3.2.2. La didactique expérimentale des mathématiques selon Glaeser

Nous examinerons successivement selon Glaeser la définition de la didactique expérimentale des mathématiques, la finalité de l’enseignement des mathématiques, la place de l’heuristique et enfin la distinction entre problème et exercice.

3.2.2.1. De la didactique des mathématiques à la didactique expérimentale des mathématiques

Pour Glaeser, la didactique d’une discipline étudie les mécanismes d’appropriation des habitudes intellectuelles et des savoirs par des étudiants 58 de tous niveaux, au sein de l’institution scolaire ou à l’extérieur et cette étude doit s’appuyer obligatoirement sur l’observation sur le terrain. Ce postulat est tellement prégnant chez Glaeser qu’il dénonce à plusieurs reprises la pédagogie des ministères qui selon lui se borne à dicter aux enseignants, depuis une administration centrale dans un bureau, une conduite à tenir dans les classes en présence des élèves. Notons cependant que de nos jours ce point de vue mérite d’être largement nuancé : les documents d’application et d’accompagnement des programmes sont émaillés de situations issues de pratiques de terrain. Les rapports de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale s’appuient, comme en atteste l’extrait ci-après (IGEN, 2006), sur des visites de classes au cours desquelles les inspecteurs généraux observent puis analysent des séquences de mathématiques avec les enseignants concernés.

L’étude de l’inspection générale a pour objectif de cerner la réalité de l’enseignement des mathématiques au cycle 3 de l’école primaire et d’apprécier la mise en place des programmes dans ce domaine. Elle s’est fondée essentiellement sur des observations concrètes dans quelque cent vingt classes du cycle des approfondissements (cycle 3) réparties sur l’ensemble du territoire, des entretiens avec des maîtres exerçant à ce niveau et rencontrés sur leur lieu d’exercice, l’examen de travaux d’élèves des classes visitées. Sans avoir constitué un échantillon représentatif des classes françaises, on peut néanmoins affirmer que l’étude donne une vision de l’enseignement proche de la réalité dans sa diversité : classes rurales, rurbaines, urbaines ; classes à un seul cours ou à plusieurs ; classes tenues par des maîtres jeunes ou chevronnés. L’académie de Reims et le département de l’Essonne ont donné lieu à des observations plus denses puisque respectivement quarante et trente visites y ont été effectuées (IGEN, 2006).

C’est en militant pour une didactique des mathématiques basée sur une observation de terrain que Glaeser fonde la didactique expérimentale des mathématiques en précisant toutefois que cette expression doit être considérée au sens large dans la mesure où les expériences ne sont pas conduites dans un laboratoire, mais au sein d’une classe. Cette réserve atteste entre autres de la rigueur intellectuelle dont a toujours fait preuve Glaeser qui, d’ailleurs, conseillait à ses étudiants pour leur éviter toute dérive, l’examen approfondi de l’Introduction à la Médecine Expérimentale (Bernard, 1865). Pluvinage (in Glaeser, 1999, p. 13) témoigne de la rigueur de son maître, rigueur que l’on retrouve d’ailleurs dans le souci de Glaeser de faire de ces recherches en didactique, quand bien même elles ne se dérouleraient pas en laboratoire, de véritables recherches scientifiques. Par exemple, Glaeser affiche (i) l’importance de déterminer des variables didactiques dans toute recherche relevant de la didactique expérimentale et (ii) la nécessité de comparer des situations presque identiques ne variant que sur quelques paramètres. S’appuyant sur les travaux de Fisher (1979) et de Esfahani (in Glaeser, 1999, p. 101), il montre l’intérêt qu’il porte à la nécessité de déterminer les différents seuils qui balisent un apprentissage de longue durée.

Comme pour toute recherche scientifique, Glaeser a développé et mis en application l’idée de communication des travaux réalisés. À travers l’extension prise par la bibliothèque de l’IREM de Strasbourg au cours des années où il y a travaillé, à travers sa ténacité pour obtenir la création d’un troisième cycle universitaire en didactique des mathématiques, on peut mesurer le souci de Glaeser de diffuser le savoir et son incitation à prendre appui sur des réflexions déjà entreprises, restant ainsi fidèle au titre donné à la préface de son ouvrage Mathématiques pour l’élève-professeur: Pour une pédagogie de la communication et de l’action (Glaeser, 1971).

C’est d’ailleurs en suivant cette logique de transmission de travaux et de développement d’une pédagogie de l’action que Régnier (1980, 1983), élève de Glaeser, a conduit des recherches s’intéressant respectivement à l’élaboration d’un livret autocorrectif et à l’usage d’un test autocorrectif en trigonométrie.

Notes
58.

Glaeser désigne par étudiant toute personne qui étudie, quel que soit son âge.