Tous les trois ans, depuis l’année 2000, le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA 106 ) placé sous l’égide de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) évalue les compétences des élèves de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences. La classe d’âge visée est celle qui correspond à la fin de la scolarité obligatoire dans la plupart des pays de l’OCDE.
Compte tenu de la thématique de nos travaux, nous analyserons ici plus en détail les résultats obtenus à PISA 2003, davantage centré sur les mathématiques, tandis qu’en 2000 ce programme était plus focalisé sur la lecture et, en 2006, sur les sciences.
PISA 2003 a concerné 5000 collégiens et lycéens âgés de 15 ans et provenant de 41 pays parmi lesquels 30 de l’OCDE. En France, la population évaluée est en majeure partie issue des classes de seconde générale ou technologique et de troisième, de 183 établissements scolaires accueillant des élèves de 15 ans.
PISA 2003 a attribué un score sur chacune des quatre échelles d’évaluation : Culture mathématique, Compréhension de l’écrit, Culture scientifique, Résolution de problèmes.
L’objectif de ce programme international PISA n’est pas de mesurer le degré d’assimilation d’une matière spécifique du programme d’enseignement, mais d’évaluer dans quelle mesure les jeunes de 15 ans sont préparés à relever les défis de la société de la connaissance, c’est-à-dire à exploiter leurs savoirs et savoir-faire pour affronter les défis de la vie quotidienne (OCDE, 2004).
La Culture mathématique, définie dans PISA 2003 comme étant l’aptitude d’un individu à identifier et comprendre le rôle des mathématiques dans le monde, à porter des jugements fondés à leur propos, et à s’engager dans des activités mathématiques en fonction des exigences de sa vie, en tant que citoyen constructif, impliqué et réfléchi, revendique une place centrale dans cette évaluation. Découpée en contenus, elle est évaluée dans quatre champs Espace et formes, Variations et relations, Quantité et Incertitude laissant ainsi de côté l’algèbre, le calcul littéral, le raisonnement déductif, la trigonométrie (angles) et les objets géométriques, pourtant considérés comme essentiels dans l’apprentissage des mathématiques dans notre pays. En compartimentant ainsi l’évaluation, ne risque-t-on pas d’assimiler la Culture mathématique à l’utilitarisme dénoncé par Kahane (2002, p. 13) et qui consiste à donner des recettes au lieu de contribuer à la formation de l’esprit, à renoncer à l’universalité des mathématiques, à les diviser selon la nature actuelle de leurs applications sans souci de leurs applications possibles ?
La résolution de problèmes a été introduite dans PISA pour la première fois en 2003 en vue d’évaluer, à partir de situations concrètes, la capacité des élèves à prendre en compte des contraintes spécifiques, à trier et à organiser logiquement des données. Il s’agit de résoudre des problèmes qui ne relèvent pas de branches spécifiques du programme d’enseignement en cours. Ainsi, les situations proposées dans ces évaluations de Résolution de problèmes impliquent moins de connaissances scolaires que les autres domaines de PISA 2003 et accordent une place plus importante aux processus : comprendre les problèmes, les représenter, les résoudre, communiquer leur solution, et ce, tout en incitant à porter un regard sur la résolution engagée.
En raison de leur large champ d’application et de la possibilité de les situer dans différents contextes, trois types de problèmes ont été retenus : (i) prise de décision, (ii) conception et analyse de systèmes, (iii) traitement de dysfonctionnements. Les caractéristiques propres à chacun de ces trois types (Annexe 8) ont permis d’établir une échelle à 4 niveaux de compétences en résolution de problèmes (Tableau 6).
Si l’on compare la moyenne des performances de la France à la moyenne internationale de celles des 30 pays de l’OCDE, arbitrairement fixée à 500 points, on relève que dans le domaine de la résolution de problèmes, les résultats de la France (519 points) se situent au-dessus de la moyenne internationale mais cependant en deçà des résultats de la Finlande (548 points) (Graphique 1). En termes de classement, la France arrive en 10ème position pour la résolution de problèmes. Qui plus est, c’est cependant dans ce domaine qu’elle obtient ses meilleures performances.
S’agissant du domaine de la Culture mathématique évaluée, on retrouve pour la France le même ordre de performances (511 points pour la France vs 544 points pour la Finlande) (Graphique 2), que pour le domaine de la résolution de problèmes (519 points pour la France vs 548 points pour la Finlande) (Graphique 1).
Une étude complémentaire mise en place par la Direction de l’Évaluation et de la Prospective (DEP, 2004) a nuancé ces premiers résultats. Elle a révélé les écarts importants entre les élèves à l’heure, autrement dit n’ayant jamais redoublé, et les élèves ayant un ou deux ans de retard dans leur scolarité (Graphique 3).
En effet, les élèves français à l’heure à 15 ans, scolarisés en classe de Seconde générale et technologique obtiennent un score de 564 alors que celui des élèves français ayant un an de retard et scolarisés à 15 ans en classe de Troisième générale est de 467 et celui des élèves scolarisés en Quatrième n’est que de 401, ce qui représente respectivement des écarts négatifs de 100 et de 150 points par rapport aux élèves à l’heure. On relève ainsi des écarts importants entre les élèves en fonction de leur parcours scolaire.
Les résultats de l’étude PISA 2003 qui ont révélé des écarts entre la France et la Finlande au bénéfice de cette dernière ont donné lieu à des échanges notamment sous la forme d’un colloque 107 franco-finlandais réunissant des représentants de la Société Mathématique de France (SMF) et de la Société Mathématique Finlandaise. Il s’agissait d’analyser les résultats et les types d’enseignements dispensés dans ces deux pays. Selon Bodin (2005) et les interprétations qui ont émergé de ces échanges de spécialistes, la supériorité des élèves finlandais par rapport aux élèves français pour ces épreuves PISA 2003 de mathématiques ne fait aucun doute. Cependant il convient de s’interroger sur l’amplitude des différences et sur les types de scolarisation de ces élèves tous âgés de 15 ans dans chacun des pays concernés.
Toutefois cette enquête PISA se limite à l’évaluation des compétences jugées essentielles par l’OCDE pour la vie ordinaire de tout élève de 15 ans et la formation générale du citoyen. Elle ne prétend pas évaluer les compétences générales des élèves en mathématiques et il nous paraîtrait réducteur de porter un jugement sur l’enseignement des mathématiques en France au regard de cette seule enquête.
D’après l’analyse effectuée par Bodin (2005), les élèves français éprouveraient quelques difficultés à mobiliser leurs connaissances mathématiques dès lors que les situations d’utilisation différeraient des situations d’apprentissage. Ils manqueraient d’autonomie pour adapter à des situations nouvelles les connaissances préalablement acquises, tandis qu’ils afficheraient des performances supérieures à leurs homologues finlandais pour des items plus abstraits et plus formels. Les difficultés rencontrées en France par les élèves présentant un ou deux ans de retard scolaire ont également été pointées lors de ce colloque franco-finlandais. En effet, si on considère une échelle graduée de 1 à 6, 17% des jeunes français de 15 ans vs 7% des jeunes finlandais du même âge se situent dans la catégorie 1 (la plus faible), tandis que, au niveau 6, soit à l’autre extrémité de l’échelle, la différence entre les deux pays est nettement moindre. En effet, 3% des jeunes français atteignent ce niveau vs 7% des jeunes finlandais. Tandis que nombre de médias se sont emparés de cette différence de performances entre la France et la Finlande, il convient de s’interroger sur les risques que présenterait une adaptation de nos programmes d’enseignement à des épreuves du type PISA. En effet, rappelons que cette enquête se limite à évaluer les savoirs et savoir-faire nécessaires pour aborder les défis de la vie quotidienne et qu’elle ne prend pas en compte l’aspect formel des connaissances mathématiques. Il nous semble falloir dépasser désormais la simple dialectique d’un enseignement de connaissances formelles et de celui de connaissances pratiques, telle que nous l’avons pointée en première partie de cette thèse à propos de l’historique des programmes d’enseignement des mathématiques.
Ne s’agit-il pas, plutôt, de définir un enseignement visant à la fois (i) à développer chez tous les élèves des compétences mathématiques utiles chez le citoyen d’aujourd’hui et de demain et (ii) à ouvrir pour le plus grand nombre d’entre eux, la voie à l’abstraction, à la symbolisation, à l’imagination, à la rigueur, contribuant ainsi à la formation générale de l’esprit ?
L’évaluation PISA 2006, étendue 108 à 15 pays de plus qu’en 2003, a été basée sur les trois domaines évalués lors des éditions précédentes : compréhension de l’écrit, culture mathématique 109 et culture scientifique ; il revenait cette fois-ci à la culture scientifique d’être placée au centre de l’évaluation.
Le principe de l’évaluation de la culture mathématique est resté le même qu’en 2000 et 2003 : mesurer la capacité des élèves à mettre en œuvre leurs acquis mathématiques pour résoudre des exercices liés à la vie quotidienne ou, en référence au socle commun de connaissances et de compétences être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches ou des situations complexes (Ministère Éducation nationale, 2008).
La culture mathématique a été évaluée à partir de la passation de 48 items extraits des 84 passés en 2003, quand ce domaine était majeur. Alors que la moyenne de la France (511) se situait en 2003 de façon significative au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE (500), elle marque en 2006 une baisse de 15 points (496 points pour la France vs 498 points pour l’OCDE) la faisant passer en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE.
Cette baisse est qualifiée de préoccupante (Ministère Éducation nationale, 2008). En 2006, les baisses les plus importantes ont été repérées parmi les items dont l’énoncé est un texte long et dense ou demandant une production écrite ; ce type d’énoncé de problème semble contraster avec ceux proposés habituellement aux élèves français.
Cette association de difficultés entre la compréhension de l’écrit et la résolution de situations de mathématiques rappelle plusieurs travaux. On peut voir, par exemple, une similitude avec les travaux effectués par Pluvinage et Mallier (1998) à partir des performances aux évaluations nationales de début de 6ème de septembre 1996 et de septembre 1997. Selon ces auteurs, les élèves repérés comme étant les plus en difficultés en français et en mathématiques sont ceux pour lesquels les activités d’encodage et de décodage entre écrit et oral demandent un véritable effort, autrement dit, il convient d’attribuer une part des difficultés rencontrées en mathématiques aux lacunes pointées en lecture. Pluvinage et Mallier relevaient aussi que ce n’est pas le niveau moyen de l’ensemble des élèves qui baisse, mais que c’est plutôt le nombre d’enfants en grande difficulté de lecture qui augmente. Ceci nous ramène aux études citées en partie 1 et relatives aux effets de l’impact des caractéristiques des problèmes et de leurs énoncés sur les performances des élèves à résoudre les problèmes. Il convient donc d’accorder une importance toute particulière aux processus liés à la compréhension de l’écrit pour comprendre l’énoncé des problèmes mathématiques.
PISA : .
Ce colloque s’est tenu à Paris du 6 au 8 octobre 2005.
57 pays participants dont 30 de l’OCDE, soit 15 pays de plus qu’en 2003.
La traduction culture mathématique de est peu satisfaisante du fait qu’elle pourrait laisser penser à l’évaluation d’une culture en termes de savoirs notamment.