1) Les porches sculptés

Les porches peuvent être agrémentés de sculptures de nombreuses manières en fonction des époques et de la morphologie des portails : par un tympan sculpté, un fronton, une statue sur une console ou dans une niche. Cet emplacement au-dessus de la porte d’entrée fait de cette sculpture un élément primordial et noble, car elle donne tout de suite une idée de l’église dans laquelle on entre. Les solutions sculptées sont multiples mais pas non plus systématiques. Sur les trente-neuf églises concernées par l’étude, onze307 ne possèdent pas de sculpture au-dessus du portail principal : soit par goût de simplicité – pour les porches agrémentés d’éléments architecturaux à la manière classique –, soit par économie. Notons cependant que Saint-Just (cat. 653-656) et Notre-Dame Saint-Louis de la Guillotière n’en sont pas totalement dépourvus et que celui de Notre-Dame-des-Anges, néogothique mais inachevée, garnit sans doute son tympan d’un quatrefeuilles, faute de mieux.

Dix-sept porches ont reçu un tympan308 ou un fronton309 sculpté mais celui de la primatiale Saint-Jean (cat. 888) a été supprimé, et ceux de l’Annonciation et de Saint-Charles de Serin ont disparu avec la démolition de ces églises. Aussi, dans l’idéal, il aurait dû en exister sept autres, mais qui ne furent jamais réalisés : soit la sculpture extérieure est restée inachevée faute de budget – à la Rédemption (cat. 243), au Sacré-Cœur, au Saint-Sacrement (cat. 318), au Saint-Nom-de-Jésus (cat. 302), à Saint-André (cat. 435), à Saint-Joseph des Brotteaux (cat. 637) – soit le porche n’a pu être construit – à Saint-Bernard (cat.462).

Cinq églises ont couronné leur porche d’une statue310, avec des emplacements variés, sur une console ou dans une niche, avec de petits moyens ou dans des ensembles imposants.

En observant les sujets représentés, il est possible de dégager deux grands types de choix : les sujets en rapport avec le vocable de l’église et les thèmes traditionnels des porches. Ainsi les églises de l’Immaculée-Conception, de Notre-Dame de l’Annonciation (détruite), Notre-Dame de Bellecombe (cat. 334), de la Rédemption (cat. 243), du Saint-Sacrement, de Saint-Augustin (cat. 449), de Sainte-Blandine (cat. 828), de la Sainte-Croix (cat. 850), de Saint-Georges (cat. 597), de Saint-Nizier (cat. 733), de Saint-Paul, de Saint-Bruno-des-Chartreux (cat. 525), de l’Hôtel-Dieu (voué à Notre-Dame de Pitié ; avec une Piéta semblable à celle de l’intérieur) et la primatiale Saint-Jean (disparu) – soit quatorze églises – devaient posséder un tympan sculpté ou une statue agrémentant le porche, illustrant leur vocable. Cinq autres églises possédaient de même un programme sculpté en façade en correspondance avec leur(s) saint(s) patrons(s), sans être directement au-dessus de l’entrée principale : Notre-Dame de Bon-Secours (cat. 350), Notre-Dame Saint-Vincent (cat. 417, 432, 433), au Sacré-Cœur, Saint-Bonaventure (cat. 504, 505), Saint-Just (cat. 653-656). Deux autres font écho de manière moins évidente à leur vocable : celles du Bon Pasteur – avec un Christ enseignant parmi les enfants (cat. 264) –, celle de Notre-Dame de l’Assomption – avec une Vierge immaculée de Lourdes (cat. 364).

Les tympans des églises de Saint-Pierre de Vaise (cat. 768) et de Saint-Martin d’Ainay (cat. 671) figurent le Christ trônant dans une mandorle, entouré du Tétramorphe ; ce thème est des plus traditionnels pour les tympans romans, justement ces deux églises sont respectivement néo-romane et romane. De même, la Vierge à l’Enfant (cat. 489) d’allure gothique au portail central de l’église Saint-Bonaventure cite celles des cathédrales gothiques (voir p. 133-134).

Cependant, deux sujets de tympan restent inexplicables : l’Adoration du Sacré-Cœur par deux anges à Notre-Dame Saint-Vincent (cat. 416), Le Christ et les petits enfants (cat. 351) à Notre-Dame de Bon-Secours.

Hormis le fronton de l’église Saint-Polycarpe, qui a pu conserver tant bien que mal son fronton d’origine, tous les porches possédant des sculptures sont du XIXe siècle. Cependant, que ce soit pour les églises construites à cette période ou celles antérieures complétées dans cette seconde moitié du XIXe siècle, le style des sculptures s’adapte à celui de l’église, tout en concédant rarement à devenir de véritables pastiches. Ainsi, l’église romane de Saint-Martin d’Ainay, et celles néo-romanes de Saint-Pierre de Vaise, de Notre-Dame de Bon-Secours (cat. 351) et du Bon Pasteur (cat. 263-265) ont des tympans sculptés d’inspiration romane, que ce soit dans la composition, l’attitude du Christ, les proportions, ou même le sujet. Néanmoins, la réticence des sculpteurs et des commanditaires à s’inspirer pleinement des canons romans est visible ; pour Notre-Dame de Bon-Secours et du Bon Pasteur, il s’agit davantage d’un académisme à tonalité romane.

La même chose est encore plus flagrante pour les églises néogothiques de Notre-Dame de l’Annonciation, de Notre-Dame de Bellecombe, de Sainte-Blandine, de Saint-Georges (cat. 599, 600) où le goût gothique semble même évité311 au profit d’une grande simplicité de style, qui peut seulement rappeler la sculpture gothique tardive du XVe siècle avec un grand effort d’acuité. Seule exception, la Vierge à l’Enfant du tympan de l’église gothique de Saint-Bonaventure : toujours, on remarque l’effort d’adaptation lorsqu’il s’agit d’un édifice ancien.

Pour les portails des églises de l’Hôtel-Dieu, de Notre-Dame Saint-Vincent (cat. 415-417, 432, 433), de Saint-Nizier (cat. 710), de Saint-Bruno (cat. 525), les sculptures s’adaptent facilement aux styles classiques, Renaissance et baroque. Une église éclectique aurait sans doute été ce qu’il y eut de plus apprécié par les sculpteurs, pour laisser libre cours à leur inspiration ; celle de l’Immaculée Conception à Lyon est la seule du genre à avoir bénéficié d’un élément de parure sculptée : une Vierge immaculée trônant (cat. 229), réussie par sa sobriété, sa finesse et son adéquation au vocable. À la modeste église de la Sainte-Croix, sans style particulier, si ce n’est l’évocation médiévale, correspond un très simple tympan représentant la Croix au milieu de rinceaux (cat. 850). Enfin, les cartes postales sur lesquelles il est possible de deviner le tympan du Baptême du Christ (cat. 888) de la primatiale Saint-Jean ne permettent pas d’en apprécier le style ; il ne s’agissait pas d’un pastiche médiéval, la composition rappelle ce qu’il se faisait aux XVIe - XVIIe siècle – un peu anecdotique et vivant – mais pourrait très bien avoir été une sculpture de la première moitié du XXe siècle. Cette disjonction par rapport au style gothique de la primatiale explique peut-être sa suppression.

Aux églises de Notre-Dame de Bon-Secours, de l’Annonciation, du Bon-Pasteur, de Saint-Georges, de l’Hôtel-Dieu, de Saint-Pierre de Vaise, de Saint-Bruno-des-Chartreux, de Saint-Nizier et à la basilique Notre-Dame de Fourvière (voir p. 302 et cat. 78-80), les sculptures du porche s’insèrent dans un programme plus complexe sur toute la façade : ceci en fonction des moyens financiers de la fabrique, de l’importance de la paroisse. Cependant, certaines fabriques surévaluèrent leur capacité et ne purent achever de beaux programmes : au Saint-Sacrement, au Sacré-Cœur, à la Rédemption.

Notes
307.

Notre-Dame Saint-Alban, Notre-Dame des Anges (cat. 373), Notre-Dame Saint-Louis, Saint-Camille, Saint-Denis, Saint-Euscher, Saint-François-de-Sales (cat. 583), Saint-Irénée, Saint-Maurice de Monplaisir (état actuel), Saint-Pothin (cat. 800) , Saint-Just.

308.

15 églises : Bon Pasteur, Hôtel-Dieu (Dufraine), Immaculée-Conception (Dufraine), Notre-Dame de l’Annonciation (Fontan), Notre-Dame de Bellecombe (Chenevay), Notre-Dame de Bon-Secours (non-identifié), Notre-Dame de Saint-Vincent (Dufraine), Sainte-Blandine (Cony ou Comparat), Saint-Charles de Serin (Serin), Sainte-Croix (non-identifié), Saint-Georges (Dufraine), primatiale Saint-Jean (non-identifié), Saint-Pierre de Vaise (Bonnet), Saint-Paul (non-identifié), Saint-Martin d’Ainay (Fabisch).

309.

2 églises : Notre-Dame de Fourvière, Saint-Polycarpe (sculptures posées sur le fronton de la porte ; le seul porche qui ne date pas du XIXe siècle ou qui n’a pas été refait à cette époque, il est l’œuvre de l'architecte Toussaint Loyer en 1756).

310.

Notre-Dame de l’Assomption (cat. 364), Saint-Augustin (cat. 449), Saint-Nizier (cat. 733), Saint-Bonaventure (cat. 489), Saint-Bruno-des-Chartreux (cat. 525).

311.

Au sujet de ce dégoût du Moyen-Âge, voir le propos de l’abbé J. Roux (« Jésus chez Marthe et Marie, groupe en marbre par M. Fabisch, placé dans l’église de l’Hôtel Dieu de Lyon », Revue du Lyonnais, t. I, 3e livre, 30 septembre 1850) : « On ne dira pas qu’il donné à ses corps les proportions grêles qu’on reproche à l’art du moyen âge ».