4.2.3.6. Le couple schème-situation pour analyser l’activité de l’enseignant

Vergnaud considère que le couple schème-situation peut être utilisé dans le domaine de la didactique professionnelle des adultes. Il emprunte plusieurs exemples (2001) à des domaines professionnels extérieurs au monde enseignant pour montrer l’expertise professionnelle et l’usage de concepts très pragmatiques. Il cite par exemple le réparateur de pompes à eau qui travaille au sein d’une entreprise et qui est subitement hospitalisé. Pendant son absence, une catégorie de pompes à eau tombe en panne. Or, malgré de nombreuses explications fournies par ses soins à ses collègues, la réparation échoue, lui seul parvient à effectuer la réparation à son retour. Vergnaud cite aussi l’exemple du tailleur de vigne et celui du porcher qui, chacun dans leur domaine, tout comme le réparateur de pompes à eau, ne parviennent pas à mettre en mots les connaissances qu’ils utilisent pourtant dans l’action.

Vergnaud, à travers d’autres exemples empruntés aux pilotes d’avions ou aux ingénieurs concepteurs de lanceurs spatiaux Ariane, montre que ce décalage entre forme opératoire et forme prédicative de la connaissance n’est pas réservé à des catégories socioprofessionnelles que l’on pourrait considérer comme peu qualifiées. En effet, près de 180 ingénieurs experts ayant dix voire quinze années d’expérience sur la conception des lanceurs spatiaux et auxquels on demande d’écrire des guides méthodologiques ne donnent souvent qu’une vision très réductrice et très linéaire de leur activité pourtant basée sur une arborescence qu’ils maîtrisent parfaitement : telle condition X implique telle action A, telle condition Y implique telle action B, etc.

Ainsi, selon Vergnaud (2001), la forme opératoire de la connaissance, celle qui permet d’agir en situation, est à privilégier par rapport à la forme prédicative de la connaissance, celle qui prend la forme de textes, d’énoncés, de traités ou de manuels.

S’agissant de la construction des concepts, nous nous référons aussi à une autre approche, celle des représentations sémiotiques évoquées par Brun (1994) :

Si l’on suit le fonctionnement des schèmes au fur et à mesure du développement de l’enfant, l’apparition de la fonction sémiotique à un moment donné de ce développement fournit des éléments nouveaux à ce fonctionnement ; ce sont les représentations du type sémiotique. Les sujets peuvent s’appuyer sur des signifiants qu’ils peuvent distinguer des signifiés. Les représentations sémiotiques jouent donc un rôle éminemment fonctionnel, même si elles restent subordonnées aux opérations (Brun, 1994, p. 75).