j) Sainte Anne et saint Joachim

Cette dévotion se développa en rapport avec celle de l’Immaculée Conception. L’histoire des parents de la Vierge est évoquée dans le Protoévangile de Jacques, l’Évangile du Pseudo-Matthieu et l’Évangile de la Nativité de la Vierge. Leur mariage restant stérile, honte ou malédiction pour les juifs, Joachim se retira dans la solitude ; mais Dieu envoya l’archange Gabriel annoncer à chacun des époux qu’il leur faisait grâce. Ils se retrouvèrent à la Porte d’Or et de leur baiser naquit Marie l’Immaculée.

L’iconographie de sainte Anne et saint Joachim les montre rarement seuls595 : ils sont soit associés l’un à l’autre, ou autrement sainte Anne est figurée avec la Vierge Marie enfant596. Ainsi les églises de Lyon possèdent-elles deux exemplaires du saint couple et cinq de sainte Anne avec la petit Marie.

Les saints époux sont représentés en pendant sur la façade de l’église Saint-Nizier (cat. 736-737). Leur association permet de les identifier plus facilement, car ils n’ont pas d'attributs spécifiques ; représentés plus âgés, ils se distinguent de saint Joseph et de la Vierge. Sainte Anne est parfois représentée avec un lys – symbole de pureté qui rappelle l'immaculée conception de sa fille Marie – ou d'un livre, car elle est l'éducatrice de la Vierge ; ici, elle tient un livre. Joachim montre le ciel tout en posant son autre main sur la poitrine, ce geste discret semble rappeler que sa vie est de participer humblement au dessein de Dieu, mais aussi que son histoire est un témoignage de la miséricorde divine car il lui a accordé l’enfant espérée ; en effet son nom signifie « Dieu accorde »597. Les costumes des saints parents sont composés d’une tunique longue et d’un manteau porté différemment, sainte Anne a la tête voilée. Ces vêtements sont à la fois recouvrant sans être encombrants ou lourds, ils contribuent à leur conférer de la dignité tout en préservant une allure humble.

Bien que placées assez haut sur la façade, ce sont d’honnêtes œuvres à la fois dans le soin de leur achèvement et dans leur composition faite pour être lisible. L’architecte Claude-Anthelme Benoît demanda à ce que l'exécution en soit confiée à un artiste connu, pensant que la distance permettrait de les apprécier ; le conseil de fabrique lui accorda de s'entendre avec J.-H. Fabisch, ce qui fut fait en 1859.

Le thème des parents de Marie se retrouve évidemment à la basilique Notre-Dame de Fourvière dont le programme iconographique pensé par les architectes tourne entièrement autour de la Vierge : il était donc normal d’y représenter sainte Anne et saint Joachim. Ainsi, Paul-Émile Millefaut598 réalisa les deux sculptures qui cantonnent chacune l’avant du ciborium du maître-autel (cat. 110). À gauche se trouve la figure de Sainte Anne, toute drapée dans un manteau qui lui recouvre la tête et plisse avec finesse et régularité. La composition est très simple et lisible, la sainte joint les deux mains et tient une petite fleur qu’elle semble regarder, les yeux baissés. Malgré l’emplacement de la statue, le sculpteur a apporté beaucoup d’application son sujet : le visage d’Anne est à la fois vigoureux et doux, typé et beau ; ses traits semblent exprimer la force d’âme, la justesse, la constance et la mansuétude. À droite, Saint Joachim les mains jointes en attitude de prière, lève un peu le regard sur la gauche, il porte une tunique et un manteau enroulé à la taille. La sculpture est d’une composition aussi simple et lisible. De loin, le saint a une allure un peu christique ; cependant en s’approchant, on remarque sa barbe un peu plus longue, en une seule pointe, son visage est aussi plus marqué, moins beau que ceux que ce sculpteur donnait aux représentations de Jésus. Il semble avoir un petit air ébahi qui ne conviendrait pas au Seigneur, mais qui convient à celui qui espérait la grâce de Dieu.

Nous pourrions nous attendre à voir cinq exemplaires similaires de Sainte Anne et la Vierge enfant, mais ce n’est pas le cas, tous ont quelques variantes même s’il s’agit probablement de statues manufacturées. Toutefois, un plâtre conservé par l’église du Sacré-Cœur (cat. 290) est une œuvre de Fabisch. Sainte Anne est une femme âgée lourdement vêtue ; elle pose sa main gauche sur le haut d’un bras de la jeune Marie, décalée sur la gauche, et de sa droite, elle lui montre du doigt un passage du parchemin. Marie, debout sur un coussin, tient un rouleau ouvert des deux mains et lit avec une expression douce et joyeuse.

Dans deux versions, sainte Anne – toujours abondamment drapée et voile – fait lire sa fille sur un rouleau. La statue discrètement polychrome à l’église Saint-Bruno fait porter cette banderole à la fois par Marie et par Anne, mais la petite le tient très distraitement, sans lire. Pour la petite version à l’église Saint-Joseph (cat. 651), Anne est particulièrement enveloppée dans les drapés, elle tient d’une main le parchemin et passe l’autre sur l’épaule de Marie dans un geste protecteur. La jeune Vierge est un peu plus âgée, tournée sur la gauche, coiffée de boucles en anglaises, elle pose un doigt sur le papier pour suivre la lecture. Les expressions sont douces mais mièvres.

À l’église Saint-Bernard (cat. 473), l’enfant est plus petite et sur la droite, elle tient entre les deux mains un gros livre que l’aide à porter sa mère qui passe son autre main dans le dos de sa fille, toujours avec ce geste protecteur. Sainte Anne est vêtue d’une tunique, d’une cape et d’un voile, donnant une impression moins lourde que pour les autres exemplaires. Enfin, l’église du Sacré-Cœur possède un second exemplaire (cat. 298) de cette scène ; la mère et la fille sont richement drapées, la petite Marie se tient debout devant Anne en lui tournant le dos, elle porte un gros livre des deux mains qu’elle regarde très attentivement. Sa mère a posé ses deux mains sur les épaules de sa fille, tout en montrant d’un doigt le passage à lire, et penche la tête sur le côté pour suivre avec tendresse. L’œuvre est relativement expressive, mais un peu trop pondérée et pleine de bons sentiments.

Notes
595.

Joaquim est rarement représenté seul : XVe siècle, statue, cathédrale de Saint-Omer. XIXe siècle, Falguière, statue, basilique de Sainte-Anne, Auray.

596.

XVVIIIe siècle, G.-B. Tiepolo, église Santa Maria della Consolazione, Venise.

597.

De l’hébreu « yehoyagim » : littéralement, « Dieu met debout » ; parfois traduit par « Dieu (a) établi ».

598.

Voir les photographies anciennes des œuvres de son ateliers, dans les archives de la famille Millefaut.