4.2.1. La théorie du schéma

Selon Kintsch et Greeno (1985), un schéma est un ensemble de connaissances abstraites pouvant être définies comme les traces laissées en mémoire par les situations rencontrées précédemment et organisées en objet structuré ayant un certain nombre de propriétés caractéristiques.

Ainsi, un sujet dégagerait les invariants propres à chaque catégorie de problèmes ; il constituerait alors des blocs de connaissances correspondant à chaque structure puis ces blocs ou schémas seraient ensuite stockés en mémoire à long terme ; ils comporteraient un certain nombre de places vides. Quand le sujet se trouve face à un problème à résoudre, il lui associerait le schéma correspondant qu’il rappellerait en mémoire de travail puis il instancierait les places vides avec les informations fournies par l’énoncé du problème.

Le schéma s’enrichirait au fur et à mesure que le sujet rencontrerait différentes situations et qu’il dégagerait des invariants spécifiques à chaque catégorie de problème.

En résumé, les schémas de problèmes seraient conçus comme des guides à l'encodage des données et au déclenchement des procédures de traitement permettant d'expliquer le déroulement plus ou moins efficace d'un ensemble de procédures dirigées vers un but (Fayol, 1992).

Fayol, Thévenot, Devidal (2005) s’appuient sur cette définition pour décrire les processus inhérents à la résolution de problèmes.

Les problèmes sont ainsi résolus grâce à la construction d’un ensemble de micro-schémas, chacun représentant un état du problème, puis à la coordination de ces différents schémas en fonction de schémas d’ordre supérieur correspondant aux schémas de problèmes décrits par Riley et al. (1983). Les places à instancier dans les micro-schémas correspondraient aux objets, quantités, spécifications et rôles propres à l’énoncé du problème. La nature du schéma d’ordre supérieur à mobiliser serait déterminée par la présence d’indices particuliers dans le texte du problème tels que des expressions linguistiques (Fayol, Thévenot, Devidal, 2005).

Ces trois auteurs illustrent cette mobilisation de schémas en donnant l’exemple du problème suivant : Jean a 3 billes, Tom a 5 billes. Combien Jean et Tom ont-ils de billes ensemble ? Le premier micro-schéma serait ainsi constitué par la nature des objets billes, la quantité 3, la spécification Jean  et le second micro-schéma par la nature des objets billes, la quantité 5, la spécification Tom. La lecture de la question et plus précisément du terme ensemble guiderait alors le sujet vers le schéma Combinaison à instancier. C’est l’instanciation de ce schéma de relation de type réunion de deux parties formant un tout qui conduirait à l’addition des deux termes et à la résolution du problème.

Ainsi, un schéma intègre les connaissances lexicales et notionnelles dont le sujet disposera ou non en mémoire à long terme pour se construire une représentation de la situation décrite dans l'énoncé (Caillot, 1984, Escarabajal, 1984). Pour Escarabajal le schéma est comme un ensemble de variables ou « places », reliées entre elles par des opérations ou des relations. C’est un réseau relationnel qui décrit, à un moment donné, une connaissance logico-mathématique de l’enfant.

Le schéma n'est donc pas seulement un paquet d'informations en mémoire. Dès lors qu'il contient les plans pour traiter les informations qui relèvent de son domaine d'intervention, il est aussi une structure opératoire. Les schémas de problèmes seraient conçus comme des guides à l'encodage des données et au déclenchement des procédures de traitement permettant d'expliquer le déroulement plus ou moins efficace d'un ensemble de procédures dirigées vers un but (Fayol et al. 1987 in Fayol, Thévenot, Devidal, 2005).

Le sujet comprendra d'autant mieux le problème qu'il parviendra à se représenter le plus vite possible la situation décrite. D’autres études ont été réalisées en relation avec la théorie des schémas. Les travaux de Fayol et Abdi (1986), Devidal (1996) ; Devidal, Fayol et Barrouillet, (1997) ont traité de l’effet du placement de la question au sein d’un énoncé de problème (placement de la question en début d’énoncé vs placement de la question en fin d’énoncé); les résultats attestent que le placement de la question en début d’énoncé facilite la résolution : tous les enfants de 10 ans, y compris ceux étant considérés comme faibles en mathématiques ou en lecture, réussissent mieux dans cette condition. Le placement de la question en tête d'énoncé permettrait au sujet d'activer précocement le schéma de résolution associé à la structure du problème. Les sujets pourraient ainsi intégrer les données de l'énoncé au cadre du schéma et effectuer les calculs au cours de la lecture, allégeant ainsi la charge cognitive en mémoire de travail, d'où l'amélioration des performances, y compris pour les élèves les plus faibles. Les psychologues de ce courant utilisent l’expression up-down pour exprimer ce traitement dirigé par le concept en direction des données.

En revanche, si l’on considère les problèmes complexes 79 , Devidal (1996) montre que des sujets de dix ans obtiennent de faibles performances à leur résolution, et ce, en dépit du placement de la question en début d’énoncé. Il interprète ces résultats par l’absence de schémas correspondant à la structure des problèmes. Ainsi, les sujets ne disposent pas d’un cadre pour guider le traitement et la compréhension des énoncés. Ils sont alors sous la dépendance de critères de surface et leurs réponses semblent découler de l’activation de schémas correspondant à des problèmes plus simples (Devidal, 1996).

En résumé, la résolution d'un problème serait facilitée dès lors que le sujet pourrait activer en mémoire à long terme la représentation pertinente et les connaissances associées. Cette représentation mentale nommée schéma guiderait l’encodage des données et activerait ensuite les procédures de résolution du problème.

Tout ceci ne vaut bien sûr que si le schéma existe. Si aucun schéma correspondant à la situation donnée n’est disponible en mémoire à long terme, le sujet doit alors utiliser la mémoire de travail pour élaborer la représentation de la situation.

Il est nécessaire d’envisager ce qui se passe lorsque aucun schéma n'est disponible pour traiter un problème particulier.

Notes
79.

On peut considérer comme problèmes complexes des problèmes dont la résolution nécessite l’activation successive de plusieurs schémas.