1.6. Conclusion du chapitre

L’étymologie du mot problème, dans le sens de problème mathématique renvoie à l’idée de question à résoudre, intrinsèquement liée à celle de proposition contenant une demande. Partant de cette définition, nous avons alors considéré la notion d’énoncé de problème qui elle, renvoie à la fois au texte qui énonce le problème à résoudre et au concept de questionnement sous-jacent.

Les problèmes mathématiques n’ont toutefois pas attendu 1870, année de l’introduction de l’expression énoncé de problème pour trouver leur place dans la vie quotidienne. Des exemples extraits de papyrus égyptiens, de tablettes babyloniennes, ou empruntés à l’histoire de l’artillerie ou de la navigation maritime illustrent à quel point l’activité de résolution de problèmes en mathématiques est ancienne, répondant de tout temps à des questions d’ordre matériel et à des nécessités de vie sociale ou économique. Quant au problème scolaire, son usage se développe pleinement à la fin du 19ème siècle, pour trouver une place dans l’Institution scolaire. C’est sous une dimension diachronique que nous avons choisi d’aborder le problème mathématique scolaire, en traitant plus spécifiquement de la place et du rôle qui lui ont été assignés dans l’enseignement depuis la loi Guizot (1933) jusqu’à la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, publiée en 2005. En résumé, deux grandes périodes peuvent être considérées pour situer le rôle donné au problème scolaire par l’Institution.

Jusqu’en 1970, les programmes et instructions insistaient sur la nécessité d’ancrer les problèmes proposés à l’école sur des situations de la vie quotidienne. À partir de 1970, les programmes d’enseignement de mathématique sont profondément marqués, d’une part, par les travaux en didactique des mathématiques et en psychologie de l’apprentissage et du développement, d’autre part, par la démocratisation de l’enseignement. Les propos de Brousseau nous paraissent résumer la place qu’il convient alors d’accorder à la résolution de problèmes. En effet, selon Brousseau (1972), l’enseignant a pour rôle de proposer des situations qui doivent permettre à l’enfant de construire par lui-même son savoir mathématique. Ainsi, l’activité de l’élève est considérée comme première, les situations-problèmes mentionnées pour la première fois en 1978 dans les programmes de mathématiques sont dès lors positionnées comme centrales dans l’apprentissage des connaissances mathématiques par les élèves.

Toutefois, les tensions entre les partisans d’un enseignement mathématique utilitaire visant à préparer l’avenir social et professionnel des élèves et celui d’un enseignement visant à la culture de l’esprit semblent avoir déjà été présents sous le Ministère Ferry comme en attestent les débats entre Sonnet (1887) et Leyssène (1887a). À travers cette question de l’enseignement de la résolution de problèmes, se trouve posée toute la question des enjeux de l’enseignement.

En 2006, le socle commun de connaissances et de compétences introduit de nouveau la référence à des situations proches de la réalité. Toutefois, là, les enjeux de cet enseignement ne se posent pas dans les mêmes termes qu’à la fin du 19ème siècle. Ainsi, parmi les compétences citées pour la fin du cycle 2 et celles du cycle 3, figurent en bonne place : raisonner, argumenter. À l’heure où nous terminons ce mémoire de thèse, les programmes de 2008 sont parus à l’état de projet, renvoyant au débat sur les priorités à assigner à notre École et ainsi à accorder à la résolution de problèmes.

Ce chapitre s’achève sur la distinction entre problème et exercice, le premier se rapportant à l’idée d’obstacle à surmonter et impliquant tâtonnement et invention, le dernier se réduisant, selon Glaeser (1971) à l’exécution de tâches algorithmiques.

Dans le parcours des programmes d’enseignement, nous avons cité les travaux de la commission Lichnerowitz, évoquant par là même les travaux des mathématiciens du groupe Bourbaki et montrant les liens qui peuvent exister entre la recherche fondamentale et l’enseignement. Il n’est bien sûr pas question de confondre les problèmes traités par les experts que sont les mathématiciens et les problèmes scolaires proposés aux élèves à l’école. Toutefois nous avons souhaité recueillir dans ce mémoire de thèse quelques propos de mathématiciens sur le concept de problème, en vue le cas échéant de mieux comprendre les grandes orientations qui ont pu traverser l’enseignement. Le chapitre qui suit présente les points de vue des mathématiciens sur le concept de problème.