Par sainte Famille, nous entendons le Christ accompagné de sa Mère la Vierge et de son père nourricier Joseph. Ce thème devint iconographiquement populaire à la Renaissance, mais était déjà sous-entendu dans les représentations médiévales de la Nativité. À la Contre-Réforme et sous l’impulsion des jésuites, ce sujet connu son plein épanouissement, aussi les artistes se plurent à la mettre en parallèle avec la Sainte Trinité512. Cette représentation correspond sans doute à la volonté d’offrir aux fidèles un idéal de vie familiale ; mais aussi au désir populaire de connaître cette enfance cachée du Messie dont les Évangiles ne disent rien, si ce n’est que « L’enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 39-40), et l’épisode du recouvrement au Temple (Lc 2, 41-52).
Dans les églises de Lyon, la sainte Famille est représentée quatre fois pour ce sujet en lui-même, sans compter La Sainte Famille dans l’atelier de Joseph, à la chapelle de Saint Joseph de l’église Saint-Bonaventure (cat. 510) et à l’église de l’Hôtel-Dieu (voir p. 250 et cat. 223) où leur insertion dans des ensembles consacrés à saint Joseph sert essentiellement à mettre en valeur son rôle. De manière surprenante, toutes ces représentations sont des reliefs, et seul celui de Notre-Dame Saint-Vincent (cat. 429) n’est pas un devant d’autel mais un relief décorant le socle de la statue de Saint Jean. Les possibilités de variantes pour ce thème sont multiples ; les œuvres lyonnaises – avec l’éventail relatif de choix que peut offrir six exemples – en témoignent.
La Sainte Famille dans l’atelier de Joseph avec le Christ apprenant le métier de charpentier, est représentée trois fois. Ce thème est tiré des apocryphes513 qui racontent quelques miracles que l’Enfant accomplit dans l’atelier de son père nourricier. À l’église Saint-Joseph des Brotteaux (cat. 643), le Christ est le centre du sujet comme de la composition, juché sur un repose-pied, il tient une planche, peut-être en référence au miracle raconté dans les apocryphes de la planche trop courte qu’il allongea. Saint Joseph est à droite, à l’autre bout du plan de travail et tape au marteau. La Vierge est assise à gauche et manie la quenouille. Les visages de ce marbre sont empreints de douceur et de calme. Toutefois, comme nous l’avons vu pour les exemples à Saint-Bonaventure et à l’Hôtel-Dieu, ce thème se centre parfois sur Joseph.
Le thème de La Sainte Famille est associé une troisième fois à un ensemble voué à saint Joseph, à l’église Saint-François-de-Sales (cat. 585). En effet, le devant de l’autel dédié au père nourricier du Christ représente La Sainte Famille recevant saint Jean-Baptiste. Ce type de représentation qui n’est pas exceptionnel514, trouve sa source dans les Méditations de saint Bonaventure (chap. IX) racontant qu’au retour de leur fuite en Égypte, la sainte Famille s’arrêta chez Élisabeth, et les deux enfants jouèrent ensemble, le petit saint Jean montrant beaucoup de respect. Sur ce relief de marbre, l’attitude des saints personnages est très traditionnelle et noble voire froide. La Vierge debout à gauche, regarde et aide son Fils à se maintenir en le tenant du bras et en lui permettant d’appuyer son dos contre la cuisse qu’elle avance. L’Enfant, figuré assez dénudé et dans une posture tout à fait maniériste, lève son autre main pour l’appliquer sur l’épaule de Jean-Baptiste. Ce dernier, vêtu d’une peau de bête, s’est très approché du Christ : il s’apprête à lui donner un baiser, porte sa main sur celle que Jésus vient de lui poser sur l’épaule, et de l’autre bras il tient son bâton terminé en croix. Ainsi, le tout jeune Précurseur est déjà affublé de ses attributs d’anachorète. Saint Joseph est en face, à droite, de l’autre côté d’un socle sur lequel il s’accoude pour regarder pensivement la scène que se déroule sous ses yeux. L’artiste a choisi comme image de Joseph celle de l’homme mûr et solide auquel Dieu a confié la protection de la Vierge ainsi que la garde et l’éduction du jeune Christ ; c’est aussi celle du bon serviteur de Dieu qui même dépassé par le mystère de ce qu’il vit – l’Incarnation du Verbe – n’en continue pas moins sa mission. De la sorte, ce relief datant de 1859 offre une vision plus allégorique et conceptuelle de la Sainte Famille, alors que les autres versions lyonnaises s’appuient toujours sur un aspect plus affectif.
La Sainte Famille est représentée une seconde fois à l’église Saint-Bonaventure, sur le devant de l’autel consacré à saint Antoine de Padoue (cat. 492). Ce relief de bois équilibré présente la vie de la sainte Famille par une anecdote : Marie trône au centre, elle tient dans sa main gauche la quenouille comme s’il s’agissait d’un sceptre, son autre bras se tend vers Jésus accroupi à gauche, de front à Joseph, pareillement accroupi, à droite. Le père nourricier et le divin Enfant, de part et d’autre de la Vierge, semblent jouer à faire passer une toupie sur une poutre. La scène est originale. L’arrière-plan est un peu étrange : derrière Marie, une colonnade et des arcades en plein cintre font penser au chœur d’une église, à gauche, devant un mur, se trouve le plan de travail de Joseph, avec des outils suspendus, à droite, de la même manière, un prie-Dieu figure devant le mur agrémenté d’une niche abritant un joueur de harpe, peut-être le roi David, ancêtre de Joseph et de Marie. Il est difficile d’expliquer le choix de ce thème dans une chapelle vouée à saint Antoine de Padoue. La Vierge et l’Enfant sont apparus à ce saint, l’artiste ou le commanditaire se serait-il permis la liberté d’ajouter saint Joseph ? Peut-être que cette scène avait un rapport avec la peinture originale du retable situé au-dessus, qui figurait en quatre parties des épisodes de la vie d’Antoine de Padoue. Son absence ne permet pas d’en savoir plus.
À l’église de Notre-Dame Saint-Vincent, le prétexte pour représenter la sainte Famille est L'Éducation de l'Enfant Jésus (cat. 429). Son lien avec la statue de Saint Jean qui la surmonte est aussi incompréhensible. La Vierge trône au centre avec un parchemin sur les genoux, le petit Christ est debout devant elle. Sa sainte Mère lui passe affectueusement la main dans le dos et de l’autre lui montre la lecture sur laquelle il s’applique. Joseph est un vieillard assis à droite, un peu penché et tenant une cane ; il regarde l’Enfant d’un air pensif et grave. En face de lui, pour équilibrer la scène, un petit ange se tient debout les mains jointes et regarde le Christ avec tendresse et admiration. Toutefois, par la composition de cette scène, le rôle de la Vierge est fortement mis en avant.
XVIIe siècle, retable, église Saint-Sernin, Toulouse ; Murillo, National Gallery, Londres ; Christoffel van Sichem, gravure ; Jan van Cleef, musée de Gand.
Évangile du Pseudo-Matthieu (37) ; Évangile de Thomas (13) ; Livre arménien de l’Enfance (20, 8-15).
Pinturicchio, Galerie de Sienne ; Raphaël, La Sainte Famille dite de François Ier, La Belle Jardinière ; Murillo.