1.4.4. À partir de 1970 : l’activité de l’élève devient première

Le courant des mathématiques modernes marque considérablement la période d’après 1970 en introduisant un changement profond dans l’approche des mathématiques.

L’enseignement mathématique à l’école primaire veut répondre désormais aux impératifs qui découlent d’une scolarité obligatoire prolongée et de l’évolution contemporaine de la pensée mathématique (Ministère Éducation nationale, 1970).

Dans les programmes de 1970 accompagnés de commentaires qui viennent se substituer aux programmes et instructions de 1945 restés jusqu’alors en vigueur, la résolution de problèmes à données numériques ou non numériques est considérée comme activité privilégiée. Deux nouveautés sont introduites. Premièrement, en plus des problèmes qui permettent d’appliquer des notions déjà étudiées, apparaissent les problèmes qui permettent d’introduire des notions nouvelles. Deuxièmement, et c’est sans doute là que réside l’essence même du changement, le législateur marque une rupture manifeste avec les programmes précédents qui fixaient en priorité la nécessité d’une relation avec la vie quotidienne. Il donne la définition suivante du problème :

Il y a problème si, connaissant un certain nombre d’informations concernant une situation, on se propose de déduire de ces informations des renseignements non explicités initialement. Résoudre un problème, c’est analyser la situation et les informations données, dégager éventuellement des chaînes de situations élémentaires, les schématiser afin de mettre en évidence les relations mathématiques qui les décrivent, utiliser ces relations et leurs propriétés pour en déduire les renseignements cherchés (Ministère Éducation nationale, 1970).

Cette rupture peut être associée, du moins en partie, aux recherches de l’époque. En lien avec les travaux de psychologie, l’apprentissage est désormais considéré comme résultant de la construction de catégories mentales encore appelées schèmes mentaux 26 qui contribuent à l’élaboration de concepts. La compréhension de l’élève devient première. La mise en place d’activités concrètes 27 visant à aboutir à la construction de concepts est mise au premier plan, au détriment de l’enseignement de mécanismes et de règles. Par exemple, dans le champ de la résolution de problèmes, les opérateurs de proportionnalité se substituent à la règle de trois. Bien qu’y soit mentionnée une certaine initiation des élèves à la vie courante que l’enseignement élémentaire se doit de donner, les programmes de 1970 marquent un changement réel avec tous les précédents basés strictement sur la rencontre avec des problèmes relevant des thèmes empruntés à la vie quotidienne.

À travers les travaux de Glaeser 28 et de Brousseau 29 et d’universitaires travaillant dans les IREM 30 , la didactique des mathématiques se donne pour programme l’étude de l’apprentissage de connaissances spécifiques, dans un domaine précis, celui des mathématiques. Pour Brousseau, les problèmes sont placés au cœur du dispositif mathématique et ainsi, c’est l’obstacle 31 épistémologique rencontré qui permet de construire des connaissances nouvelles. Pour ce faire, l’enseignant, selon Brousseau, a pour rôle de proposer des situations qui doivent permettre à l’enfant de construire par lui-même son savoir mathématique. Ces recherches vont elles aussi contribuer à donner une nouvelle orientation aux programmes.

Nous reviendrons plus en détail sur la théorie des situations didactiques dans le chapitre 3 que nous réservons au cadre théorique de la didactique des mathématiques.

Notes
26.

La notion de schème sera développée dans le chapitre 4 réservé au volet Psychologie de l’apprentissage et du développement.

27.

Exemple : Manipulations de jetons.

28.

Glaeser Georges (1918 – 2002) : Professeur émérite de mathématiques à l’Université de Strasbourg.

29.

Brousseau Guy (né en 1933) : professeur émérite à l’IUFM d’Aquitaine.

30.

IREM : Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques.

31.

Au sens bachelardien (1938).