d) Saint François d’Assise

François d’Assise (1182-1226), fils d’un riche marchand, eut d’abord une jeunesse dissipée avant de renoncer à l’héritage paternel pour se consacrer à une vie évangélique ; il fonda l’ordre mendiant des frères mineurs qui parcouraient les campagnes dans la pauvreté pour annoncer la Bonne nouvelle. Pour les femmes, avec sainte Claire Favarone, il fonda l’ordre des clarisses ; et encore un tiers ordre pour les laïcs ; au court du temps la famille religieuse franciscaine est devenue la plus nombreuse jusqu’à aujourd’hui. Deux ans avant sa mort, « il Poverello » se retira au mont Alverne où il reçut les stigmates. De son vivant, ses disciples le considéraient déjà comme un saint, comparant sa vie à celle du Christ. Il fut canonisé par le pape Grégoire IX, en 1228, seulement deux ans après sa mort. Très tôt, il fut représenté dans l’art549, puis des églises lui furent consacrées.

Il figura avec constance dans les Beaux-arts, jusqu’au XIXe siècle550. Ainsi, avec la même assiduité et sans regain, les églises de Lyon comptent six représentations sculptées de Saint François d’Assise : deux statues industrielles, une petite ronde-bosse originale, un relief de devant d’autel et le retable associé, enfin une statue occultée à l’église Saint-Bernard (cat. 475)551.

Les deux statues industrielles le représentent dans une pose différente, mais toujours vêtu de la robe de bure serrée à la taille par la corde à trois nœuds avec le chapelet, tonsuré et barbu. Celle à l’église Saint-Bruno-des-Chartreux le montre le regard levé au ciel, les deux mains l’une sur l’autre posées sur la poitrine, avec les stigmates. Celle de l’église Sainte-Blandine (conservée dans un placard ; cat. 847) le figure les bras ouverts, à demi-levés, et la tête tournée vers le ciel. Ses mains ne sont pas stigmatisées. Cette pose d’orant et ses paumes tournées vers le ciel font justement penser au moment de sa stigmatisation. Ces statues sont sans la moindre originalité, le visage de celle à l’église Sainte-Blandine aurait pu être celui d’un Saint Joseph industriel, ils ne ressemblent qu’à des mannequins. Notons toutefois que le visage de celui de l’église Saint-Bruno-des-Chartreux semble chercher à lui donner une apparence un peu plus ascétique que celle donné habituellement à un Saint Joseph, par exemple.

À l’église Notre-Dame de Bellecombe (cat. 346), la petite ronde-bosse est une œuvre en marbre de Louis Castex (Saumur 1868 – Paris 1954) exécutée en 1943. Elle reproduit la statuette de bronze faite en 1925 pour la chasse du saint curé d’Ars. Saint François est figuré debout en orant : les bras à demis repliés devant lui, les coudes plaqués au-dessus des hanches, les paumes discrètement marquées par les stigmates tournées vers l’extérieur. Cette position droite et simple, cette attitude extatique évoquent la peinture du saint par Francisco de Zurbaran, conservée au musée des Beaux-arts de Lyon depuis 1809 – sans pouvoir égaler sa sobriété, sa force et son expressivité. Toutefois, sa silhouette de la sculpture est plus longiligne ; Castex a joué avec le vêtement du saint en faisant tomber très droit sa traditionnelle robe de bure, verticalité encore soulignée par la ligne formée par la corde à nœuds. Cette verticalité ainsi que la simplicité de la composition s’accordent au sujet représenté. Le sculpteur couvre la tête du saint par son capuchon, ceci lui donne une apparence réservée et cachée, renvoyant à son humilité, sa simplicité, sa pauvreté. De plus, cette capuche permet de masquer en partie sa tête émaciée, qui aurait pu paraître trop austère. Dans cette sculpture552, l’artiste réussit à suggérer la pauvreté et la simplicité avec dignité, ainsi que l’ascétisme sans sévérité démesurée ni abusive.

À l’église Saint-Bonaventure – ancienne église d’un couvent des « Cordeliers », consacrée à ce religieux franciscain – une chapelle est vouée à saint François d’Assise. L’ensemble de l’autel et du retable (cat. 495) sont en bois sculpté, conçu sous la direction de l’architecte Benoît ; Fontan réalisa la sculpture du retable et Chenevay le relief de l’autel. Le retable figure au centre Le Christ en Croix embrassant Saint François d’Assise, encadré de deux statuettes de Saint Bonaventure et Saint Bernardin de Sienne. Cet épisode de la vie du saint est en écho à celui de saint Bernard de Clairvaux : alors que le moine était en prière devant le crucifix, le Christ se détacha pour se pencher et serrer saint Bernard sur sa poitrine. Ici, saint François est transporté au Golgotha, un crâne est posé au sol : Le Christ suspendu sur la croix par son bras gauche se penche vers saint François et l’enlace de sa droite, ce dernier passe ses deux bras autour du tronc du Sauveur. Ce sont les mêmes positions que sur la peinture de Murillo pour les capucins de Séville.

On remarque que les deux monuments aux morts des églises Sainte-Croix (cat. 862) et Sainte-Blandine (cat. 844), dont les sculptures sont identiques, figurent de même Jésus à moitié détaché de la croix. Dans ces deux exemplaires, il se penche sur la gauche pour poser sa main sur la tête553 d’un soldat qui s’élance vers lui, tandis qu’un second gît au pied. Tous les trois forment une chaîne : le Christ baissant un bras vers le soldat s’approchant, lui-même en tendant un vers le Seigneur et l’autre vers son compagnon au sol qui relève encore le bras le long du sien.

Comme deux gardiens Saint Bernardin de Sienne et Saint Bonaventure sont respectivement en haut à gauche et à droite du retable. Le prédicateur franciscain Bernardin (1380-1444) tient des deux mains une croix et la regarde, sur sa poitrine il porte le monogramme JHS qui le caractérise ; Bonaventure figure simplement en cardinal avec le tau sur la dalmatique, la crosse, la mitre et une Bible sous le bras. Leur traitement est soigné mais sans recherche d’originalité, comme de bonnes sculptures décoratives.

Le bas-relief de l’autel représentant La Mort de saint François d’Assise, reproduit la composition existante dans la chapelle des Pères Franciscains, rue des Fourneaux à Paris, conçut par Mme Tercuire, statuaire qui revendiqua ses droits d’auteur554. La scène semble faire coexister plusieurs moments, traditionnellement représentés séparément, ayant rapport à cet évènement. Le lit du défunt est posé à la croisée du transept d’une église, devant le chœur où sont placées les stalles, ouvrant ainsi une perspective qui allège la masse des disciples regroupés ; à droite figurent les clarisses qui ne pouvaient pourtant pas sortir de leur monastère et virent une dernière fois leur maître lorsque son cortège funèbre s’arrêta chez elles ; tout à gauche, avec les frères franciscains, se trouve Jérôme le seigneur incrédule qui toucha les stigmates de François après sa mort555. Cependant, nous pourrions aussi imaginer que cette scène se passe dans l’église Saint-Damien des clarisses, lorsque les frères y interrompirent le convoi. Deux frères sont en prière, les bras croisés contre la poitrine, deux autres s’adressent à l’incrédule. Les sœurs agenouillées ou debout dans des poses variées, s’échelonnent aux pieds du saint, et selon l’iconographie traditionnelle556 sainte Claire, plus proche, baise une main stigmatisée du maître, à l’image de la Vierge Marie lors de la déposition du Christ. Les drapés des vêtements religieux sont travaillés mais le style de la sculpture est simple voire naïf. La réussite de cette œuvre tient davantage à l’originalité de la combinaison des scènes, à l’équilibre de la composition et à son insertion harmonisée à l’ensemble néogothique.

Notes
549.

XIIIe siècle : Fresque, Sacro Speco, Subiaco ; école pisane, Saint François montrant ses stigmates, Louvre ; Bonaventure Berlinghieri, vers 1235, église San Francesca de Pescia. XIVe siècle : Giotto, Cycle de la basilique d’Assise.

550.

Notons aussi au XIXe siècle : F. Derre, 1843, bas-relief, clôture, Saint-Vincent-de-Paul, Paris ; L. Rochet, plâtre, Salon 1844 ; J. Duseigneur, 1847, plâtre, Sainte-Elisabeth, Paris ; E. Lesquesne, 1862, haut-relief, façade, Saint-Augustin, Paris ; E. Montagny, 1862, marbre, Saint-Louis-d’Antin, Paris ; J. Felon, 1863, pierre, façade, Sainte-Elisabeth ; Z. Astruc, Salon, 1889, Sacré-Cœur de Montmartre.

551.

Pour cause des effondrements dans les premières travées. Jean-Baptiste Martin (Histoire des églises et chapelles de Lyon , Lyon, H. Lardanchet, 1909, tome 1, p. 305) précise que l'autel est de bois et la statue représente le saint dans une attitude de prière.

552.

Voir aussi la statue de Saint François d’Assise par Joseph Belloni, présent des compagnons de st François au pape Pie XI.

553.

Francisco Ribalta, musée de Valence

554.

Jean-Baptiste Martin, Histoire des églises et chapelles de Lyon (2 vol. ), Lyon, H. Lardanchet, 1909, tome 2,p. 467.

555.

XIVe siècle : Giotto, Fresque d’Assise et fresque de la chapelle Bardi à Santa Croce à Florence (1317) ; Vitrail de Königsfelden (Suisse). XVe siècle : Ghirlandaio, Trinità, Florence. XVIIe siècle, Jouvenet, pour les capucins de Rouen, musée de Rouen.

556.

XIVe siècle, Giotto, fresque d’Assise et fresque de Santa Croce à Florence. XVe siècle, Sassetta, National Galerie, Londres.