1.4.5. Une nouveauté dans les programmes et instructions de 1978, de 1980 et de 1985 : les situations-problèmes

Dans les programmes de 1978 (Ministère Éducation) destinés au cycle élémentaire et de 1980 (Ministère Éducation) destinés au cycle moyen, l’expression situation-problème 32 , jamais utilisée dans les programmes précédents, est mentionnée à plusieurs reprises, plaçant ainsi la notion de problème au premier plan de l’enseignement des mathématiques. Compte tenu du fait de sa permanence dans les programmes et instructions qui suivront, nous réservons, dans le chapitre consacré aux travaux de didactique des mathématiques, un paragraphe spécifique à ce concept-clé de situation-problème qui peut être très brièvement décrit comme une situation de recherche au cours de laquelle les élèves devront franchir un obstacle pour acquérir et s’approprier de nouveaux savoirs.

On considérera d’abord que chaque nouvel outil mathématique peut se construire et trouver sa signification au travers de l’exploitation d’une ou plusieurs « situations-problèmes » convenablement choisies.

Enfin, il semble souhaitable que le problème puisse être aussi, dès le cycle élémentaire, l’occasion d’une exploitation plus libre de situations diverses, mais surtout plus complexes, moins épurées que celles sur lesquelles les apprentissages se seront effectués.

L’enfant devrait pouvoir y mettre en œuvre son pouvoir créatif en même temps que la rigueur et la sûreté de son raisonnement (Ministère Éducation, 1978).

Les problèmes sont alors envisagés selon trois points de vue qui d’ailleurs ne sauraient être limités au seul domaine des mathématiques :

Situations-problèmes utilisées pour l’approche et la construction de nouveaux outils mathématiques ;

Situations-problèmes permettant aux enfants de réinvestir des acquis antérieurs, d’en percevoir les limites d’utilisation (situation contre-exemple) et au maître d’en contrôler le degré de maîtrise ;

Situations-problèmes plus complexes, plus globales dans lesquelles l’enfant devrait pouvoir mettre en œuvre son pouvoir créatif et affiner la rigueur et la sûreté de son raisonnement. (Ministère Éducation, 1980)

On distingue ainsi trois types de situations-problèmes : celles qui permettent d’introduire des notions nouvelles et qui vont se situer en début d’apprentissage, celles qui vont permettre d’évaluer les connaissances acquises et enfin celles, plus complexes ou plus globales, qui visent à développer des attitudes de recherche, tout en suscitant la créativité de l’élève. On pointe là une franche opposition avec les problèmes proposés en regard des programmes ou instructions de la première moitié du vingtième siècle qui ne semblaient pas vraiment engager l’élève dans une démarche créative.

Alors que les programmes de 1970 avaient déjà constitué une rupture en plaçant au premier plan l’activité de l’élève, ceux de 1978 et 1980 se réfèrent explicitement à la connaissance et à la conceptualisation. La notion de problème y est considérée comme centrale, notamment à travers la mise en place de situations-problèmes.

Ces trois aspects doivent être exploités pour tous les thèmes du programme. Cependant, le cycle moyen se prête particulièrement à des activités de type « réinvestissement » ou « situations-complexes », la quantité d'outils mathématiques disponibles étant plus étendue qu'au cycle précédent. Ces activités peuvent ou non s'appuyer sur des données numériques (Ministère Éducation, 1980).

Les programmes et instructions de 1985 énoncent clairement 33 l’objectif de l’enseignement des mathématiques (qui) vise à développer le raisonnement et à cultiver chez les élèves les possibilités d’abstraction. Compte tenu de l’accent mis sur la résolution de problèmes mathématiques, on peut considérer qu’ils s’inscrivent dans la continuité de ceux de 1978 et 1980. En effet, d’une part, on y retrouve la typologie des problèmes présente dans les programmes de cours moyen de 1980, avec toutefois l’introduction de l’expression problème de recherche et l’adjonction d’exemples illustrant les trois catégories.

On peut répartir ces problèmes en trois groupes :

- ceux qui permettent la construction de nouveaux outils mathématiques (par exemple l'introduction de la soustraction, de la multiplication, des nombres décimaux);

- ceux qui invitent à utiliser des acquis, à en percevoir éventuellement les limites d'utilisation, offrant ainsi au maître les moyens de contrôler le savoir (par exemple la construction d'un objet, l'agrandissement d'une figure, le premier apprentissage de la division euclidienne) ;

- ceux qui sont liés à une véritable recherche (par exemple trouver tous les patrons d'un cube) (Ministère Éducation nationale, 1985).

D’autre part, il est rappelé que résoudre des problèmes suppose l’appropriation de méthodes ainsi que la maîtrise d’un certain nombre d’outils, numériques et géométriques. Il est également fait référence à la maîtrise du langage mathématique. Il s’agit d’habituer les élèves (…) à exprimer, oralement et par écrit, leurs démarches (…). C’est l’occasion pour l’élève de s’approprier le langage mathématique, en restant attentif aux interférences éventuelles avec la langue courante.

Depuis les années soixante-dix, les contenus des différents programmes suggèrent des relations étroites avec l’évolution des recherches tant en didactique des mathématiques qu’en psychologie de l’apprentissage.

Charnay (1988), en insistant sur la construction du sens par l’élève et sur le choix de la stratégie d’apprentissage par l’enseignant, se place dans une théorie du fonctionnement cognitif et se démarque là encore de la théorie des stades de Piaget à l’aspect structuraliste dominant, séparant les structures de connaissances et les contenus. Il définit le problème comme un triplet situation, élève, environnement et il précise que le problème n’existe que si l’élève perçoit une difficulté et doit surmonter un obstacle, ce qui n’est pas sans rappeler d’une part la définition première du problème (Diderot, 1751-1772), d’autre part la référence à Bachelard (1938), enfin les fondements de la situation-problème.

Notes
32.

Cette expression se trouve déjà dans l’ouvrage L’unité de la psychologie (Lagarde, 1949, p. 40)

33.

Ces programmes et instructions sont comme les précédents destinés aux enseignants, cependant ils s’adressent pour la première fois directement aux parents d’élèves. Ils sont édités sous la forme d’un livre de poche et sont vendus en librairie.