1) Les grandes dévotions encouragées par l’Église

La piété des fidèles et la religiosité populaire s’expriment de bien des manières différentes en dehors de la liturgie sacramentelle : pèlerinages, processions, chemin de croix, pratique du Rosaire, port de médailles et bien sûr vénération des reliques et visites de sanctuaire. La sculpture religieuse est un support matériel à l’embranchement de ces dévotions. L’Église a toujours veillé à cette religiosité, reflétant la sagesse populaire chrétienne, que ce soit pour la soutenir et l’appuyer ou pour la purifier et la rectifier, afin de faire progresser le peuple de Dieu dans la connaissance des mystères du Christ. De la sorte, la piété populaire s’approfondit peu à peu et s’oriente davantage vers les thèmes fondamentaux de la foi. Au XIXe siècle, le rapprochement des dévotions populaires et des encouragements de l’Église semble particulièrement s’intensifier, bien que la plupart découlent du Concile de Trente (1545-1563) et étaient déjà fortement présent aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ces dévotions prennent parfois des noms différents mais il est évident que le fondement est identique ; notons que certains mois de l’année leur sont voués, ce qui est révélateur d’un caractère ecclésial : le Saint Sacrement ou Eucharistie ou Présence Réelle402 (août) ou Précieux Sang et Corps (juillet) ; le Sacré-Cœur (juin) ; l’Enfant Jésus (décembre) ; la Vierge Marie (mai), le Cœur immaculé de Marie (août), Notre-Dame des Sept-Douleurs (septembre), Notre-Dame du Rosaire (octobre) ; saint Joseph (mars) ; les anges gardiens (octobre) ; les âmes de Purgatoire ou les défunts et tout les saint (novembre).

Isabelle Saint-Martin remarque que la sainte Trinité, le Christ et son sacrifice, la Vierge, le Sacré Cœur, saint Joseph et la sainte Famille sont les sujets fondamentaux de dévotions qui se retrouvent dans les illustrations publiées403. Ces choix étaient fidèles à la foi catholique, à la Tradition et aux dogmes ; d’autre part, la place accordée aux évolutions et à la sensibilité contemporaine, était peu présente. Cependant, elle est moins figés qu’il paraît à première vue : des spécificités apparaissent en fonction des orientations gallicanes (sensibilité religieuse plus ouverte aux dévotions populaires, à une piété affective et démonstrative) ou ultramontaines (plus proche d’une certaine forme de rigorisme parfois qualifié de jansénisant)404.

La « politique » dévotionnelle du Pape Benoît XV (1854-1922) promut une piété populaire ; elle est très révélatrice de cette étroite alliance des dévotions du peuple chrétien inspiré et de celles plus dogmatiques. Il étendit à l'Église universelle la fête de la sainte Famille et appuya les dévotions au Sacré Cœur, à la Vierge des Douleurs, à Notre-Dame de Lorette en rapport à la Nativité de la Vierge et à l’Annonciation405, ou encore au Très Précieux Sang. En outre, il canonisa Jeanne d'Arc. Ces sujets de dévotion furent très représentés dans la statuaire industrielle du début du XXe siècle.

Les confréries chrétiennes existantes dans les paroisses au XIXe siècle témoignent des dévotions pratiquées. Leur but est d’encourager la pratique religieuse, notamment la prière : les confrères prient les uns pour les autres, mais encore pour ceux en dehors. Pour présenter ces dévotions, citons quelques exemples. La confrérie du Sacré-Cœur à Saint-André de la Guillotière fut autorisée par Mgr de Bonald le 9 août 1865. La confrérie des mères chrétiennes, sous le vocable du Sacré Cœur, à l’église Sainte-Blandine, finança les boiseries de la chapelle du Sacré-Cœur (cat. 833) en 1901. À Saint-Bonaventure, la confrérie du Rosaire fut autorisée par Mgr de Pins le 11 juin 1830 ; il y eut par la suite celle de Notre-Dame des Sept-Douleurs et celle du Très-Saint-Sacrement ; la confrérie Saint Antoine de Padoue fut rétablie par Mgr Coullié le 23 mars 1894 pour répondre à l’élan populaire qui se manifestait, sans que l’Église y ait incité ; ainsi que l’archiconfrérie Saint Joseph, existante depuis 1852, dont les desseins étaient d’« obtenir l’exaltation de la sainte Église, la persévérance des justes, la conversion des pêcheurs, la guérisons des malades, le soulagement des pauvres, les grâces relatives aux diverses besoins de la vie spirituelle et corporelle, et surtout la grâce d’une bonne mort ». À l’église Saint-Denis, étaient présentes celles du Saint Sacrement (1839-1951), du Grand Rosaire (1858-1937), et de la Bonne mort (saint Joseph). À Saint-Georges, on note des dévotions particulières avec la confrérie de Saint Claude et de la Bonne Mort Délibération (1778-1948), celle de Sainte Marguerite (1853-1886), et celle plus habituelle du Saint Sacrement (1847-1914). À Saint-Nizier, se trouvent une confrérie des Saints Anges, bien sûr celle de Notre-Dame des Grâces attestée dès 1826, une du Saint Sacrement et une du Sacré Cœur. On constate que ces dévotions ne sont pas uniquement les dévotions fortement encouragées par l’Église, mais également des dévotions plus spécifiques, propres aux paroisses, en corrélation avec les vocables des chapelles.

Notes
402.

Voir le nombre d’articles traitant de ce sujet dans les Écho(s) de Fourvière, ou plutôt faisant par des publications à ce sujet (1866, p 71, « sous le titre : LA PRESENCE REELLE, Mgr de Ségur vient de publier un nouvel opuscule… »).

403.

Isabelle Saint-Martin, Voir, savoir, croire, Catéchisme et pédagogie par l’image au XIX e siècle, Paris, Honoré Champion éditeur, 2003, pp. 433-462.

404.

D’après Bernard Berthod, Armand-Calliat, orfèvre lyonnais, 1822-1901, Étude de sensibilités religieuses comparées, 2 tomes, thèse de doctorat d’État, université Lyon III, 1985.

405.

La basilique de la ville de Loreto abrite la Santa Casa, c'est-à-dire la maison où naquit la Vierge, où elle vécut et reçut l'Annonciation. En lien avec la France par un établissement religieux qui fonda Anne d’Autriche.