4) Les tables de communion

La suppression des tables de communion fit partie des changements du dispositif du chœur, suivant l’évolution liturgique de Vatican II ; aussi un bon nombre d’entres elles ont disparu339. Il en demeure cependant quelques-unes et d’autres sont identifiables grâce aux photographies anciennes ; ainsi suffisamment d’exemples sont observables pour permettre de remarquer que cet élément était de préférence réalisé en pierre340 et sculpté selon les budgets. Trois types se différencient : celles à travées, celles composées d’un autre motif répétitif que des travées, et celles composées de plusieurs motifs, voire un unique motif.

Les tables de communion les plus courantes au XIXe siècle sont composées d’une série d’arcades en pierre. Cette formule répétitive reste voisine des balustrades de chœur des siècles précédents. L’église de l’Hôtel-Dieu conserve une table de communion antérieure au XIXe siècle. Elle fut récupérée en 1935 à la chapelle de la Charité, avant sa destruction en 1935 et remplaça la barrière en fer forgé. Cependant, elle est déjà composée de colonnettes et préfigure le succès des tables de communion en arcature.

Ce rythme d’arcatures fut employé aux églises de la Rédemption et de Saint-André de la Guillotière, avec vraisemblablement des arcs trilobés (détails mal visibles sur les cartes postales anciennes) en harmonie dans ces ensembles néogothiques. À l’église Saint-Bonaventure, la table de communion (cat. 498) en pierre était de même formée d’arcatures et complétée par un motif polylobé. Dans l’ancienne église de Notre-Dame du Point-du-Jour341, la table de communion était formée de chaque côté de la porte – entre deux petits pilastres cannelés – de trois arcades en plein-cintre remplies chacune de baies géminées, tout à fait dans le goût néo-médiéval un peu indéterminé des modestes églises du XIXe siècle, cherchant à évoquer le roman. À Saint-Maurice de Monplaisir (cat. 708), elle était composée d’arcs en plein-cintre légèrement outrepassés, supportés par des piliers, en accord avec les inspirations classiques et romanes du projet de reconstruction de cette église. Celles de Saint-Augustin sont mal visibles. Pour certaines églises plus spacieuses, le dispositif du chœur pouvait être plus élaboré. Il se divise alors en deux : une partie réservée qu’il est possible de considérer comme un avant-chœur, séparée de la nef par une première barrière ; puis séparé par une seconde barrière, le sanctuaire avec le maître-autel, au fond du chœur. Ce fut le cas de l’église Saint-Augustin pour la partie à la croisée du transept. La première barrière, entre la nef et l’avant-chœur prenait la forme d’arcatures en plein-cintres, « Ce travail, très soigné, en pierre de Ruaz, a été exécuté par M. Malod, statuaire ornemaniste »342 ; la seconde est moins visible, mais elle formait de même une série de travées. À Saint-Pierre de Vaise, la table de communion (cat. 781) est conservée ; les colonnettes supportent de petits arcs commençant cintrés et finissant par un ressaut ; les deux piliers ouvrant au centre sont ornés de gerbes de blé, tandis qu’au-dessus de chaque chapiteau de colonnette, une grappe de raisin est sculptée, symboles eucharistiques.

Celle de l’Immaculée-Conception (cat. 241) propose une variante qui l’accorde au style éclectique de l’architecture : entre les colonnettes en pierre rose, une palmette jaillit à chaque intervalle, dans un style assez fleuri, à la manière de l’art de Bossan. À Sainte-Blandine, l’élégante table composée d’arcades brisées reposant sur des colonnettes, avec de fins motifs fleuris dans les écoinçons, est toujours en place (cat. 848)343.

Les autres tables de communion reprennent aussi systématiquement ce rythme répétitif (binaire ?), soit en rappelant plus confusément ces arcades, soit en employant un autre motif. Ainsi la table de communion ou barrière de chœur de l’église du Sacré-Cœur se compose-t-elle d’entrelacs en bas, sur lesquels se posent des colonnettes formées de boules empilées, supportant elles-mêmes des arceaux en plein-cintre. Celle de la primatiale Saint-Jean (cat. 894), entre la nef et les stalles, alternait trilobes et quadrilobes au-dessus de petits arcs. À Saint-Georges (cat. 621), ce sont des losanges aux côtés incurvés qui s’intercalent entre les segments verticaux évasés, motifs qui évoquent lointainement les formes du gothique flamboyant. La table de communion de l’église Saint-Nizier (cat.740) évoquait plus nettement encore le gothique flamboyant – en accord avec le style de l’église – par des motifs de rai-de-cœur ou de cœurs, intercalés entre des segments verticaux. À Saint-Irénée, ce sont des croix grecques et en ‘X’, fusionnées, insérées dans un cercle – motif qui rappelle l’art paléochrétien –, qui se répètent entre des segments verticaux. Celle de Saint-Paul (cat. 740), plus pleine, reprend ce motif de cercle avec des croix inscrites, mais ici, la croix grecque et la croix en ‘X’ alternent.

La table de communion de la basilique de Fourvière (cat. 168) est nettement plus élaborée, avec un riche programme sculpté, particulièrement foisonnant et soigné, et une iconographie symbolique. Entre des petits piliers ioniques se développent deux rinceaux se séparant à partir d’un motif central symbolique et changeant à chaque intervalle ; au-dessus de chacun de ces rinceaux, une colombe est posée affrontée au motif central. Ces motifs sont les symboles du sacrifice eucharistique344 : des épis de blés rappelant le pain consacré, des raisins pour figurer le vin consacré devenu sang du Christ, et la croix, sur laquelle Jésus s’est offert. Les colombes semblent venir y picorer, à l’image des fidèles communiant, sauvés et régénérés par le fruit de ce sacrifice ; motif qui remonte à l’art paléochrétien.

La table de communion de Saint-Eucher (cat. 569), visible sur une photographie de la première moitié du XXe siècle, est très particulière. Elle est en deux morceaux, identiques, de chaque côté de l’allée centrale, libres de toute attache sur leurs côtés. Au centre de chacun se trouve un cercle entourant une croix ; des palmes stylisées jaillissent du bas de ce cercle et atteignent la barre d’appui pour la supporter ; elles forment les flancs échancrés de cette table.

Une table de communion de la première moitié du XXe siècle est encore en place ; il s’agit de celle de l’église du Saint-Sacrement (cat. 332). En marbre et complétée par une porte en bronze, elle est le fruit de la collaboration de l’architecte Robert Giroud (1890 Collonges-au-Mont-d’Or – 1943 Lyon ; grand prix de Rome en 1922) et du sculpteur Louis Bertola (1891 – 1984 ; grand prix de Rome en 1923) et fut inaugurée le 30 mars 1930. Son dispositif la distingue de celles du XIXe siècle. Elle n’est pas compartimentée mais symétrique. Au centre, elle représente le Saint Sacrement, entouré de colombes et d’ailes sur la porte, qui rayonne symboliquement comme un soleil de chaque côté sur la table, la remplissant ainsi de lignes obliques.

Notes
339.

Les tables de communions des églises suivantes nous sont demeurées inconnues : Notre-Dame de l’Annonciation, Notre-Dame de Bellecombe, Notre-Dame de Bon-Secours, Notre-Dame de l’Assomption, Notre-Dame Saint-Alban, Notre-Dame-des-Anges, Notre-Dame Saint-Vincent, Saint-Bernard, Saint-Camille, Saint-Charles de Serin, Saint-Joseph des Brotteaux, Saint-Martin-d’Ainay (dont on ne voit que le haut en marbre blanc sur une carte-postale ancienne ; cat. 680), Saint-Nom-de-Jésus.

340.

D’autres étaient des grilles forgées, certainement par faute de moyens ou en attendant de pouvoir avoir mieux : à Notre-Dame Saint-Louis de la Guillotière (cat. 400), à Saint-Bruno-des-Chartreux (cat. 523), à Saint-Denis (formée d’une série de cercles avec une croix inscrite dans chaque : élaborée, elle n’était sans doute pas provisoire, cat. 546), à Sainte-Croix (doubles grilles ; cat. 856), Saint-François-de-Sales (cat. 590), Saint-Just (cat. 662).

341.

Cette modeste église construite par Tony Desjardins (1840-1842 et 1874 ?) et détruite en 1971, n’a pas été comptée dans l’étude. La documentation la concernant est presque inexistante ; cependant, une carte postale ancienne figurant l’intérieur a été trouvée (cat. 394).

342.

A. Chomel, « L’église de Saint-Augustin à Lyon », La Construction lyonnaise, 16 novembre 1912, t. 28, n°22, pp. 257-259.

343.

Offerte par les paroissiens le 9 juin 1895, à l’occasion des noces sacerdotales d’argent (25 ans) du curé Nitellon. (Lyon, archives diocésaines, Sainte-Blandine : I 312, Procès Verbaux 1841-1917)

344.

Le sacrifice de la messe rappelle non seulement l’institution de l’eucharistie par le Christ le soir de la Cène, mais le pain et le vin sont aussi son corps livré sur la croix et son sang versé, seul sacrifice parfait pour le rachat et le salut des hommes.