1.2. Qu’est-ce que l’énoncé d’un problème ?

À l’école, dans le domaine des mathématiques, il est assez fréquent de constater l’usage du terme problème pour désigner à la fois le texte qui énonce le problème à résoudre et le concept de questionnement sous-jacent. Par exemple, en donnant la consigne suivante à leurs élèves : Vous allez lire ce problème, les enseignants font une confusion langagière entre le problème et son habillage que l’on devrait nommer énoncé.

Du point de vue étymologique, tandis que l’usage du substantif énoncé remonte à 1675 pour traduire une action d’énoncer ou encore un ensemble de formules exprimant quelque chose, il a fallu attendre deux siècles (1870) pour voir apparaître l’expression énoncé d’un problème ; on peut voir ici un lien avec l’usage scolaire du problème qui, lui, se développe à la fin du 19ème siècle.

La communication du problème à résoudre par un élève s’effectue par l’intermédiaire d’une formulation orale ou écrite qui va dès lors porter le nom d’énoncé de problème. C’est par l’intermédiaire de l’énoncé que s’opère le premier contact entre le problème et le sujet qui doit le résoudre.

Ainsi, au-delà d’un simple récit, un énoncé de problème pose une question d’ordre mathématique qui lui donne le statut d’énoncé de problème.

En nous référant à la définition de Julo (1995), psychologue, un énoncé de problème, quel qu’il soit, est un texte caractérisé par une certaine forme mais aussi par un ensemble d’éléments qui lui donne son sens et qui nous permet d’accéder aux informations dont nous avons besoin pour construire le contenu de notre représentation. Les différents champs des mathématiques comportent une variété d’énoncés : énoncés de problèmes de géométrie, d’algèbre…

De par sa définition, un énoncé de problème renvoie à une quête formulée sous une forme interrogative ou impérative. La forme interrogative semble cependant être dominante. Les questions se situent en règle générale en fin d’énoncé. Cette place a d’ailleurs fait l’objet de travaux en psychologie cognitive auxquels nous nous référerons lors de l’étude de l’effet de la place de la question sur les difficultés des élèves à résoudre un problème (Fayol, Abdi, 1986).

Certains énoncés de problèmes (Figure 1) comportaient parfois des indices permettant aux élèves de vérifier la réponse numérique qu’ils s’apprêtaient à donner.

Figure 1 : Problème n°66 extrait du manuel : Toisoul et Wallon (1902), p. 37
Figure 1 : Problème n°66 extrait du manuel : Toisoul et Wallon (1902), p. 37

Dans la préface du manuel cité ci-dessus, les auteurs précisaient en effet :

…les élèves sont excités au travail quand ils peuvent contrôler les résultats des problèmes mais l’indication complète des réponses présentant certains inconvénients, nous nous sommes bornés à donner des renseignements suffisants pour la vérification des solutions quelque peu difficiles. Un exemple fera bien comprendre le système. Supposons que la réponse d’un problème doive être 2348, on trouvera dans le livre : (R : ?3?8) (Toisoul et Wallon (1902).

Les indications fournies, du type : R : …15?? ou R : ?3?8, ne présentent-elles pas le risque de privilégier le mode calculatoire au détriment d’une réflexion sur le sens du problème ?

La scène de la vie quotidienne décrite dans le texte du problème (Figure 1) illustre à quel point, au fil de l’Histoire, les énoncés ont pu véhiculer une image de la vie et, au-delà, une certaine idéologie moralisatrice. Harlé (1984) montre combien ceux proposés au début du 20ème siècle transmettaient une image tronquée de la société. En effet, les énoncés relataient souvent des scènes dans lesquelles l’élève issu de classes populaires et bénéficiant de la scolarité gratuite et obligatoire devait se montrer respectueux des règles de bonne conduite et de morale envers la société. Pour exemple, l’énoncé ci-dessous rappelle les devoirs incombant à une jeune fille envers ses parents.

Une jeune fille dont la mère était malade ne s’est pas couchée du lundi matin 4 heures au mercredi minuit. Pendant combien d’heures n’a-t-elle pas pris de repos ? (Leyssenne, 1921) cité par Harlé, 1984, p. 269

Certains problèmes, comme ceux figurant ci-après (Figure 2), dépassent le cadre de la résolution mathématique. Posés comme problèmes exemples, ils constituent de véritables leçons pratiques. Dans le cas présent, il s’agit d’une initiation à la gestion des finances familiales.

Figure 2 : Problème extrait du manuel : Arithmétique (Dumarque et Renaud, 1930), cité par Harlé, 1984, pp. 152, 153
Figure 2 : Problème extrait du manuel : Arithmétique (Dumarque et Renaud, 1930), cité par Harlé, 1984, pp. 152, 153

De nos jours, les énoncés proposés 6 dans les classes peuvent être extraits d’un manuel scolaire ou bien fabriqués par l’enseignant. Ils se distinguent des autres types d'écrits par :

Dans notre étude, les problèmes considérés sont des problèmes mathématiques scolaires, c’est-à-dire des problèmes que les élèves doivent résoudre en classe, principalement lors des séquences de mathématiques. L’énoncé se présente sous la forme d’un récit qui s’inscrit dans un contexte mathématique et ne présente souvent un intérêt que par rapport au problème mathématique posé.

Nous nous limitons aux énoncés écrits de problèmes scolaires numériques, appelés très souvent problèmes à énoncés verbaux ou Word Problems et pour lesquels la définition donnée par Verschaffel, Greer et De Corte (2000) peut être retenue.

Un problème arithmétique à énoncé verbal peut être défini comme une description verbale d’une situation problème dans laquelle une ou plusieurs questions sont posées. La ou les réponses à ces questions peuvent être fournies grâce à l’application d’opérations mathématiques aux données numériques disponibles dans l’énoncé du problème. Dans leur forme la plus typique, les problèmes à énoncés verbaux correspondent à un texte bref décrivant l’essentiel d’une situation dans laquelle certaines quantités sont explicitement données et d’autres non. La tâche de l’individu confronté au problème est de donner une réponse numérique à la question par usage explicite et exclusif des quantités données par le texte et des relations mathématiques inférées du texte entre ces quantités (Verschaffel, Greer et De Corte, 2000).

Selon ces auteurs, l’énoncé est une description présentée sous la forme d’un texte bref contenant des données numériques et une ou plusieurs questions. Les problèmes à données numériques à énoncés verbaux se présentent sous un format verbal (X avait x billes. Il en a donné à Y. Maintenant X a z billes.) tandis que ceux dénommés problèmes à données numériques revêtent un format strictement numérique du type (x - y = z).

Nous reviendrons à plusieurs reprises au long de cette thèse, sur les travaux relatifs à la formulation des énoncés verbaux, en étudiant plus particulièrement les effets de leurs caractéristiques sémantiques et lexicales sur les difficultés rencontrées par les élèves lors de la résolution de problèmes.

Problèmes et énoncés étant définis, il nous paraît intéressant d’étudier maintenant leur évolution au fil des siècles.

Notes
6.

Les énoncés de problèmes peuvent être proposés par écrit ou oralement. Dans notre recherche, nous nous limitons aux énoncés présentés sous une forme écrite.