2.1. La conception platonicienne des mathématiques

La conception platonicienne des mathématiques distingue le monde réel et le monde des idées ; elle s’intéresse au caractère abstrait des objets mathématiques. Deux exemples peuvent l’illustrer : (i) la droite tracée dans le sable n’est qu’une représentation imparfaite de la droite abstraite. Ce tracé malhabile suggérera la droite idéale, objet de la connaissance mathématique ; (ii) les propriétés du cercle idéal présentent un intérêt certain, contrairement à la nature fugitive des ronds dans l’eau.

Le mathématicien Thom 41 , dont une partie des travaux s’inscrit dans cette tradition platonicienne, précise dans un entretien conduit par Nimier (1989), que les mathématiques constituent un langage théorique universel et qu’il n’y a de théorisation que mathématique. Pour lui, les mathématiques ont une réalité objective, une existence propre indépendante de la connaissance que nous en avons. Pour Thom, les mathématiques constituent une voie d’accès à la réalité, dans la mesure où, dans le domaine des sciences, les mots du langage ne sauraient suffire à exprimer des concepts servant à élaborer une théorie universelle ; ce sont les mathématiques et les lois qui les composent qui sont les seules voies rigoureuses d’accès à une pensée ayant une validité universelle. Il affirme que La Science moderne a eu tort de renoncer à toute ontologie en ramenant tout critère de vérité au succès pragmatique. Certes, le succès pragmatique est une source de prégnance, donc de signification. Mais il s’agit alors d’un sens immédiat, purement local. Le pragmatisme - en ce sens - n’est guère que la forme conceptualisée d’un certain retour à l’animalité (Thom, 1988).

Selon Régnier (1994) l’approche basée sur la théorisation conçoit les mathématiques comme se développant selon un processus qui part de l’expérience (exemples : le tracé malhabile de la droite ou bien les ronds dans l’eau), s’en abstrait pour y revenir ensuite.

D’ailleurs, pour les platoniciens, un problème mathématique porte sur des objets idéaux (exemple : la droite idéale) ; lors de la résolution, la démonstration préside à la démarche de validation, éliminant ainsi le recours à l’expérience et valorisant au contraire l’utilisation de règles internes bien établies.

Notes
41.

Le parcours de René Thom est celui des plus grands mathématiciens du 20ème siècle. Normalien, membre de l'IHES, médaillé Fields, il est le père fondateur d'une branche entière des mathématiques modernes: « La théorie du chaos ». Sa carrière est cependant atypique, après avoir construit une oeuvre mathématique considérable, il s'est consacré avec succès à la philosophie. Il a fait partie de ces rares mathématiciens à avoir cherché à appliquer leur savoir à d'autres sciences.