4.3.2.1. Forme stéréotypée et épurée des énoncés.

Selon Nesher (1980), les énoncés de problèmes proposés à l’école élémentaire présentent souvent une forme épurée et un caractère stéréotypé qui les placent en retrait des situations de la vie quotidienne. Nesher illustre ses propos par l’exemple suivant : Combien coûtera la mise en place d'une clôture autour de la piscine de M. Smith ?, qui a été transformé en un problème numérique tel qu’on en trouve dans les manuels scolaires : La piscine de M. Smith mesure 12 m de long sur 8 m de large. M. Smith veut installer une clôture en bois autour de la piscine en laissant une allée de 2m de large tout autour de la piscine. A combien reviendra la clôture si un mètre de clôture revient à …. (le prix incluant tous les matériaux et la main d'œuvre).

Elle constate que l'auteur de l'énoncé scolaire a déjà opéré tous les choix incombant initialement à M. Smith : dimensions de la piscine, largeur de l'allée, … De ce fait, les élèves confrontés à cet énoncé se retrouvent face à une situation strictement balisée de repères.

Ainsi, au lieu d’être incités à conduire des investigations en relation avec plusieurs types de décisions qualitatives complexes, les élèves sont placés directement dans une phase plus avancée de traitement de la situation, où toutes les décisions qualitatives ont déjà été prises. Nesher précise que les énoncés de problèmes correspondent véritablement à un type de texte particulier et que les problèmes scolaires qu’elle nomme SCH-PROB (school-problems) sont faits pour enseigner l’arithmétique appliquée et non pour résoudre des questions de la vie quotidienne, qu’elle désigne par REAL-PROB (real-problems).

Plusieurs chercheurs ont mis en évidence cette distinction entre les problèmes scolaires et les problèmes de la vie quotidienne, distinction liée en grande partie à l’aspect stylistique des premiers : en demandant à des élèves de 8 ans d’écrire des énoncés ou des questions, il a été établi que leurs productions étaient de type SCH-PROB et non REAL-PROB et que les élèves connaissaient les caractéristiques de ce type spécifique de texte qu’est l’énoncé de problème scolaire (Sensevy, 1996 ; Coquin-Viennot, 1996, 2000). La réponse de Johnny (un élève britannique de 2nd grade) à qui on demande d'écrire une histoire correspondant à l'énoncé mathématique suivant 1+6=7 et qui répond par Maman a acheté un fer à repasser puis elle a acheté six fers à repasser en plus. Maintenant elle a sept fers à repasser. (Nesher, 1980) ou celle d’un autre élève Dans une bouteille de limonade, il y a 500 bulles. Des bulles sont plus petites que les autres…. (Sensevy, 1996) suggèrent que les élèves considèrent un énoncé de problème comme un texte déconnecté de la vie quotidienne. Le phénomène bien connu du problème de l’âge du capitaine 90 (Baruk, 1985) pour lequel les élèves additionnent les données numériques sans se préoccuper ni de leur relation avec la question, ni de la pertinence de la réponse, exemplifie encore cette déconnexion avec le monde réel, lors de l’activité de résolution de problèmes à énoncés verbaux. D’autres travaux montrent que, pour des questions ne conduisant pas à l’utilisation de toutes les données numériques fournies dans l’énoncé, de nombreux élèves répondent à une autre question non présente dans l’énoncé, et qui elle, fait intervenir toutes les données numériques (Coquin-Viennot, 2001). Ces productions viennent conforter l’idée de Nesher (1980) que les réponses fournies par les élèves ne peuvent avoir été apprises à travers l'expérience de la vie et constituent un pur produit de l'enseignement et qu'ainsi les problèmes proposés à l'école ne ressemblent pas aux situations de la vie quotidienne.

Notes
90.

Problème auquel nous avons déjà fait référence dans le chapitre réservé à la didactique des mathématiques et aux effets du contrat didactique.