Duval considère que l’apprentissage des mathématiques soulève des difficultés de compréhension que l’on ne retrouve pas pour les autres disciplines (Duval, 2005). Les mathématiques constituent une science à part dans laquelle les objets, par exemple les nombres, ne sont pas des objets directement accessibles par la perception ou observables à l’aide d’instruments (Duval, 2001). Ils sont représentés par une écriture, une notation, un symbole, un tracé, une figure, autrement dit par des productions constituées par l’emploi de signes appartenant à un système de représentation qui a ses contraintes propres de signifiance et de fonctionnement et que Duval (1993) nomme représentations sémiotiques.
Mais Duval insiste sur le fait que les objets mathématiques ne doivent pas être confondus avec les représentations qui en sont faites. Étant donné que l’accès aux objets mathématiques s’effectue par les représentations sémiotiques, ces dernières jouent un rôle fondamental dans le processus de compréhension qui permet d'accéder aux objets mathématiques. Il fonde son approche théorique sur le rôle essentiel joué par les relations étroites entre la sémiosis et la noésis dans la construction des concepts mathématiques.
Si on appelle sémiosis l’appréhension ou la production d’une représentation sémiotique, et noésis les actes cognitifs comme l’appréhension conceptuelle d’un objet… l’analyse des problèmes de l’apprentissage des mathématiques et des obstacles auxquels les élèves se heurtent régulièrement conduit à reconnaître derrière la seconde hypothèse une loi fondamentale du fonctionnement cognitif de la pensée : il n’y a pas de noésis sans sémiosis, c’est-à-dire sans le recours à une pluralité au moins potentielle de systèmes sémiotiques, recours qui implique leur coordination pour le sujet lui-même (Duval, 1995, pp. 2-5).
Pour Duval (1996), les représentations sémiotiques sont des représentations dont la production ne peut se faire sans la mobilisation d'un système sémiotique : ainsi les représentations sémiotiques peuvent-elles être des productions discursives (en langue maternelle 84 , en langue formelle) ou non discursives (figures, graphiques, schémas, …).
Duval (2000) utilise un montage photographié intitulé Une et trois chaises (Kosuth, 1965) pour exemplifier la complexité des représentations sémiotiques en mathématiques.
Sur ce montage (Figure 32), on peut distinguer de gauche à droite, la photographie d’une chaise, puis la chaise contre un mur blanc, et enfin une page reproduisant la définition du mot chaise. La chaise qui constitue l’objet est représentée par une photographie qui constitue l’image de la chaise, et par une définition extraite d’un dictionnaire qui en est la description verbale. L’image et la description verbale sont deux représentations sémiotiques de la chaise. Différentes représentations correspondent ainsi à un même objet.
S’agissant des mathématiques, la particularité réside à la fois dans la diversité des représentations sémiotiques et dans l’inaccessibilité des objets. Par exemple, si on considère le nombre 4, on peut distinguer différents types de représentations sémiotiques : une configuration de points (), une succession de chiffres (4 dans le système décimal ; 100 dans le système binaire ; 36/9 pour l’écriture fractionnaire, …).
Duval classe les différentes représentations dans des registres, ce que nous allons aborder dans le paragraphe suivant.
La langue maternelle est le premier système de représentation sémiotique, d’un point de vue génétique et social (Benveniste, 1974).