La Cène est représentée une seule fois en sculpture dans les églises de Lyon. Comme on pouvait s’y attendre, il s’agissait d’un relief sur le devant d’un maître-autel, celui de l’église Saint-Pothin (cat. 803), aujourd’hui démonté et conservé dans le bras droit du transept. C’est une œuvre de la première moitié du XIXe siècle, dans le goût néoclassique, de facture maladroite ou au dessin naïf. La composition est traditionnelle, c’est-à-dire que le Christ est au centre et les douze apôtres répartis de manière parfaitement équitable, à sa gauche et à sa droite, sur un seul côté de la table, avec cependant un disciple à chaque bout. Le Christ, un peu à part, les bras ouverts, les mains posées sur la table et paumes tournées vers le ciel, annonce qu’il va être trahi. Malgré la maladresse du style, les apôtres sont figurés assez distinctement, jouant sur leurs physiques et leurs attitudes, traduisant la variété des réactions et des personnalités.
Le Repas d’Emmaüs est sculpté quatre fois, toujours sur des devants d’autel. Dans cet épisode, le Christ après sa résurrection apparaît à deux disciples sur la route ; ils sont déconcertés par la mort de Jésus et ne le reconnaissent pas. Le soir venu, ils entrent tous trois dans une auberge ; lorsque le Christ bénit le repas et partage le pain, ils le reconnaissent subitement. C’est ce passage qui est représenté : un sujet adapté aux autels sur lesquels sont consacrés le pain et le vin, dans lesquels les fidèles reconnaissent le Corps et le Sang du Christ après la consécration.
Dans les quatre cas, le Christ figure au centre, selon l’usage. Sur l’ancien maître-autel de Notre-Dame de Bellecombe (maintenant à Notre-Dame Saint-Alban, cat. 396) et sur l’autel du Sacré-Cœur à l’église Saint-François-de-Sales (cat. 587), le Christ est assis, tient dans la main gauche le pain et bénit de la droite ; le troisième médaillon sur l’autel du Sacré-Cœur à l’église Saint-Pierre de Vaise (cat. 773) offre une variante, le Christ s’est levé pour bénir ; enfin sur le maître-autel de Notre-Dame de Bellecombe – qui est le plus moderne –, le sculpteur Castex représente le moment où le Seigneur rompt le pain.
L’attitude des disciples exprime très peu la surprise, suivant les canons modérés de l’époque. On remarque que leurs positions obéissent à des poncifs : l’un ramène ses bras croisés sur la poitrine (celui de droite à Notre-Dame Saint-Alban et à Saint-François de Sales) ou une seule main sur la poitrine (à droite à Saint-Pierre de Vaise), un autre a les deux mains sur la table, ce qui lui donne une allure posée et attentive (à Saint-Pierre de Vaise et à Saint-François de Sales sur la gauche, à Notre-Dame de Bellecombe à droite), fréquemment, les mains sont aussi jointes (à Saint-Pierre de Vaise, à Saint-François de Sales et à Notre-Dame de Bellecombe sur la gauche).
À Saint-Pierre de Vaise, les disciples sont jeunes, à Saint-François-de-Sales, ils sont d’âge mûr, à Notre-Dame Saint-Alban et Notre-Dame de Bellecombe, ils sont plus âgés. Notons une ressemblance entre ceux de Notre-Dame Saint-Alban et Notre-Dame de Bellecombe, par leurs crânes ovales dégarnis et leurs courtes barbes en pointe. Cette ressemblance s’explique peut-être du fait que l’autel de Notre-Dame Saint-Alban provient de Notre-Dame de Bellecombe et que celui actuellement à Bellecombe a été fait en remplacement. Le premier exemplaire reproduisait les traits des visages de Vincent et Félix Serre429 – c'est-à-dire le curé de la paroisse et son frère, généreux donateur –, le second relief s’en inspira peut-être, en hommage.
Leurs attitudes sont très modérées, voire inexpressives à Saint-Pierre de Vaise ; l’exemplaire de Notre-Dame Saint-Alban est plus réaliste mais toujours pondéré ; celui de Notre-Dame de Bellecombe avec les deux vieillards jumeaux courbés, absorbés tout en demeurant calmes, offre une légère variante.
Pour finir, les reliefs de Saint-François-de-Sales et de Saint-Pierre de Vaise sont réalisés sans arrière plan ni environnement, dans un dépouillement classique pour le premier et certainement par absence de place pour le second. À Notre-Dame Saint-Alban, un effet de profondeur est créé par un arrière-plan d’intérieur de salle avec colonnade, corniche et plafond à caissons. À Notre-Dame de Bellecombe, une sobre tenture sert de fond ; de plus, la table et les petits bancs, des cruches et un plat posés à même le sol situent la scène et lui donnent un air simple et rustique.
Lyon, Archives diocésaines, Notre-Dame de Bellecombe : I 1152, notes manuscrites de Louis Michel, architecte, 4 rue des Prêtres à Lyon, 6 8bre 1922.