Glaeser place au cœur de la didactique des mathématiques l’heuristique 61 qu’il définit comme étude des phénomènes de compréhension. Il distingue cependant deux types d’heuristique :
(i) L’une dite normative, qui peut être illustrée par les travaux de Polya. L’heuristique normative a pour objet de donner des conseils aux élèves en vue de les aider à résoudre des problèmes.
(ii) L’autre dite descriptive que Glaeser place au cœur de la didactique expérimentale et qu’il décrit comme étant l’étude des démarches spontanées efficaces ou non conduites par une personne confrontée à un problème. De par la présence de ce tâtonnement inhérent à cette définition, Glaeser oppose l’heuristique descriptive à l’algorithmique, la première laissant la place à l’imprévu, à la création, au doute et caractérisant la recherche de solution à un problème, la seconde correspondant à l’exécution de tâches algorithmiques.
C’est en puisant dans l’histoire de l’enseignement des mathématiques que Glaeser aborde la question de la place de l’heuristique. En prenant exemple d’enseignement novateur pour l’époque 62 , celui donné par Clairault à son élève la Marquise du Châtelet, Glaeser (1999, p. 54) montre à quel point cet enseignement ne peut être qu’en partie qualifié d’heuristique ; en effet, Clairaut qui base son enseignement des mathématiques sur la résolution de problèmes, ne laisse pas son élève trop longtemps démunie de la solution qu’il finit par lui donner sous une forme magistrale réduisant ainsi à néant la part d’heuristique de l’élève. Glaeser pointe là tout le paradoxe entre le projet initial qui consiste à donner des problèmes à résoudre et la mise en situation qui n’offre pas la possibilité aux individus de les résoudre.
Néanmoins, Glaeser relève une dimension heuristique dans cet enseignement qui se voulait reposer sur la résolution de problèmes. En effet, Clairaut n’expose pas LA solution du problème mais envisage plusieurs cheminements de pensée possibles. Il désigne par enseignement à la Clairaut un enseignement qui n’a d’heuristique que celle que l’enseignant fait sienne, opposant ainsi son attitude de recherche active à la passivité de ses élèves. Ce procédé préconisé par l’Inspecteur Général Blutel au début du 19ème siècle et nommé de manière inappropriée méthode de redécouverte a été longuement en vigueur dans les classes. Ce que revendique Glaeser, ce n’est en aucun cas un enseignement de cette forme. Il souhaite que des problèmes soient proposés aux élèves et que ce soient les élèves qui les résolvent.
Le rôle de l’enseignant est, selon Glaeser, un rôle d’éveilleur, de provocateur qui consiste à placer les élèves dans des situations d’inconfort intellectuel les conduisant à des questionnements. Nous rapprochons ce point de vue de celui développé par Legrand (1960, p. 127) à propos de la pédagogie de l’étonnement :
C’est la culture de l’étonnement chez l’enfant qui pourra seule entretenir et enrichir une ouverture intellectuelle indispensable à tous progrès ultérieurs (Legrand, 1960, p. 127).
Heuristique : art de trouver (Rey, 1995, p. 960)
Première moitié du 18ème siècle.