Jeanne d’Arc (1412-1431) est une sainte nationale de la France. La jeune vierge combattit l’invasion des anglais et permit au roi d’être sacré à Reims ; arrêtée par les anglais, elle fut brûlée. À l’image de la Vierge qui racheta la faute d’Ève, il est considéré que sa bravoure et son martyr rachetèrent la France ; elle est aussi comparée à Judith, l’héroïne de l’Ancien Testament qui sortit de sa ville assiégée pour trancher la tête du général ennemi par surprise et ainsi sauver son peuple. Après 1870, elle devient le symbole de la libération de la patrie. De ce fait, son iconographie se développa au XIXe siècle dans un premier temps sous la forme de statues équestres599, exaltant alors la guerrière et la libératrice de la patrie. Béatifiée en 1909 par Pie X, elle fut canonisée seulement en 1920 par Benoît XV ; c’est donc uniquement à la fin du XIXe siècle et surtout dans la première moitié du XXe siècle que sa vertu religieuse fut considérée et reconnue.
Les églises de Lyon possèdent dix statues de Sainte Jeanne d’Arc dont seulement trois sont des sculptures originales600. Cinq statues industrielles sont sur du même archétype et deux autres sont certainement des œuvres de manufactures sur d’autres modèles.
Les cinq versions601 tirées du même modèle sont en fait des statues manufacturées d’après une œuvre d’André-César Vermare602. Jeanne est une jeune femme assez robuste, debout dans un mouvement d’avancement, qui porte une armure en partie recouverte d’une tunique, elle serre des deux mains, près de son cœur, sa bannière, dans une geste vigoureux et plein de ferveur ; de même elle lève le regard vers la gauche ; son visage est féminin et ses cheveux coupés au carré. En fonction des versions, elle semble plus ou moins douce, exaltée, décidée, voire fière.
La version à l’église Saint-Georges (cat. 617)603 la présente toujours en armure avec ce léger mouvement. Cette fois, la bannière repose au sol, la sainte la coince de son bras gauche contre elle et joint les mains vers sa droite ; ses cheveux sont en arrière, sa tunique est réduite à l’apparence d’une jupe longue fendue, laissant passer sa jambe droite avancée. Son expression est manquée : une exaltation mièvre et une ferveur qui sonnent faux.
Celle de l’église de Notre-Dame de l’Assomption (cat. 369) – sans doute un peu plus récente – présente la sainte sous l’apparence d’une jeune femme relativement puissante et un peu plus posée. Elle tient sur sa gauche la bannière, et de son bras droit replié, elle se désigne tout en tenant une épée dégainée. Ces cheveux sont un peu plus longs, et elle ne porte plus qu’une jupe courte par-dessus son armure. Elle lève un visage, doux mais totalement inexpressif, d’une manière qui la fait paraître un peu fière. C’est le type le plus rapprochant de la description faite d’un modèle proposé par l’atelier lyonnais de Vacher et Dutruc :
‘« Statue de Jeanne d’Arc – Nous sommes tout fiers de voir à l’Exposition une statue de Jeanne d’Arc sortant des ateliers lyonnais de MM. Vacher et Dutruc, rue d’Alger, à Perrache. Ce n’est pas la Jeanne d’Arc trop cavalière ou trop efféminée de certains auteurs, mais la noble héroïne, aussi pieuse que modeste et déterminée. Elle est couverte du casque : d’une main elle tient son épée devant elle, de l’autre le saint étendard où l’artiste n’a pas craint de mettre bien visibles les noms : JHESUS MARIA, source et secret de ses victoires. Félicitons-les de cette magistrale conception, d’autant plus que, contrairement aux modèles connus, cette attitude n’a rien qui nuise à l’élégance des formes et à la liberté de l’allure. Les bases trouvent leur solidité sans contrefort, ce qui est rare dans les statues en terre cuite d’aussi grande dimension. Peut-être les érudits pourront critiquer la longueur des cheveux et la forme d’attache de l’étendard, mais les reproductions pourront être modifiées. Nous espérons aussi des modèles accessibles à toutes les bourses. »604 ’La sculpture de la chapelle Sainte-Jeanne-d’Arc à l’église Saint-Bonaventure (cat. 494) possède beaucoup de dignité. La jeune femme au visage décidé et serein, presque semblable à un jeune homme, se tient droite, en armure avec un scapulaire la recouvrant, laissant voir l’armure sur les côtés et offrant un bel aplat sur le devant. Elle a croisé les bras à la hauteur de son ventre, tenant de sa main droite le manche de son épée dont la pointe touche le sol, et posant sa main gauche sur le poignet droit. Son casque est à terre, un peu à l’arrière. La jeune vierge prend ici la dignité d’un chevalier, à l’image d’une calme, forte et respectable servante de Dieu.
Si la composition générale du plâtre – il s’agit d’une maquette – dû à Castex à l’église Saint-Eucher (cat. 576) est approchante, le rendu est différent. La sainte porte, semble-t-il, l’armure mais elle est totalement recouverte d’une tunique longue à manches courte. Les bras baissés, les mains jointes à l’avant, elle tient devant elle son épée dégainée, pointe posée au sol. Les cheveux coupés courts au carré, elle baisse la tête et ferme les yeux : son attitude posée exprime l’humilité, acquiescement à la fois déconcerté et totalement confiant à la volonté de Dieu qui l’appelle dans une vocation si singulière. Cependant, le sculpteur a un peu trop forcé cette expression et la jeune femme semble une pitoyable victime. Notons les traits particuliers de son visage, les yeux un peu rapprochés et enfoncés. Heureusement, l’œuvre finalement en marbre à l’église de Charlieu, a des traits beaucoup moins forcés ; son expression est plus calme et sereine.
Larrivé adopte un autre parti pour la statue à l’église Notre-Dame Saint-Vincent, prêtant à nouveau à Jeanne d’Arc (cat. 420) un air enthousiaste. Elle est couverte d’une large armure, à la fois adaptée à sa taille et très schématique, ce qui accentue l’effet de robustesse. Sa cotte de maille dépasse largement, tombant en tunique courte et rectiligne. Jeanne a le regard droit et levé, avec un léger sourire ; elle tient son épée dégainée des deux mains, un peu sur la droite, la pointe tournée vers le haut à l’arrière. Ses cheveux sont très courts, à la « garçonne ». Elle semble à la fois passionnée, joyeuse et confiante en Dieu.
Même si les expressions sont diverses, la statuaire lyonnaise605 représente toujours la sainte en « guerrière », c’est-à-dire en armure606. Les églises n’ont opté ni pour la bergère écoutant les voix607, ni pour la martyre608 sur le bûcher ; même si certaines nuances d’attitude rappellent l’une au l’autre.
Foyatier, statue équestre, place du Martroi, Orléans, 1855 ; Frémiet, statue équestre, bronze doré, 1880, place des Pyramides, Paris ; F. Leroux, bronze, salon de 1880, place de l’Hôtel-de-Ville, Compiègne ; Mercié, statue, Domrémy, 1885 ; Paul Dubois, statue équestre, 1890, place Saint-Augustin à Paris, parvis de la cathédrale de Reims.
Deux autres ont disparues : à Notre-Dame des Anges (cat. 389) (Georges Bazin, Rive gauche, "Les paroisses de la rive gauche - Notre-Dame des Anges", n°38, octobre 1971, pp. 11-13), à Sainte-Blandine (cat. 846) (27 juin 1909 : statue de Ste Jeanne d’Arc placée à côté de l’autel Ste Blandine et bénie par le chanoine Vignon d’Ainay : Lyon, archives diocésaines, Sainte-Blandine, I 312).
Polychrome à l’église Saint-Just (disparue ; cat. 669) ; discrètement polychrome à Saint-Martin-d’Ainay (cat. 686) ; beige à l’église de l’Hôtel-Dieu ; blanche et bannière dorée à l’église Saint-Irénée (cat. 632) ; entièrement banche à Notre-Dame Saint-Louis (cat. 410).
Voir une statuette en bronze sur socle en marbre au musée Louis-Philippe à Eu ; H. 96 x L. 24 x Pr. 23 ; inv. n° 1972.1775 [Base Joconde].
Inscription sur le socle : "Jeanne d'Arc / intercédez / pour la France / soutenez / ses vaillants / défenseurs / 1412-1431 / 1947"
Lyon, Archives diocésaines, Sainte-Blandine : I 328, article de presse.
Aussi, C. Cabuchet ( ?), plâtre, Salon de 1890.
Voir aussi : H. Chapu, salons de 1870, 1872, 1878, Domrémy et Louvre ; Marie d’Orléans, statuette pour Léon XIII en 1888 ; François Sicart, statue, église Saint-Étienne, Chinon. Henri Bouchard, statue, 1936.
Rude, Jeanne écoutant ses voix, 1852, Louvre ; M. Passage, église de Domrémy, Salon de 1856 ; A. Massoulle, statuette bronze, salon de 1890.
L. Delhomme, plâtre, salon de 1872 ; E. Legrain, Salon de 1889.