2.2.4.5 Discussion

Les données construites à propos de la résolution d’un problème numérique à partir d’une cohorte de 105 élèves observés sur 4 années du CE1 au CM2 ont été analysées finement en prenant en compte les différents degrés de performance (allant de la réussite forte à l’échec par erreur et l’échec par non-réponse), les traces écrites (brouillons) et la formulation de la réponse à la question du problème (solution).

L’analyse minutieuse de ces données révèle que la présence des traces écrites intermédiaires ne dépend pas significativement du niveau de scolarité.

Quand ces traces écrites intermédiaires apparaissent, on pourrait penser qu’elles étayent la résolution du problème et favorisent la réussite. Ce n’est pas ce qui est ressorti de notre analyse où les tableaux de contingence croisant la variable binaire Traces écrites intermédiaires (présence, absence) et la variable binaire Performance (Réussite, Non-réussite), font ressortir un lien significatif en CE2, CM1 et CM2 avec une attirance entre les modalités Présence et Non-réussite et une répulsion entre les modalités Présence et Réussite et vice-versa.

Faut-il en déduire que ces traces écrites intermédiaires ne sont pas adaptées à la résolution du problème demandé ?

L’analyse du contenu de ces traces écrites intermédiaires révèle une présence majoritaire de traces du type Opérations (75,90% en CE1, 85,88% en CE2, 82,47% en CM1 et 86,87% en CM2) qui sont en grande partie celles dont la technique opératoire a été étudiée lors de l’année de passation. Ainsi, la production d’additions est majoritaire au CE1 (55,56% vs 17,81% pour le CE2 à la deuxième place), la production de soustractions est également majoritaire au CE1 avec 23,81% suivi de près par le taux du CE2 avec 15,07% en second rang, la production de multiplications est majoritaire au CM1 avec 51,25% devant le CM2 (46,51%) et enfin la production de divisions est majoritaire au CM2 avec 31,40% devant le CM1 en second rang avec 26,25%.

Nous pouvons interpréter ce phénomène dans le cadre du contrat didactique (Brousseau, 1988a). Les élèves mobilisent avant tout ce qui est enseigné dans le moment au niveau de la classe. Face à cette tâche de résolution de problèmes, pour laquelle le contexte scolaire induit l’idée qu’il va falloir utiliser des opérations, les élèves mobilisent en priorité celles qu’ils connaissent sans prendre la distance critique nécessaire pour juger de l’adéquation du modèle mathématique mis en œuvre pour résoudre le problème. Quand un élève recourt à 87 + 10 = 97, il se met dans la situation décrite par l’âge du capitaine. Le résultat de l’opération est exact mais le modèle additif est inadapté. Il y a comme un obstacle posé par une extension abusive de l’espace de validité du modèle additif au sens de Bachelard. La connaissance de l’addition empêche de penser une autre façon d’aborder le problème et de le modéliser pour le résoudre.

L’étude des productions des élèves ayant recouru à des représentations iconiques a mis en évidence un phénomène intéressant. C’est en CE1 que la présence de traces élémentaires de type Icône est la plus fréquente. Mais une analyse plus fine a révélé que ce recours était tout particulièrement observable dans une classe (classe de l’enseignante n°4). Nous observons que, dans cette classe, sur les 11 élèves qui ont eu recours à une représentation iconique, 8 ont réussi à résoudre le problème. À ce niveau de scolarité, nous serions tentée d’y voir l’efficacité d’un mode de représentation pour le traitement de l’information utile à la résolution du problème.

Mais il y a peut-être une interprétation excessive car la réussite de résolution de problème ne peut être réduite au seul recours à la représentation iconique. Ainsi, nous observons que, dans chacune des traces écrites intermédiaires de ces élèves, apparaît le tracé des dizaines représentées par des blocs, certains renfermant l’écriture 10, d’autres renfermant un ensemble de 10 jetons dessinés.

La fréquence et l’homogénéité des représentations iconiques dans cette classe suggèrent un effet d’enseignement. Il faudrait compléter par un entretien avec l’enseignant. Le recours à des représentations iconiques en CE1 peut aussi se comprendre par le fait que les élèves disposent de moins de représentations symboliques en usage dans le champ des mathématiques.