier de cet arFtiste sont particulièrement difficiles à préciser en raison de leur multiplicité. Voici cependant ce qui est manifeste à partir des Indicateurs. Il eut un atelier au 26 quai de l'Archevêché en 1861 sous le nom de « Bonnet-Proteau ». En 1880, sept ans après la mort de Bonnet, Protheau était encore au 26 quai de l'Archevêché, gardant jumelé à son nom celui de son ancien associé sous l’appellation de « Bonnet-Protheau & Millefaut ». Guillaume Bonnet habitait à Lyon place Louis XVI (Morand) en 1863, lors de son mariage ; à la même époque, il faisait construire son atelier, 14 rue Robert, en face de la chapelle des victimes du siège de Lyon. En 1870, tout en gardant le 12 rue Robert, il avait un atelier avec son associé Protheau au 3 quai d’Estrées. Armand-Calliat parle « de cet atelier des Brotteaux [celui de la rue Robert ?], alors si florissant où le modèle vivant était, pour ainsi dire, en permanence, véritable école d’autrefois, quand il n’y avait pas d’école organisée par l’État et les municipalités » 143. À sa mort le 26 avril 1873, il était domicilié 4 rue du Plat.

La collection de photographies anciennes des œuvres de Millefaut apporte un témoignage de la vie de l’atelier. De un à quatre assistants peuvent accompagner le maître. On remarque que les locaux ne sont pas les mêmes : il est vrai que Millefaut s’est beaucoup déplacé. Après avoir travaillé un temps chez Bonnet-Protheau en 1880 au 26 quai de l'Archevêché, il eut vraisemblablement un premier atelier à Lyon En 1887, il possédait une première adresse sur Lyon avec Guggeri, son praticien, au 11 rue Adélaïde-Perrin, puis son nom s’y retrouve seul en 1890 pour des ornements et de la sculpture religieuse. En 1901, il était au 18 rue Franklin.

Quelques photographies montrent l’élaboration de son Saint Michel (cat. 143) pour la basilique de Fourvière. La maquette à l’échelle définitive est assemblée dehors, devant une maison à plusieurs niveaux, vraisemblablement à La Ciotat. Le buste de l’archange est posé sur des tréteaux. On voit l’œuvre avec ou sans les bras, de même pour les ailes, puis une fois sur ses jambes. Un autre cliché montre un praticien en train de travailler sur un bras de saint Michel, à l’intérieur d’un atelier. Sur certaines, une petite maquette d’environ un mètre est présente, sur d’autres c’est une maquette à échelle humaine. Pour l’anecdote, dans cette série de clichés un petit oiseau de proie apprivoisé est présent plusieurs fois, tenant compagnie au maître sculpteur ou à un praticien. L’ambiance dans l’atelier de Millefaut semble détendue.

Ces témoignages visuels permettent aussi de remarquer que l’âge de ses aides est très variable. Néanmoins, ils semblent toujours un peu plus jeunes que leur patron. On croise surtout des praticiens dans la force de l’âge, de trente ou quarante ans. Un homme d’expérience, d’une cinquantaine d’années, est présent sur un cliché où Millefaut lui-même est âgé. On peut supposer qu’il s’agit donc d’un fidèle praticien demeuré auprès du maître. Au moment de l’élaboration de la Jeanne d’Arc pour la façade de l’immeuble du journal Le Nouvelliste vers 1899, un jeune apprenti d’environ quatorze ans est présent.

Chaque sculpteur avait sans doute ses propres méthodes de gestion et de réponse aux commandes. Fabisch en avait tellement qu’il était très entouré. Cependant, J.-M. Bonnassieux « taillait sa statue lui-même, ne recourant au praticien que pour dégrossir [le bloc] ». Très consciencieux et vivant son art comme une vocation, avant de sculpter, il étudiait l’histoire, l’emplacement « Il ne négligeait aucun voyage pour voir sous quelle lumière seraient placées les œuvres qu’on lui demandait »144.

Notes
143.

Express, 5 février 1900. Rappel de la situation sous le Second Empire, sans municipalité.

144.

D.-F., Salut Public, « Bonnassieux », jeudi 12 novembre 1896.