j) Saint Étienne et saint Laurent

Étienne et Laurent, deux diacres martyrs, sont présents deux fois à l’église Saint-Paul (cat. 758 et 766, cat. 759 et 765). Le diacre saint Étienne fut ordonné par les douze apôtres ; discutant avec des docteurs de la Loi juifs, il fut accusé de blasphème et lapidé sur le champ (Ac 6,7 - 7, 60). Ce fut le premier martyr chrétien. Il est le plus souvent représenté674 jeune et imberbe, vêtu de la dalmatique des diacres, tenant l’Évangile – dont les diacres sont chargés – ou des pierres ayant servies à sa lapidation, ainsi que la palme des martyrs. Isabelle Saint-Martin atteste qu’il eut droit à une certaine importance dans les publications d’images de dévotion du XIXe siècle675, comme prétexte à l’évocation de la sainte Trinité (Ac 7, 57) ; reste à savoir vraiment si ce relatif succès était dû à une dévotion populaire ou à l’attachement de l’Église à son premier martyr et diacre.

Le diacre Laurent fut quant à lui martyrisé à Rome en 258, trois jours après le pape Sixte II – qui l’avait ordonné et dont il était le disciple : avant de le quitter, celui-ci lui avait confié le trésor de l’Église qu’il distribua aux pauvres ; lorsque l’empereur Decius voulu confisquer ce trésor, Laurent lui présenta les pauvres, furieux, l’empereur ordonna pour lui un atroce martyre : battu de verges, labouré au fer rouge et étendu sur un gril. Tout comme saint Étienne, il est vêtu de la dalmatique, tient parfois l’Évangile et la croix processionnelle confiés aux diacres, ainsi que la palme, il tient parfois une bourse ou un calice plein de pièces en référence à la distribution du trésor ; mais son attribut le plus spécifique est le gril676.

Les statues de l’église Saint-Paul ont peut-être été déplacées. De chaque côté du tombeau de Gerson (cat. 758 et 766), à droite en entrant dans l’église, se trouvent les deux diacres en pendants. Les deux statues sont particulièrement guindées. Dans une dalmatique du XIXe siècle, saint Laurent est raide, tient la palme d’une manière impossible contre lui et au creux de sa main gauche, ainsi que le gril le long de sa jambe gauche. Il lève légèrement la tête d’un air fat, qui se voudrait sans doute digne. Saint É tienne est tout aussi raide et la tête levée, cependant, sa bouche entre ouverte lui donne un air ébahi ; le statuaire voulait peut-être évoquer sa vision du Fils dans les cieux à droite de Dieu le Père, lors de sa lapidation.

Dans son inventaire des œuvres d’art des églises de Lyon, Georges Keller-Dorian considéra la statue de Saint Laurent (cat. 744) dans la chapelle du transept comme une « sculpture sans aucune valeur artistique ». Ce jugement est sévère : il aurait peut-être pu la considérer comme une « œuvre sans originalité », comme le Sacré-Cœur de Fabisch. Ce Saint Laurent est le pendant de Saint Louis de Gonzague. Le jeune homme, en dalmatique, a les yeux mi-clos baissés ; il esquisse un geste du bras droit et maintient l’Évangile, sur lequel est posé un grand crucifix, entre sa main gauche et son côté. Si l’œuvre ne possède pas de qualités extraordinaires, elle a le mérite d’être simple, harmonieuse et pas figée comme le sont souvent les statues lyonnaises du XIXe siècle. Elle reprend en fait un schéma similaire du Saint Étienne sculpté vers 1780 par Barthélemy Blaise dans la primatiale Saint-Jean (cat. 908). Le diacre est un peu plus animé et la sculpture beaucoup plus achevée à la primatiale, mais on reconnaît la même manière de porter l’Évangile ouvert – avec cette fois la palme par-dessus –, un plissé similaire pour le vêtement, exactement le même geste du bras droit, et une coiffure avoisinante.

Les dévotions majeures au XIXe siècle ne sont pas absentes de la sculpture religieuse lyonnaise. Cependant, on constate que les « nouveaux » saints, c’est-à-dire ceux canonisés à cette époque, ne sont pas représentés. Parmi ces ignorés, mentionnons par exemple Frère François de l’Enfant Jésus, carme déchaussé, dont la vénération fut approuvée par Mgr de Bonald, en 1867 ; Benoît Joseph Labre, béatifié le 20 mai 1860 par Pie IX puis canonisé en 1868, dont L’Écho de Fourvière traite au moins à deux reprises677, mentionné comme un saint « si populaire » en l’honneur duquel un « Triduum » fut célébré à l’église de la Cité de l’Enfant Jésus (détruite), et dont une sculpture de Prost est citée comme un chef-d’œuvre. Ces saints fraîchement canonisés étaient-ils plus facilement représentés dans d’autres régions ? Il ne semble pas ; Isabelle Saint-Martin note également que les images religieuses publiées présentaient les dévotions fondamentales mais n’accordaient guère de place aux nouveautés (p. 194).

Notes
674.

Exemples de statues : XIIe siècle, statue-colonne marbre, portail nord, église de Valcabrère (Haute-Garonne). XIIIe siècle : statue au trumeau, portail central de la cathédrale Saint-Étienne de Sens ; statue, portail sud du transept, cathédrale de Chartres ; statue au trumeau, portail nord, cathédrale de Meaux ; statue, angle du porche latéral sud, cathédrale de Bourges (la statue du trumeau du portail est moderne, comme celle de Notre-Dame de Paris) ; statue décorant le pignon historié de la façade de Saint-Père-sous-Vézelay ; statue, ébrasement de la porte d’Adam, cathédrale de Bamberg. XVe siècle : Ghiberti, statue de bronze, San Michele, Florence. XVIe siècle : statue du retable offert à la cathédrale de Sens par l’archevêque de Sallazar, 1515. XIXe siècle : L. Rochet, salon de 1843, cathédrale d’Agen (Lot-et-Garonne) ; L. Dumontet, salon de 1848, bois, cathédrale de Bourg ; A. Fromanger, vers 1860, Notre-Dame de Paris, façade sud ; A. Geoffroy-Dechaume, façade sud, Notre-Dame de Paris ; C. Petre, cathédrale de Metz.

675.

Isabelle Saint-Martin, Voir, savoir, croire, Catéchisme et pédagogie par l’image au XIX e siècle, Paris, Honoré Champion éditeur, 2003, p. 459.

676.

Exemples de statues : XVIe siècle, statue de bois, retable de Lorenzzimmern, 1510 ; Juan Bautista Monagro, statue granit, 1583, façade de l’Escorial. XIXe siècle : J. Perraud, salon de 1854, tour Saint-Jacques, Paris ; J. Marcellin, pierre, 1870, église Saint-Gervais-Saint-Protais ; J. Duseigneur, salon de 1871, pignon, église Saint-Laurent (refaite).

677.

Louis Veuillot, « La Pauvreté volontaire » (extrait de L’Univers), 1867, p. 27 ; 1869.