3.1.4.2. Concept de contrat didactique : seconde définition

La seconde période, qui débute vers 1984, marque une certaine distanciation avec la définition précédente du contrat didactique, puisqu’il n’est plus question de bons, ou de mauvais (…) contrats. Le contrat didactique constitue désormais un concept au service de la didactique fondamentale pour analyser les phénomènes de négociation, d’émergence, de dysfonctionnement (…) du sens dans les situations didactiques (Sarrazy, 1995).

Dans sa thèse, Brousseau (1986a) explicite ce concept grâce à l’analyse du cas de Gaël, un élève de huit ans et demi, redoublant son CE1, auquel un intervenant demande de résoudre successivement des problèmes dans le cadre de huit interventions didactiques cliniques échelonnées entre 1976 et 1983.

Dès la première séance, l’intervenant constate que l’élève Gaël répond à ses questions en évoquant l’autorité pédagogique de son enseignante. Par exemple lors de la reprise d’un problème (Figure 21) qu’il n’était pas parvenu à résoudre en classe la semaine précédente, Gaël, après avoir réfléchi, répond à l’intervenant : Je vais faire comme j’ai appris avec la maîtresse. Il pose alors en colonne l’opération 57 + 24 et trouve 81. Notons qu’il avait adopté strictement la même démarche de résolution en classe la semaine précédente. Autrement dit, cet élève est complètement assujetti aux discours et aux souhaits de son enseignante.

Figure 21 : Problème proposé à Gaël lors de la première séance (Brousseau, Warfield, 1999, p.5)
Figure 21 : Problème proposé à Gaël lors de la première séance (Brousseau, Warfield, 1999, p.5)

Répondant ensuite à la consigne de l’intervenant, Gaël dessine les voitures. Mais après plusieurs sollicitations de recours au dessin pour fournir la réponse au problème, Gaël ne pense qu’à recourir à une opération et pose l’addition 24 + 33 = 57. Cependant, il dit ne pas pouvoir répondre à la question de l’énoncé. Pour Gaël, habitué à effectuer et à poser des calculs lors de la résolution de problèmes, seul le résultat d’une opération peut fournir la réponse au problème posé. L’étude du cas de Gaël fournit à Brousseau maints exemples de ce type d’obstacles dans la résolution de problèmes. Souvent, en plus des consignes, l’intervenant doit avoir recours à l’utilisation de matériel, à la mise en place de jeux. Par exemple, dans le cas du problème où, étant donnés un nombre total de jetons (des ronds et des triangles) et un nombre de triangles, Gaël doit trouver le nombre de ronds, l’intervenant propose un jeu prenant la forme de devinettes, organise des tirages dans un sac, déclare : Il y a un truc… mais il faut le trouver. Tout le travail de l’intervenant a alors consisté à amener Gaël à rompre avec sa conception d’une situation didactique et à lui faire accepter de s’engager, lui, élève Gaël, dans le problème qui lui était donné.