5) Les chaires

Le terme de « chaire » vient du latin cathedra, c’est-à-dire « siège à dossier », dès les premiers temps chrétiens elle désigne en particulier le siège de l’évêque, lui qui, à l’image des apôtres, est en charge d’enseigner au peuple chrétien. Au cours du temps, le sens glisse peu à peu ; au milieu du XVe siècle elle devient dans les églises la « chaire de vérité »345. La forme de l’objet suit cette évolution, passant d’un siège massif avec dossier, pour devenir une tribune – élément élevé entouré d’un garde-corps – généralement surmontée d'un dais appelé abat-voix, d'où le prêtre fait des lectures et enseigne, prêche aux fidèles.

Très utilisée au XIXe siècle, elle prend le plus souvent la forme d’une cuve polygonale entourée d’un garde-corps plein. Toujours en surélévation, la cuve est soit perchée sur un pied, soit en console contre un mur. En fonction de son emplacement contre un mur ou un pilier de nef, la rampe d’escalier qui y accède est droite ou tournante le long du pilier. La chaire comporte systématiquement un abat-voix, souvent relié à la cuve par un dorsal. Cependant, par rapport à ces aspects redondants, les exemplaires dans les églises de Lyon proposent quelques variantes.

Cet élément mobilier ne servant plus après le concile de Vatican II, les chaires furent bien souvent supprimées et détruites : elles sont absentes dans vingt-cinq346 églises sur les trente-neuf étudiées, faisant ainsi disparaître un des plus beaux éléments artistiques des églises.

Deux églises de Lyon conservent encore leur chaire antérieure au XIXe siècle, manifestant certainement du respect pour ces objets quand ils étaient plus anciens. Ces chaires sont typiques de la forme traditionnelle. Celle de Saint-Denis (cat. 540) date probablement du XVIIe siècle ; elle est en bois, la cuve hexagonale suspendue cantonnée de colonnettes possède cinq panneaux sculptés ; le culot est richement sculpté tandis que la dorsale et l’abat-voix sont d’une grande simplicité. Celle de l’église de l’Hôtel-Dieu (cat. 220) date environ du XVIIIe siècle ; elle fut réalisée par Marc II Chabry, et provient de l’ancien couvent des Carmes déchaussés. Son schéma est le même, mais son style est baroque : les formes ne sont plus angulaires, les marbres sont polychromes, le riche abat-voix est comme une couronne, il est surmonté par un ange et soutenu contre le dorsal par deux angelots.

Quelques chaires de la première moitié du XIXe siècle tiennent encore en place : on en compte quatre sur les six dont nous avons connaissance. Ce sont toujours des chaires aux formes très traditionnelles. La chaire de l’église baroque de Saint-Bruno-des-Chartreux datant de 1815 est simple et assez petite, en comparaison de ce qu’on aurait pu attendre d’une église baroque. Elle est en marbre polychrome et toujours selon le même modèle, les seules minimes variations sont que sa cuve hexagonale repose sur un pilier et que l’abat-voix prend la forme d’une coupole surmontée d’un ange sonnant de la trompette. La chaire de Saint-Bonaventure (cat. 488), toujours en place, est presque similaire, si ce n’est qu’elle est encore plus sobre et suspendue. Celle de Saint-Just (cat. 652) est plus spacieuse, en marbre polychrome, principalement rouge (rose foncé) et gris sombre, de cuve octogonale et suspendue ; l’abat-voix commence sur un plan carré aux angles de devant coupés et creusés, puis forme une corniche de même plan plus étroit et se termine en coupole sur cette même découpe, surmonté d’une statuette dorée de l’évêque Saint Just. La chaire aujourd’hui disparue de l’église Notre-Dame Saint-Louis (cat. 399) est à peine visible sur une carte postale ancienne figurant la nef et le chœur ; cependant, elle permet de constater qu’elle ressemblait fort à celle de l’église Saint-Denis. Celle de Saint-Paul (cat. 741) fut aussi détruite, visible sur une carte postale, elle semble avoir été de peu de valeur artistique. Dépourvue de dorsal et d’abat-voix, elle était composée très simplement d’une cuve hexagonale reposant sur un pilier, à la manière de celle de Saint-Bruno, encore plus dépouillée d’ornement. Reste celle toute simple et mince de Saint-Eucher (cat. 561), qui fut remaniée par Sainte-Marie Perrin dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le 15 janvier 1841, la chaire originale en marbre blanc faite par le marbrier Adamin fut placée dans l’église347. Puis en 1898, des modifications eurent lieu :

‘« Cette chaire en marbre de Carrare était trop étroite et plusieurs pièces étaient disloquées. M. Sainte-Marie Perrin fit un nouveau croquis qui permettait d’utiliser tous les marbres de la chaire ancienne et de la compléter par de nouvelles bandes. Le travail fut confié à M. Brulat, sculpteur. On fit disparaître l’abat-voix disgracieux qui tombait de vétusté ; il fut remplacé par un autre de meilleur style et la chaire, complètement refaite, agrandie et ornée ajoute un nouvel ornement à l’église. Ce travail a coûté 630 francs, que M. le Curé a pu solder sans rien demander à la caisse de la Fabrique »348

La chaire de l’église Saint-François-de-Sales (cat. 582), fut peut-être conçue entre 1839-1847 lors de la campagne de travaux349 réalisés sous la direction de Benoît, ou lors de la phase de décoration des années 1850-1860. Il ne reste maintenant que le dessous de la cuve et le haut du pilier qui la supportait, conservés au fond du bras gauche du transept. La cuve polygonale, en marbre blanc était décorée de pilastres et de niches en plein-cintre garnie de statuettes, les arêtes se prolongeaient sur la coque sous la cuve – encore visible – finement ciselée de motifs rappelant les grotesques de la renaissance, portée par un pilier fasciculé. La rampe d’escalier était courbe. L’abat-voix suspendu de plan hexagonal, bordé d’une crête, se terminait par un dôme à arête courbes. Sans être forcement original, le style de cette chaire était cependant particulier : ni classique, ni baroque, ni roman, ni gothique.

La chaire qui était dans l’église du Saint-Sacrement – visible sur une carte postale ancienne – avait été récupérée de l’église provisoire, construite très pauvrement en mâchefer en 1875. Cette chaire en bois était très modeste et grêle, composée traditionnellement d’une cuve polygonale juchée sur un pilier, d’une rampe d’escalier courbée et d’un abat-voix plat suspendu. Il ne s’agissait donc pas de l’œuvre prévue par l’architecte Sainte-Marie Perrin pour son église. Celle de l’église Saint-Bernard (cat. 461) possède à peu près le même schéma, avec une différence dans l’agencement : un dorsal de bois relie la cuve et l’abasson. Ses proportions sont aussi plus importantes et elle est ornée de petits motifs évoquant l’art gothique : colonnettes, crêtes, crochets, arcs trilobés et choux.

Les autres chaires néogothiques étaient plus monumentales, et certaines figurent parmi les chefs-d’œuvre de la sculpture religieuse lyonnaise.

Celle de la primatiale Saint-Jean (cat. 887) est toujours en place. Elle fut réalisée entre 1836 et 1840 par Legendre-Héral, sous la direction de l’architecte Antoine Chenavard, avec des clauses précises. Son coût fut de 25 088 francs dont 20 000 financés par le ministère de la Justice et des cultes350. En marbre blanc, sa cuve polygonale et juchée sur un pied se terminant comme un chapiteau palmiforme rappelle des modèles de la fin du Moyen Âge telle que celle de Largentière (Ardèche) du dernier quart du XVe siècle. Au centre de ses panneaux ornés de motifs polylobés et flammés, sont placées des statuettes des évangélistes et de saint Jean-Baptiste. Son abat-voix, formé d’un simple plateau hexagonal en bois orné d’une crête, a disparu. À Saint-Georges (cat. 595), le modèle dessiné par Bossan est le même, toujours néogothique ; seul l’agencement du décor et les motifs changent351 ; ainsi la cuve est cantonnée des statuettes des évangélistes et de saint Pierre. Si la chaire de Saint-Georges est élancée, celle de Saint-André (cat. 434) avait au contraire un aspect massif et assez structuré, sans être pour autant disproportionné. Cette chaire détruite était composée d’une cuve octogonale en pierre, juchée sur un pilier par l’intermédiaire d’une base en corniches, et un dorsal raccordait l’abat-voix, tous deux en bois. La cuve était cantonnée de colonnettes et les côtés formaient des niches en arcs trilobés pour abriter des statuettes. En bordure, l’abat-voix était orné d’arceaux pendants trilobés, rythmés au-dessus par de fins pinacles. Le menuisier L. Joly réalisa toutes ces boiseries pour 2 800 francs d’après les dessins de Visconti, entre 1903 et 1909, tandis que V. Fontan sculpta les statuettes pour environ 2 200 fr.352.

Les chaires de Saint-Nizier, de Sainte-Blandine et de la Rédemption sont parmi les plus riches et monumentales, de véritables archétypes du néogothique. Celle de Saint-Nizier (cat. 709), toute en bois de chêne et finement sculptée, s’adosse encore à un pilier de la nef. Elle fut conçue entre 1866 et 1867 sous la direction de l’architecte Pollet par les maîtres menuisiers Clauses ( ?) et/ou Claude Bernard ( ?) pour 30 000 francs grâce à un don de Mme Marie Cuzin veuve Durand, et fut voulue de « style gothique fleuri XVe siècle »353. La cuve polygonale repose sur un pilier en palmier. Mais, les nombreuses statuettes qui la flanquaient et la cantonnaient ont disparu. Grâce à la description de J.-B. Martin, nous savons qu’elles figuraient « le Sauveur du monde ayant à ses côtés les quatre évangélistes encadrés par quatre anges ». Plus rare, l’accès se fait par une majestueuse double rampe qui enserre le pilier de la nef. L’abat-voix, aussi volumineux que la cuve, se termine comme la flèche sud de la façade. La chaire en pierre de Sainte-Blandine (cat. 826) dessinée par l’architecte Malaval et exécutée par le sculpteur Comparat en 1888354, reprend à peu prêt ce schéma355. Mais ici, elle se place au centre d’une travée, et est donc parfaitement indépendante ; elle s’affirme comme un monument à part entière au sein de l’église. Par rapport à celle de Saint-Nizier, son décor est moins flamboyant et plus architecturé. La balustrade de la rampe est faite d’arcades en plein-cintre. La cuve est cantonnée de colonnettes, marquée de grosses frises de motif d’inspiration végétale, les panneaux sont décorés de l’Agneau et de blasons épiscopaux. L’abat-voix est couronné par un édicule en clocheton qui rappelle le genre du clocher de l'église. Malheureusement, la chaire de l’église de la Rédemption (cat. 242) est détruite. Adossée contre un pilier, la cuve polygonale était de marbre blanc, munie d’une double rampe d’accès composée d’arcades brisées et enserrant le pilier de la nef auquel elle était adossée. J.-B. Martin en donne une description :

‘« La chaire est dégagée, grande et à escalier double ; le pilier qui la supporte est entouré de quatre saints personnages de l'Ancien Testament : Moïse, Aaron, David et Abraham. La cuve de la chaire est ornée de bas-reliefs : sur le devant, le Christ est assis tenant en main le livre des évangiles et entouré de quatre docteurs de l'église : saint Augustin, saint Bonaventure, saint Grégoire le Grand et saint François de Sales. Entre ces personnages, quatre anges aux ailes déployées portent des symboles : un glaive, une tour, etc. L'abat-voix est de bois sculpté, il est surmonté d'élégants clochetons dominés par un ange portant une banderole. »’

Grâce aux cartes postales anciennes, il est possible de voir les panneaux de la cuve ornés de niches, en arc brisé surmonté d’un pinacle, et garnies des figures assises des docteurs ; tandis qu’aux angles, les anges sont accrochés debout. Le dorsal en bois liait la cuve et l’énorme abat-voix couronné d’un édicule en forme de flèche ajourée. Elle était entourée d’arcs-boutants et surmontée de l’ange, le tout en bois finement sculpté et agrémenté.

Les autres chaires offrent des formes moins conventionnelles. Parmi elles, il encore possible de distinguer deux types : celles dont la cuve est posée sur plusieurs colonnettes356 – à Saint-Martin d’Ainay et à la basilique de Fourvière – et les chaires monumentales et indépendantes munies d’une rampe droite sur chaque côté – aux églises de Sainte-Croix (cat. 849), de Saint-Polycarpe (cat. 782) et peut-être de Saint-Pothin.

La chaire de Saint-Martin (cat. 670) fut sculptée entre 1864 et 1866 par J.-H. Fabisch sous la direction de l’architecte Charles Questel. Détruite, il ne reste plus que les quatre reliefs découpés et placés dans la chapelle nord. Cependant, Aimé Vingtrinier en donne une description précise :

‘« adossée à l'une des colonnes de la nef de l'église, avec un escalier tournant autour de cette colonne. Sa cuve octogonale, ornée de panneaux sculptés, reposait sur six colonnes colonnettes torses. Au-dessus des quatre chapiteaux des principales colonnettes, et donc à chaque séparation de panneaux, étaient représentés les emblèmes apocalyptiques des quatre évangélistes. Des panneaux rectangulaires, placés à la base du garde-corps, étaient enrichis de mosaïques et de morceaux en porphyre rouge d'Égypte. Ces mosaïques étant l'œuvre de M. Mora. Au-dessus des consoles aux têtes emblématiques se trouvaient, à nouveau, des colonnettes séparant chaque panneau sculpté à fond de mosaïque d'or de Venise. Sur celui du centre était représenté Notre-Seigneur remettant les clefs à saint Pierre. C'est l'établissement de l'Église Universelle. À gauche, se trouvait saint Jean composant, sous la dictée d'un ange, l'Apocalypse. C'est la glorification de la parole écrite. Du côté droit, saint Paul et saint Barnabé refusant des honneurs qu'on devait rendre qu'à la Divinité. C'est la glorification de la Parole prononcée. Enfin, sur le quatrième panneau, était représenté saint Paul entraîné au supplice, en remettant ses pouvoirs à saint Irénée. C'est l'origine glorieuse de l'Église de Lyon ».’

Il est aussi possible de lire ces quatre représentations en fonction de l'usage de cet élément mobilier : la prédication et l’enseignement par le prêtre. Le Christ remettant les clefs à saint Pierre rappelle l’autorité des apôtres en temps que gardiens de la Foi, dans l’Église. Cette autorité – ou plus exactement cette responsabilité conférée par Dieu pour faire progresser la Bonne Nouvelle et garder les âmes des fidèles – se transmet d’apôtres en apôtres, c’est-à-dire d’évêques en évêques, d’évêque au prêtre, par l’appel de Dieu à cette charge ; c’est ce qu’illustre Le Sacre de l’évêque saint Irénée par le saint Apôtre/évêque allant au martyre. Ainsi, les successeurs les apôtres, du pape jusqu’au prêtre dans la paroisse, sont chargés de proclamer et d’enseigner la Bonne Nouvelle, en se fondant sur la Parole de Dieu contenue dans les sainte écritures – Saint Jean écrivant l'Apocalypse sous la dictée de l’Ange – mais aussi sur la Tradition357 apostolique et les témoignages des saints – Saint Paul et saint Barnabé, simples témoins du Christ, refusant d’être pris pour des dieux.

Toutefois, Aimé Vingtrinier trouvait cet « édicule, trop gracieux peut-être pour la gravité du monument, mais entrant néanmoins très bien dans l'harmonie générale ». Il semble évident que l’architecte qui dessina358 cette chaire a cherché à lui donner un aspect « antique » ou « archéologique », conformément aux origines anciennes de cette église qui fut une des premières à Lyon. Cette manière de jucher la cuve sur des colonnettes en fait une lointaine petite-fille de celles de Nicolas Pisano au Duomo de Pise (1263) et au Duomo de Sienne (1268)359.

À la basilique de Fourvière la chaire (cat. 77) est installée sous une arcade ; la cuve est à quatre cotés, dont les deux grands sont bombés ; l’avant repose sur cinq colonnettes et deux petits piliers rappelant les colonnettes des cloîtres romans ; l’arrière est supporté par un muret, masquant le dessous de la rampe d’escalier. Sainte-Marie Perrin établit un dessin général qui sera repris par son fils Antoine, et le relief sculpté devait représenter Jésus prêchant. En 1920, Larrivé, sous la direction d’Antoine Sainte-Marie Perrin, proposa un projet original ce qui provoqua une controverse (voir pp. 211-212). Son ami Louis Bertola reprit l’iconographie de manière un peu plus classique et le relief fut enfin exécuté en 1930 par la maison Guinet.

On remarque que les chaires monumentales et indépendantes munies d’une rampe droite sur chaque côté360 sont liées – pour les exemplaires de Lyon – à l’intervention des architectes Pierre Bossan et de son disciple Sainte-Marie Perrin à l’occasion de travaux dans ces églises.

Le cas de la chaire de l’église Saint-Polycarpe (cat. 782) est bien connu361. Elle fut dessinée par Pierre Bossan et les sculptures réalisées par Charles Dufraine ; une souscription permit de la financer. Elle fut installée en octobre 1864, mais les statuettes de saint Pierre et de saint Paul furent sculptées en novembre de la même année. De manière exceptionnelle pour ce modèle, elle s’adosse contre un pilier dans la nef ; la base – sous les rampes droites et la cuve – est pleine ; cette cuve hexagonale est en saillie sur trois côtés, aussi les deux angles dégagés sont cantonnés des statuettes de Saint Paul et Saint Pierre, tandis que le panneau central est orné de l’Agneau ; les rambardes sont faites de balustres ; le dorsal et l’abat-voix assez monumental sont en bois.

La chaire aujourd’hui détruite de l’église Sainte-Croix (cat. 849) est visible sur une carte postale ancienne. Placée dans une travée entre deux colonnes, sa base est pleine ; le devant plat de la cuve est légèrement saillant, cantonné de pilastres ; la rambarde des escaliers est ajourée d’arcades ; le dorsal est de pierre, finissant par deux rampants, et allégé par un motif d’arcatures de trois arceaux brisés – un grand encadré de deux plus petits – motif qui se trouve à la chapelle des Frères des Écoles chrétiennes à Caluire, construite par Sainte-Marie Perrin. Bien que l’intervention de cet architecte à l’église de la Sainte-Croix soit nullement précisée, l’exacte similitude des retables de la Vierge et de Saint Joseph avec ceux de l’église de Thizy (Rhône) qu’il conçut, la ressemblance de la statue de Saint Joseph à celle de l’église de Saint-Héand (Loire) que Paul-Émile Millefaut réalisa sous sa direction, laissent penser que Sainte-Marie Perrin travailla pour des réaménagements dans cette église. Il faut surtout préciser que cette chaire reprend elle-même la forme de celles de Thizy, de Saint-Héand, de Grézieu-le-Marché (Rhône), dessinées par Sainte-Marie Perrin ; qui lui-même reprend un modèle affectionné par son maître Pierre Bossan et qui se retrouve à La Louvesc (Ardèche), chez les dominicains de Marseille et à Notre-Dame de Valence (Drôme).

La chaire de l’église Saint-Pothin, détruite et à peine visible sur une carte postale, présentait un devant semblable et un socle plein qui peut laisser supposer une formule proche.

Selon J.-B. Martin, ces chaires à l’aspect monumental évoquent les ambons des basiliques paléochrétiennes. Il est vrai que ces deux architectes n’ont pas hésité à faire appel à ce style en dotant leurs églises de ciborium et de chaires en forme d’ambons362.

Enfin, la chaire de l’église Saint-Pierre de Vaise était d’un modèle peu commun (cat. 767). Reposant sur une base pleine, la cuve formait une avancée trapézoïdale soutenue par deux colonnettes torses. Son inspiration semble romane et renaissante, avec même une touche de gothique sur le dorsal, style bien particulier qui rappelle ce qui pouvait se faire en Italie entre les XIIIe et XVe siècles.

Signalons que d’autres chaires lyonnaises disparues sont connues par leur mention dans les archives. Elles permettent d’avoir des renseignements sur l’exécution, mais pas de se faire une idée sur leur apparence. Ainsi, celle de Notre-Dame de Bellecombe (cat. 175)363 fut réalisée par Chenevay pour environ 4 116 francs en 1899 sous la direction de Duret. Elle était en pierre de Lens et l’abat-voix en bois de chêne. La chaire de l’église de l’Annonciation (cat. 58) fut exécutée aussi par Chenevay avant 1897364. Enfin l’ouvrage su les chapelles et églises de Lyon par Jean-Baptiste Martin365 permet de savoir que la chaire disparue de l’église de Notre-Dame de Bon-Secours (cat. 348), fut réalisée par le même sculpteur en 1878. À cette constatation, on ne peut s’empêcher d’imaginer qu’il s’était fait une renommée de spécialiste en la matière.

Notes
345.

Dictionnaire TLF : Chastellain, Chroniques, V. 116, 12 ds Heilemann, Der Wortschatz von Georges Chastellain, Leipziger romanistische Studien, Leipzig, 1937.

346.

Dans 14 églises, la chaire supprimée reste inconnue : Immaculée-Conception, Notre-Dame de Bellecombe, Assomption, Notre-Dame Saint-Alban, Notre-Dame des Anges (cat. 370), Notre-Dame Saint-Vincent, Sacré-Cœur, Saint-Augustin, Saint-Camille, Saint-Charles de Serin, Saint-Irénée (cat. 622), Saint-Joseph des Brotteaux, Saint-Maurice de Monplaisir, Saint-Nom-de-Jésus. Dans 11 églises, la chaire supprimée est documentée : Annonciation (église détruite ; cat. 58), Notre-Dame de Bon-Secours (cat. 167), Notre-Dame Saint-Louis (cat. 399), Rédemption, Saint-André, Saint-Martin d’Ainay (cat. 670), Saint-Paul (cat. 741), Saint-Pierre de Vaise (cat. 767), Saint-Pothin, Saint-Sacrement, Sainte-Croix (cat. 849).

347.

Lyon, archives diocésaines, Saint Euscher : I 479, notes du 15 octobre 1841.

348.

Lyon, archives diocésaines, Saint Euscher : I 479, mai 1898.

349.

Reconstruction de la chapelle de la Sainte Vierge, réfection de la sacristie et des fonts baptismaux, reconstruction du dôme et des piliers que le supportent, agrandissement du chœur, construction de deux chapelles de chaque côté du chœur (Jean-Baptiste Martin, Histoire des églises et chapelles de Lyon (2 vol.), Lyon, H. Lardanchet, 1909, t. 1, p. 101.

350.

Lyon, archives diocésaines, Saint Jean : I 521 (Primatiale : travaux). Cependant, un autre document mentionne que la chaire en marbre blanc a été dessinée par Desjardins, payé 26 000 par le gouvernement à la requête de M. Sauzet président de la chambre, et sculptée par Fabisch (Saint Jean : I 523 ; registre de la Fabriques : cérémonies, tarifs et recettes,inventaire ; résumé des délibérations de 1837 à 1827).

351.

Taille de la pierre exécutée par Combe pour environ 2 916 fr, entre 1849-1851 ; avec aussi Ferra, Félix Bernasconi (statuettes) et Pinier [ ?]. Lyon, Archives diocésaines, Saint Georges : I 498.

352.

Lyon, Archives diocésaines, Saint-André : I 1206, devis, mémoires, factures, reçus, 1900-1909.

353.

Lyon, Archives diocésaines, Saint Nizier : I 595 (registre des délibérations 1852-1871).

354.

Après mission prêchée par trois pères Rédemptoristes du 11 mars au 1er avril. Lyon, Archives diocésaines, Sainte-Blandine : I 312, procès verbaux 1841-1917.

355.

Voir : chaire de l’abbaye de prémontrés Saint-Martin, Laon, fin XIXe-début XXe, maison Vanpoulle de Cambrai (base Palissy).

356.

Autres exemples de chaires sur colonnettes : à l’église de Couzon-au-Monts-d’Or par Pierre Bossan, à l’église de Chaponost (Rhône) par Sainte-Marie Perrin ; Saint-Pierre de Montrouge à Paris par Vaudremer ; chaire de la collégiale de Frose.

357.

Le concile de Trente fut le premier à apporter une définition de la Tradition. Avec la Bible, elle est une source de la Révélation. Le concile la définit alors comme étant « les traditions non écrites qui, reçues par les apôtres de la bouche du Christ lui-même, ou transmises comme de main en main par les apôtres sous la dictée de l'Esprit Saint, sont parvenues jusqu'à nous. »

358.

« Église Saint-Martin-d'Ainay à Lyon » [Chaire à prêcher]. Croquis d'architecture, 1866 - 1867, n° 2, pl. 3.

359.

Voir aussi de l’ambon du XIIe siècle de l’église copte de Sainte-Marie, au Caire en Égypte.

360.

En dehors de la région : Église Saint-Michel-des-Batignolles, chaire en bois, Paris, XIXe siècle ;.

361.

Lucien Bégule, L'œuvre de Charles Dufraine statuaire lyonnais, Lyon, Vitte, 1902, p. 33. Jean-Baptiste Martin, Histoire des églises et chapelles de Lyon , Lyon, H. Lardanchet, 1909, tome 2, p. 253.

362.

Jean-Pierre Sodini, « L’ambon dans l’église primitive », Maison Dieu, n°193, 1er trimestre 1993, Paris, Cerf, p. 47. Catherine Metzger, Maison-Dieu, n°193, 1er trimestre 1993, Paris, Cerf, p. 38

363.

Lyon, Archives diocésaines, Notre-Dame de Bellecombe : I 1153, « Mémoire des travaux de sculpture pour le compte de M. Serre – d’après les dessins et sous la direction de M. Duret architecte à Lyon – 1898-1899 – Par J. Chenevay ».

364.

J. J, La Construction lyonnaise, « L’Église de l’Annonciation à Vaise », pp. 27-29.

365.

Jean-Baptiste Martin (collab. de J. Armand-Caillat, L. Bégule, J. Beyssac, S.G Dadolle, Abbé J.-B Vanel), Histoire des églises et chapelles de Lyon , Lyon, H. Lardanchet, 1909, tome 1, pp. 264 et 266.