Dans les années 1980-1990, institutrice dans la classe de CM2 d’Ainay-le-Château, nous étions loin d’imaginer que les questions que nous nous posions sur les difficultés rencontrées par nos élèves en résolution de problèmes mathématiques nous conduiraient des années plus tard à soutenir, à l’Université de Lyon 2, une thèse portée par ces mêmes interrogations.
C’est en effet essentiellement dans l’exercice de notre métier d’institutrice, face au constat réitéré de difficultés d’apprentissage rencontrées par nos élèves dans le champ de la résolution de problèmes que sont apparus un besoin et une ferme volonté de nous intéresser aux travaux de recherche liés à l’enseignement des mathématiques. Dans le même temps, c’est grâce à notre parcours d’étudiante en psychologie, pour la préparation d’un Diplôme d’Études Universitaires Générales à l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand puis pour celle d’une Licence à l’Université Paris 8, que nous est offerte l’opportunité de découvrir des travaux universitaires sur les questions étroitement liées à l’apprentissage. Des lectures s’ensuivent : L’enfant et le nombre (Fayol, 1990), Les activités mentales (Richard, 1990), Les chemins du nombre (Bideaud, Meljac et Fischer, 1991). Tout cela complété par l’envie de découvrir plus avant les travaux des concepteurs de situations didactiques telles que la Course à 20 (in Brousseau, 1973) dont la mise en œuvre vient rompre avec celle des autres problèmes extraits des manuels scolaires que nous proposons habituellement à nos élèves. Le pas vers un intérêt grandissant pour les travaux relevant de la didactique des mathématiques est franchi.
C’est dans l’exercice depuis 1991 de notre fonction de conseillère pédagogique de circonscription, formatrice d’enseignants du premier degré, que nous remarquons que notre questionnement, portant sur les difficultés des élèves à résoudre des problèmes et sur les difficultés des professeurs à en assurer l’enseignement, est largement partagé par bon nombre de nos collègues dans leurs classes. C’est donc avec le souhait d’engager une réflexion sur cet enseignement dans ce champ précis des mathématiques que nous sollicitons une inscription en maîtrise de Sciences de l’Education à l’Université Lumière Lyon 2. De ce premier contact en 1998 avec le Professeur Jean-Claude Régnier qui deviendra notre directeur de thèse, nous retenons aujourd’hui un premier échange sur les différentes formes que peuvent revêtir aujourd’hui les énoncés de problèmes mathématiques dans les manuels scolaires, intégrant de plus en plus de représentations iconiques. On peut dès lors considérer que notre réflexion sur la place, le rôle et l’usage des différents registres de représentations sémiotiques débute ce jour-là lorsque Jean-Claude Régnier nous suggère la lecture de l’ouvrage Sémiosis et Pensée humaine de Raymond Duval (1995). En nous référant au cadre théorique développé par ce chercheur en psychologie de l’apprentissage et en didactique des mathématiques, nous conduisons une étude centrée sur les effets produits par la forme de présentation des données d’un énoncé de problème scolaire à données numériques sur la résolution de ce problème par des élèves de CE2. Nos premières analyses de données sont effectuées à partir, d’une part, des réponses écrites fournies par un échantillon de 1081 élèves à l’occasion de travaux de résolution de problèmes numériques proposés en classes de CE2 et, d’autre part, d’une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de 81 enseignants du cycle 3 de l’école primaire. L’échantillon d’enseignants et celui des élèves sont issus des écoles de trois circonscriptions scolaires relevant de deux académies différentes. Les traitements des données, sous l’enseignement et le contrôle rigoureux de Jean-Claude Régnier, nous conduisent à formuler plusieurs conclusions. Dans les limites de cette expérimentation, les traitements statistiques suggèrent qu’à partir d’un même type d’énoncé de problème numérique dont les données sont présentées sous différentes formes relevant de différents registres de représentation sémiotique, la forme rédactionnelle de l’énoncé n’influe pas sur la réussite au problème considéré. En comparant ensuite les résultats issus de la résolution des problèmes selon que les données de l’énoncé sont présentées sous la forme de représentations non discursives ou sous une forme exclusivement textuelle, nous observons que les élèves qui résolvent les problèmes dont les données sont présentées soit sous la forme d’un schéma, soit sous la forme d’un tableau, soit sous la forme d’un texte assorti de dessins extérieurs au traitement des données, soit sous trois formes simultanées différentes (texte, tableau, schéma), n’obtiennent pas de performances significativement différentes de celles des élèves qui ne disposent que d’une forme exclusivement textuelle. En revanche, les élèves auxquels nous avons proposé la résolution de problèmes avec une présentation des données sous la forme de graphiques obtiennent des scores de réussite moins élevés que ceux qui se sont vu attribuer un énoncé sous une forme exclusivement textuelle. Ce travail est présenté en 2000 lors de la soutenance de notre mémoire de maîtrise (Master 1) en Sciences et Pratiques d’éducation et de formation à l’Université Lyon2 (Priolet, 2000). Ces premières investigations, complétées par de nombreux échanges dans les séminaires à l’Université ou en ligne au sein du groupe ADATIC 1 fondé en 2000 par Jean-Claude Régnier, constituent un premier pas vers la construction de notre parcours de recherche.
Faisant suite à une annonce de ERME 2 pour le 2ème Congrès Européen de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques, CERME 2, et sans trop envisager alors les barrières de la langue, nous soumettons un projet de communication par affiche au comité scientifique d’organisation de ce congrès. Ce projet destiné à présenter les résultats en rapport avec nos travaux de maîtrise est accepté, non pas pour une communication par affiche comme nous le souhaitions, mais pour une communication orale dans un atelier animé par le Professeur Paolo Boero, didacticien des mathématiques, enseignant-chercheur à l’Université de Gênes (Italie). En 2001, premier bain dans un colloque à Marianzcké Lazné en République Tchèque, organisé sous la conduite de la Professeure Jarmila Novotná de l’Université Charles à Prague, première communication, première publication (Priolet, Régnier, 2001) en langue anglaise. Ce congrès est pour nous l’occasion de découvrir une didactique des mathématiques au-delà de nos frontières et de renouveler l’expérience d’échanges et de communications autour de thématiques communes en relation avec l’enseignement des mathématiques.
Le colloque Argentoratum qui se déroule en 2002 à l’ULP 3 de Strasbourg en hommage aux Professeurs François Pluvinage et Raymond Duval constitue aussi une étape importante dans notre cursus. Premières rencontres avec Raymond Duval que nous n’avons jusqu’alors côtoyé qu’à travers ses publications, avec François Pluvinage dont nous connaissons l’implication dans les épreuves d’évaluations nationales et dont nous découvrons l’ampleur de la participation au développement de l’école de didactique des mathématiques de Strasbourg, avec Regina Damm dont les travaux de thèse (Damm, 1992) ont retenu toute notre attention. Première rencontre, et hélas dernière, avec le Professeur Georges Glaeser dont Jean-Claude Régnier, son disciple, nous a fait découvrir les travaux (Glaeser, 1973) (Régnier et Perrier, 2002). Ce colloque est sans doute déterminant pour la suite de nos travaux dans la mesure où, dès notre retour, nous avons envie de davantage questionner la place de l’heuristique dans la résolution de problèmes et de poursuivre nos investigations sur la question de la conversion entre plusieurs registres de représentation sémiotique (Duval, 1995).
Nos échanges avec la communauté européenne des didacticiens des mathématiques se prolongent, d’une part, lors de la première école européenne d’été réservée aux Jeunes Chercheurs qui se tient à Klagenfurt en Autriche, d’autre part, lors de CERME 3 à Bellaria 4 (Italie) où nous présentons une communication (Priolet et Régnier, 2003) prenant appui sur notre mémoire de DEA (Priolet, 2001) orienté vers une première analyse des pratiques des enseignants dans le domaine de la résolution de problèmes mathématiques. Toutefois, notons que c’est plutôt par un détour par la didactique du français que nous découvrons les travaux de Leplat (2000) et ceux de Clot (2000) dans le champ de la psychologie ergonomique. En effet, en tant que formatrice impliquée durant les vacances scolaires dans la mise en place du module professionnel du DESS-Ingénierie du Conseil Pédagogique, créé et organisé durant quatre années successives par le Professeur Michel Fayol à l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, nous avons l’opportunité de côtoyer le Professeur Roland Goigoux et de discuter avec lui de ses méthodes d’analyse des pratiques des enseignants dans le cadre de recherches relatives à l’enseignement de la lecture.
Dans le même temps, notre métier de formatrice d’enseignants nous conduit à nous intéresser aux performances réalisées par les élèves aux évaluations nationales de début de CE2 et de début de 6ème. En vue d’aider à la mise en œuvre de projets d’aide individualisée, nous avons l’occasion d’analyser de nombreuses productions d’élèves, issues des cahiers desdites évaluations. Les difficultés rencontrées par bon nombre d’élèves dans le champ précis de la résolution de problèmes mathématiques continuent à susciter en nous des interrogations. Nous nous demandons notamment quelles sont les procédures utilisées par ces élèves, au cycle 3 de l’école primaire en France, qui, à leur entrée en 6ème échouent dans la résolution de problèmes à structures additive ou multiplicative. Nous décidons alors, dans le cadre de notre parcours universitaire, de procéder à une analyse rigoureuse de l’évolution des performances des élèves lors de la résolution d’un même problème à données numériques proposé chaque année, de la fin du cycle 2 à la fin du cycle 3. Pour ce faire, nous mettons en place au cours des quatre années de la période 2000-2003, le suivi d’un panel de 213 élèves de l’école élémentaire dont nous extrayons une cohorte de 105 individus. Cette étude intègrera notamment l’analyse et l’évolution du contenu des traces écrites intermédiaires, c’est-à-dire des brouillons produits lors de la résolution individuelle de ce problème. Les résultats de cette étude sont détaillés en deuxième partie de ce mémoire de thèse. La non homogénéité des classes relativement à la quantité ou au contenu des traces produites par les élèves oriente notre questionnement vers l’analyse des pratiques mêmes des enseignants. Autrement dit, nous nous demandons s’il existe des relations entre le contenu de ces productions des élèves et l’enseignement dispensé dans les classes.
De là naît la problématique de notre thèse que nous organisons autour d’une question centrale : À quelles conditions un enseignement de mathématiques peut-il favoriser l’apprentissage de la résolution de problèmes, en particulier de problèmes à données numériques ?
Au fil des années, notre réflexion va se nourrir du fruit de l’étude de travaux théoriques en relation avec cette thématique, mais aussi d’une attention particulière portée sur les pratiques pédagogiques ordinaires effectives que nous tentons d’observer le plus systématiquement possible en contexte naturel. Pour nous situer, nous distinguons deux étapes dans notre cheminement : la première est centrée plus exclusivement sur l’étude des travaux de recherches nées en France et principalement issues de la didactique des mathématiques. L’élaboration de notre dossier documentaire de DEA (Priolet, 2001) constitue pour nous un premier temps de synthèse d’une revue de questions orientée vers l’enseignement de la résolution de problèmes ; ce dossier rend compte d’un premier ensemble de références et fournit un résumé des articles ainsi que quelques pistes complémentaires de lecture. La deuxième étape se caractérise par une ouverture vers des travaux de recherche extérieurs au contexte français. Elle est bien sûr liée à nos participations à des colloques internationaux qui nous ouvrent la voie de la littérature étrangère dans le domaine de la didactique des mathématiques. Elle se caractérise aussi par la lecture et l’étude de travaux d’origine anglo-saxonne liés à des recherches dans le domaine de la psychologie cognitive.
À la lumière de ces différents travaux théoriques et en vue d’apporter quelques réponses à notre questionnement sur l’enseignement et l’apprentissage de la résolution de problèmes à données numériques, nous nous engageons dans l’élaboration d’un cadre théorique de référence intégrateur que nous nommons R 2 C 2 .
Nous soutenons alors la thèse que la mise en œuvre d’un enseignement de mathématiques basé sur une approche intégrative favorise l’apprentissage de la résolution de problèmes à données numériques. Nous entendons par enseignement à approche intégrative un enseignement dont l’organisation se fonde sur les apports coordonnés de plusieurs cadres théoriques. Dans un système didactique global, nous définissons un cadre didactique intégrateur caractérisé par la régularité et la dévolution à l’élève des principes suivants : Recherche, Mise en Réseau, Conversion, Catégorisation. Nous désignons ce cadre didactique par l’acronyme R 2 C 2 .
Cette approche intègre un ensemble de cadres théoriques de référence empruntés à Vergnaud (1990), à Duval (1995) et à Brousseau (1986b) : le premier pour la théorie des champs conceptuels, le deuxième pour la théorie de la conversion entre registres de représentation sémiotique et le troisième pour la théorie des situations.
La mise à l’épreuve de ce cadre R 2 C 2 nécessite la construction d’un ensemble d’artefacts accompagnée de l’élaboration du scénario de leur usage dans les classes.
Pour cela, nous bâtissons un protocole expérimental basé, d’une part, sur le recueil et l’analyse des performances d’un échantillon constitué de 137 élèves issus de huit classes de CE2, répartis en deux groupes, un groupe-témoin et un groupe-expérimental, soumis à un pré-test et à un post-test et d’autre part sur l’analyse des pratiques des enseignants de ces huit classes en situation d’enseigner la résolution de problèmes à données numériques. Il s’agit de décrire des pratiques d’enseignants expérimentés en situation d’enseigner la résolution de problèmes au cycle 3 de l’école primaire en France. Pour ce faire, en plus de la technique habituelle du recueil de données par enquête par questionnaire, nous utilisons notamment la méthode d’entretien d’autoconfrontation (Clot et Faïta, 2000) qui consiste, premièrement, à filmer un enseignant en situation de travail, autrement dit en situation d’enseignement, deuxièmement, à le confronter à l’image sur écran de sa propre activité, et ce, en recourant au visionnement du film, troisièmement, à lui demander de mettre en mots ce qu’il considère comme être les constantes de son travail.
L’ensemble du protocole expérimental est décrit dans la troisième partie de ce mémoire de thèse. Les résultats et leur interprétation y sont également rapportés. Néanmoins, par plusieurs communications publiées dans des actes de colloques, nous rendons déjà compte des méthodes adoptées pour décrire et analyser les pratiques des enseignants en situation d’enseigner la résolution de problèmes dans des classes du cycle 3 de l’école primaire française. En 2004, nous participons à un symposium (Priolet et Régnier, 2004) lors du 5ème Congrès International d'actualité de la recherche en éducation et en formation. D’autres présentations suivent : en 2006, une communication orale sur les effets des vecteurs d'apprentissage sur les pratiques d'enseignement, lors de la 8ème Biennale de l’Éducation et de la Formation, organisée par l’Institut National de Recherche Pédagogique (Priolet et Régnier, 2006) et une communication par affiche lors du colloque EMF 2006, Espace Mathématique Francophone, organisé à l’Université de Sherbrooke au Québec (Priolet, 2006).
En 2007, au travers de trois autres communications orales publiées, nous abordons certains aspects de la relation entre la mise à l’épreuve de notre cadre de référence et les apprentissages des élèves. Le colloque international des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) du Pôle Nord-Est est pour nous l’occasion de traiter de la conceptualisation (Priolet et Régnier, 2007). Le 34ème colloque de la Commission Permanente des IREM pour l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire (COPIRELEM) nous permet d’aborder la question de la place et du rôle de la modélisation dans une pratique d’enseignement basée sur une mise en réseau des énoncés et de leurs représentations (Priolet et Régnier, 2007). La communication conjointe publiée avec Jarmila Novotnà (Priolet et Novotnà, 2007) sur la comparaison de pratiques d’enseignants d’écoles élémentaires de République tchèque et de France lors du 7ème Symposium international sur l’enseignement des mathématiques (SEMT'07) traduit la façon par laquelle nous cherchons à élargir notre réflexion en observant de manière systématique les pratiques des enseignants au-delà de l’espace géographique et culturelle de la France.
Pour aborder plus avant la structure de notre mémoire de thèse, nous souhaitons préciser que la première partie intitulée Cadre de la Recherche consiste en une revue de questions relatives à l’objet d’étude : la résolution de problèmes verbaux à données numériques. Préalablement à l’explicitation de notre cadre de référence, il s’agit de repérer, dans différents cadres théoriques, les éléments de réponses aux questions suivantes : Qu’est-ce qu’un problème ? Qu’est-ce que résoudre un problème ? Comment en enseigner la résolution ? Quelles sont les principales difficultés d’apprentissage liées à la résolution de problèmes numériques ? Cette première partie s’organise selon cinq chapitres. Le premier présente deux approches, l’une d’ordre étymologique, l’autre d’ordre historique afin de comparer différentes définitions du problème et de son énoncé, tout en ciblant notre attention sur le domaine des mathématiques. L’étude des textes officiels en lien avec notre système éducatif scolaire, doublée de l’analyse de documents à caractère historique nous amène plus spécifiquement à envisager la place et le rôle accordés au problème à l’école, sur une période allant du milieu du 19ème siècle jusqu’à nos jours. Toutefois, au vu de l’évolution des programmes scolaires de l’enseignement en France notamment autour des années 1970, il nous semble qu’on ne peut faire l’économie d’un rappel de quelques conceptions qui ont marqué l’histoire des mathématiques. Ainsi, le deuxième chapitre est constitué d’un recueil de points de vue de plusieurs mathématiciens sur la notion de problème. Certes, les problèmes qui sont proposés à l’école ne sont pas ceux qui sont résolus par les mathématiciens. Pour autant, que l’on se place au niveau du mathématicien ou bien au niveau d’un élève de l’école élémentaire, n’est-ce pas la construction même de la pensée qui est en jeu à travers la résolution de problèmes ? Certes, l’enjeu ne consiste pas à faire de tous nos élèves des mathématiciens. En revanche, il relève des missions de notre système éducatif scolaire de fournir des aides à l’élève pour se construire une pensée rationnelle. Les chapitres suivants traitent des paradigmes de l’enseignement et de l’apprentissage de la résolution de problèmes, renvoyant à l’abondante littérature issue des nombreuses recherches développées depuis les années 1970 en didactique des mathématiques, en psychologie de l’éducation et en psychologie de l’apprentissage. La Théorie des situations de Brousseau nous fournit un cadre théorique plus général pour traiter de la mise en place des situations d’enseignement à l’école tandis que les travaux de Glaeser (1973) nous permettent de recentrer notre attention sur la démarche heuristique, nous amenant ainsi à poser explicitement la distinction entre problème scolaire et exercice. Nous rapportons également un ensemble de travaux nés et développés dans le contexte des IREM de Bordeaux, de Lyon, de Strasbourg, afin d’étayer les réponses à notre questionnement sur l’enseignement des mathématiques. Les travaux d’Arsac, Germain et Mante (1998) sur la notion de problème ouvert, ceux de Pluvinage (1993) sur les taxinomies, ceux de Douady (1986) sur les jeux de cadres sont autant de points d’appui que nous citons, décrivons et tentons de mettre en relation dans le troisième chapitre centré sur l’enseignement de la résolution de problèmes. Toutefois, dans la résolution de notre problématique, il nous apparaît difficilement concevable de traiter de la question de l’enseignement sans en aborder celle d’un enjeu fort qu’est l’apprentissage même de résolution de problèmes par les élèves. Il s’agit pour nous d’expliciter, de comprendre et même de tenter d’expliquer les difficultés rencontrées par les élèves. Dans cette perspective d’analyse, le quatrième chapitre fournit un ensemble de références émanant du champ de la psychologie ; il y est fait plus précisément appel aux travaux en lien avec les psychologies de l’apprentissage et de l’éducation. La théorie du schéma (Kintsch et Greeno, 1985) et celle du modèle mental (Johnson-Laird, 1983) sont rappelées. Emanant de recherches anglo-saxonnes, elles sont utilisées comme modèle explicatif de résultats en lien avec la résolution de problèmes numériques (Fayol et Abdi, 1986). Le recours aux travaux de Vergnaud (1990) sur la conceptualisation et la théorie des champs conceptuels nous parait être également une ressource incontournable à ce stade de notre réflexion. Par ailleurs, comme nous travaillons sur la résolution de problèmes à énoncés verbaux et que, de ce fait, les élèves ont à recourir au registre numérique pour traiter les données des problèmes, les travaux de Duval (1995) sur les registres de représentation sémiotique constituent pour nous une autre source de référence nécessaire. Nous nous référons aussi à un ensemble de résultats issus de travaux abordant les effets des caractéristiques des problèmes et de leurs énoncés sur les performances des élèves à résoudre les problèmes. Nous distinguons ceux traitant des caractéristiques conceptuelles et sémantiques des problèmes et ceux traitant des caractéristiques rédactionnelles de l’énoncé.
Cette rencontre avec différents cadres théoriques nous conduit dans le cinquième chapitre à exposer le point de vue intégrateur que nous avons adopté par rapport aux principales questions soulevées à propos de la notion de problème quant à son acception, à sa finalité et ses usages dans le champ scolaire. Cette première partie s’achève sur la définition du cadre théorique intégratif né de l’articulation des différents cadres théoriques mobilisés et selon lequel nous aborderons notre problématique.
La deuxième partie intitulée : Premières investigations. Première étape de la construction de l’objet de recherche, s’organise selon trois chapitres. Le premier traite d’une part des performances obtenues par la France dans le cadre de PISA, Programme International de Suivi des Acquis des Elèves de 15 ans, d’autre part de l’évolution des performances obtenues aux évaluations nationales de début de CE2 et de 6ème de 1989 à 2007. Le champ retenu ici reste évidemment en lien avec la thématique de notre recherche et s’articule autour des données relatives à la résolution de problèmes numériques. Le deuxième chapitre rend compte à la fois de la genèse, de l’opérationnalisation et des résultats d’une étude longitudinale que nous avons conduite sur quatre années successives auprès d’une cohorte de 105 élèves scolarisés au CE1 puis dans les trois classes du cycle 3 des approfondissements de l’école en France. Il s’est agi d’observer l’évolution des performances des élèves lors de la résolution d’un même problème à données numériques proposé lors des quatre années de passation, strictement dans les mêmes conditions. Ce chapitre décrit notamment de façon détaillée la méthodologie que nous avons adoptée. Ceci nécessite la définition de nombreuses variables. La comparaison des performances d’un même élève ou d’un même groupe d’élèves d’une année sur l’autre impose par exemple le recours à la définition de profils prenant en compte non seulement l’état initial et l’état final de la performance, mais aussi les marges possibles de progrès ou de régression dans la réussite à la résolution d’un problème. Nous mettons également en œuvre un protocole d’analyse des productions des traces écrites intermédiaires, en d’autre terme des brouillons élaborés par les élèves lors de la passation de cette épreuve. La mise en relation de ces productions avec les performances obtenues nous amène alors à nous interroger sur les pratiques des enseignants. Le troisième et dernier chapitre présente les réponses données par un échantillon d’enseignants lors d’une précédente enquête par questionnaire.
La relecture des conclusions issues des analyses des résultats présentés dans cette deuxième partie dans le cadre de recherche dressé en première partie nous fournit les bases utiles à la poursuite de la construction de notre problématique de recherche originellement née de l’identification d’un paradoxe entre la régularité des séances d’enseignement de la résolution de problèmes à données numériques et l’émergence, voire la persistance, de difficultés d’apprentissage des élèves en la matière.
La troisième partie rapporte l’étude que nous avons conduite en vue de résoudre notre problématique de thèse visant à dégager des conditions d’enseignement favorables à l’apprentissage de la résolution de problèmes, en particulier de problèmes à données numériques. Elle s’organise selon quatre chapitres.
Le premier chapitre trace la genèse de cette problématique née du constat d’un paradoxe entre l’émergence de difficultés d’apprentissage des élèves en résolution de problèmes mathématiques et le repérage des pratiques régulières d’enseignement de ladite résolution dans les classes. Il précise la maturation de nos questions de départ posées notamment à la suite de notre étude longitudinale et revisitées à la lumière des présupposés théoriques retenus et développés en fin de première partie. Nous posons comme hypothèse que l’apprentissage de la résolution de problèmes peut être favorisé par la mise en œuvre du cadre didactique R 2 C 2 défini par la présence régulière et conjointe et la dévolution à l’élève des principes de Recherche, de Mise en Réseau, de Conversion de représentations sémiotiques, de Catégorisation.
Le deuxième chapitre est d’ordre méthodologique et présente les méthodes retenues pour mettre à l’épreuve des faits, notre modèle R 2 C 2 . Nous commençons par poser le cadre général de l’expérimentation mise en œuvre sur un échantillon de 137 élèves de CE2 issus de huit classes composées strictement d’élèves de CE2, et sur un échantillon constitué des 8 enseignants des classes concernées. Nous y rapportons avec précision les méthodes utilisées pour construire, traiter et analyser les données tout au long de cette expérimentation qui peut être décomposée en trois temps :
Dans un premier temps, d'octobre à janvier de la même année scolaire (2002-2003), il s’agit d'une part de caractériser les pratiques mises en oeuvre par les enseignants lors de séances de résolution de problèmes, d'autre part de mesurer les performances des élèves dans ce champ des mathématiques et de recenser les traces écrites intermédiaires produites lors de la résolution. Pour construire les données relatives aux pratiques enseignantes, trois techniques sont utilisées : le questionnaire écrit, l'enregistrement vidéoscopé, l'entretien d'autoconfrontation (Clot et Faïta, 2000), faisant ainsi référence au cadre théorique développé par Leplat (2000) en psychologie du travail et en ergonomie. Dans la lignée des travaux de Rabardel et al. (1998), Rogalski (2003), nous considérons l’enseignant en situation de travail. Pour recueillir les performances et les traces écrites des élèves, les huit classes sont soumises à un pré-test composé de 13 problèmes à données numériques.
Dans un deuxième temps, de janvier à mars, quatre classes parmi les huit sont soumises à un dispositif expérimental visant à évaluer les effets d’une pratique d’enseignement de la résolution de problèmes basée sur une approche de mise en réseau des énoncés et de leurs représentations. Elles sont l’objet de nouveaux enregistrements vidéoscopés de séances de résolution de problèmes, afin de repérer les changements éventuels de pratiques intrinsèques ou extrinsèques à l’expérimentation. Les quatre autres classes qui constituent le groupe-témoin continuent le travail prévu par l’enseignant dans le cadre de sa pratique habituelle de classe.
Dans un troisième temps, en juin, un post-test, strictement identique au pré-test, fait l’objet d’une passation dans les huit classes.
Après avoir indiqué le plus minutieusement possible les caractéristiques de la population-élèves et de la population-enseignants, nous décrivons le protocole expérimental. Cette description passe par une analyse a priori des 13 problèmes de la batterie constituant le pré-test et le post-test, l’indication du protocole de passation de ces deux tests et bien évidemment la description détaillée de l’opérationnalisation de notre cadre didactique R 2 C 2 , des artefacts qui le caractérisent et des modalités de leur mise en place.
Le troisième chapitre ouvre la voie à l’interprétation des résultats liés à l’opérationnalisation de notre cadre didactique R 2 C 2 . Premièrement, nous rendons compte de l’analyse des pratiques initiales des 8 enseignants, c’est-à-dire en amont de l’opérationnalisation de R 2 C 2 . Pour ce faire, nous utilisons les données issues des enregistrements vidéoscopés et des enregistrements sonores des entretiens d’autoconfrontation. Deuxièmement, nous nous intéressons aux résultats des élèves et nous livrons, d’une part, les performances obtenues au pré-test et au post-test par le groupe-témoin, par le groupe-expérimental et par chaque classe, d’autre part, les scores obtenus pour chaque problème. Troisièmement, nous rendons compte de l’analyse des pratiques observées des 4 enseignants du groupe-expérimental ayant mis en œuvre le cadre didactique R 2 C 2 . Cette analyse s’effectue au regard des principes caractéristiques de ce Cadre. En d’autres termes, nous repérons la présence de la mise en œuvre des principes de Recherche, de Mise en Réseau, de Conversion de représentations sémiotiques, de Catégorisation en nous demandant pour chacun d’eux s’il s’inscrit bien à la fois dans une régularité et dans un processus de dévolution à l’élève.
Le quatrième chapitre est réservé à la discussion des résultats de l’ensemble de cette étude qui vise à identifier les effets de la mise en place de notre cadre didactique R 2 C 2 sur les apprentissages des élèves. En d’autres termes, nous discutons de la validité de notre hypothèse de travail. Pour ce faire, nous revenons aux présupposés théoriques pour expliquer l’amélioration des performances des élèves du groupe-expérimental par rapport à celles obtenues par le groupe-témoin.
Ce corps de la thèse est complété par des annexes conséquentes qui rapportent exhaustivement les outils méthodologiques mis en œuvre pour réaliser cette recherche ainsi que les données construites.
En résumé, ce travail de thèse tente de montrer en quoi la mise en œuvre d’un enseignement de mathématiques basé sur une approche didactique intégrative fondée sur une ingénierie pédagogique élaborée dans le cadre didactique R 2 C 2 favorise l’apprentissage de la résolution de problèmes à données numériques.
PARTIE 1
Cadre de la recherche
Introduction
Chapitre 1 : D’un point de vue étymologique et historique : Qu’est-ce qu’un problème ? Qu’est-ce résoudre un problème ?
Chapitre 2 : Du point de vue des mathématiciens : que revêt le concept de problème dans le champ des mathématiques ?
Chapitre 3 : Du point de vue des didacticiens des mathématiques : Qu’est-ce qu’un problème ? Comment en enseigner la résolution ?
Chapitre 4 : Du point de vue des psychologues : Qu’est-ce qu’un problème ? Quelles sont les principales difficultés d’apprentissage liées à la résolution de problèmes?
Chapitre 5 : Cadre théorique retenu pour la recherche
Apprentissage, Didactique, Autoformation & Technologies de l’Information et de la Communication : groupe de recherche encadré par Jean-Claude Régnier, réunissant l’ensemble des étudiants dont il encadre ou a encadré les travaux de recherche (Master et Doctorat).
European Society for Research in Mathematics Education
Université Louis Pasteur
CERME 3 : 3ème Congrès Européen de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques