e) Saint Pierre

L’apôtre saint Pierre fait aussi partie des saints populaires remportant l’unanimité dans les publications d’images de dévotion du XIXe siècle573. Il est représenté en sculpture cinq fois quasiment seul – il est deux fois en pendant avec saint Paul et une fois en pendant à saint Jean – dans les églises de Lyon.

Son type est celui d’un homme rustique, souvent la barbe courte voire drue, parfois le crâne rasé – à cause de son passage en prison ou parce qu’il est le premier prêtre des chrétiens. Cependant, le XIXe siècle semble vouloir d’avantage anoblir son image, car il est chef de l’Église, et avec saint Paul il porte le titre de « Prince des apôtres » ; tous deux574 sont donc figurés avec dignité. L’iconographie de saint Pierre est certainement une des plus abondantes dans l’art chrétien, que ce soit pour des figures isolées ou pour illustrer des épisodes de sa vie. Cependant l’abondance de cette iconographie fait risquer de la banalité, et la statuaire lyonnaise du XIXe siècle ne semble pas avoir su l’éviter.

Ainsi, l’église Saint-Nizier possède une représentation de Saint Pierre (cat. 735) en bronze assis dans un fauteuil en marbre posé sur un socle en pierre575. Il bénit, tient les clefs, et a les cheveux et la barbe frisés comme un Neptune grec. Cette statue tout comme le Saint Paul (cat. 731) qui lui fait pendant sont des bronzes commerciaux, que l’on retrouve par exemple à l’église de Paray-le-Monial. Sur les clochers en façade, l’église Saint-Nizier possède une autre statue de Saint Paul (cat. 730), sculptée par Guillaume Bonnet vers 1855. Le saint est debout, vêtu d’une toge, tenant contre lui de sa main gauche une grosse clef et tendant son bras droit vers nous. Sa barbe et ses cheveux courts sont bouclés, le front un peu dégarni ; cette apparence est typique du XIXe siècle, les siècles précédents l’ayant peut-être plus représenté chauve. La statue de plâtre à l’église Saint-Bernard (cat. 468) reprend la même pose mais inversée, la toge est remplacée par une tunique longue et un majestueux manteau, les boucles de sa barbe sont aussi moins prononcées.

Pour la chaire de l’église Saint-Polycarpe (cat. 782), dessinée par Pierre Bossan, Charles Dufraine sculpta en 1864 un Saint Pierre et un Saint Paul. Pierre est reconnaissable aux clefs du ciel et de la terre. Tout comme Saint Paul, il est auréolé et vêtu de drapés épais en accord avec sa stature puissante et son attitude posée. Cette pose n’est pas sans rappeler le Moïse de Michel-Ange ; ainsi il dégage une impression de force et de solennité. Aussi, malgré leur taille modeste, ces majestueuses statuettes qui se tournent vers les fidèles, semblent vraiment être deux gardiens : portant le titre de « Princes des apôtres », ils furent les principaux défenseurs de la Parole de Dieu, Pierre auprès des juifs, Paul auprès des gentils.

Dufraine réalisa un autre Saint Pierre (cat. 599) en 1872, dans un ébrasement du porche de l’église Saint-Georges, en pendant à Saint Jean. Il semble se cacher dans son manteau : sa main droite sort à peine pour laisser voir les deux clefs qu’il tient, tandis que sa main gauche garde contre lui un volumen presque entièrement masqué. Bien que l’œuvre soit déjà usée par les intempéries, son expression semble à la fois douce, humble, voire un peu triste. Entièrement enveloppé dans son manteau et les pieds nus, il possède la même belle et simple dignité que le Saint Jean qui lui fait face.

Notes
573.

Isabelle Saint-Martin, Voir, savoir, croire, Catéchisme et pédagogie par l’image au XIX e siècle, Paris, Honoré Champion éditeur, 2003, p. 459.

574.

Pierre l’apôtre des juifs et Paul celui des païens, furent fréquemment représentés ensembles aux côtés du Christ, à partir du Ve siècle.

575.

Lyon, Archives diocésaines, Saint-Nizier : I 603 (inventaire des biens de la fabrique 1906) le tout de grande dimension 3m environ 300 francs