Conclusion de la partie 2

Cette seconde partie visait, d’une part, à rendre compte de l’observation de l’état des résultats obtenus par les élèves scolarisés en France dans le domaine de la résolution de problèmes lors d’évaluations internationales ou nationales et, d’autre part, à étudier l’évolution des performances d’élèves du cycle des approfondissements de l’école française au cours de quatre années successives à partir d’une cohorte de 105 élèves.

L’enquête PISA, jugée parfois inappropriée pour comparer des cultures trop différentes, a suscité de nombreuses réactions telles que celle de Kahane (dir.) (2002). S’agissant de la résolution de problèmes, les données quantitatives de PISA 2003 révèlent des disparités entre les différents pays. Pour la France, elles indiquent une moyenne au-dessus de la moyenne internationale, mais pointent des résultats en deçà de ceux de la Finlande qui compte pourtant un nombre d’heures hebdomadaires de mathématiques inférieur au nôtre. Ces résultats ont suscité de nombreuses réactions dans la communauté des didacticiens des mathématiques et l’on peut notamment se demander si une Culture mathématique, au sens défini par Kahane (dir.) (2002), peut être évaluée à partir d’épreuves auxquelles il suffirait que les jeunes fussent entraînés. Cette infériorité des performances françaises comparées aux performances finlandaises peut être en grande partie attribuée aux élèves présentant à l’âge de quinze ans un retard dans leur parcours scolaire, traduisant à la fois la réussite de notre enseignement pour les élèves à l’heure et ses défaillances pour les élèves ayant redoublé. Le danger que constituerait une adaptation de nos programmes d’enseignement à la réussite d’enquêtes telles que PISA a été pointé par la communauté des didacticiens des mathématiques.

Les performances aux évaluations nationales de début de CE2 révèlent, quant à la résolution de problèmes verbaux, les difficultés des élèves à gérer des situations complexes et à justifier une réponse en utilisant une argumentation cohérente. Nous ne saurions nous étonner de ce résultat, étant entendu que les compétences requises pour ces évaluations sont des compétences en cours d’acquisition dont la maîtrise ne saurait constituer un objectif de fin de cycle 2. A contrario, les performances sont satisfaisantes quand la tâche demandée renvoie à des relations préconstruites ou à l’utilisation directe d’une connaissance.

Les performances à l’entrée en 6ème et les analyses effectuées chaque année par le Ministère de l’Éducation nationale révèlent le même type de difficultés que celles rencontrées en début de CE2 : à l’entrée au collège, les difficultés perdurent pour résoudre des exercices mettant en jeu des raisonnements complexes ou demandant la production d’une justification, l’interprétation de données présentes dans l’énoncé, l’organisation d’une démarche.

Ces conclusions qui pointent les difficultés des élèves à résoudre des problèmes ont suscité le besoin d’investigations complémentaires : l’étude décrite dans les deux précédents chapitres a ainsi consisté à analyser l’évolution des performances des élèves lors de la résolution d’un même problème tout au long du cycle 3. De cette étude longitudinale, il ressort que, comme attendu par l’Institution scolaire, le taux de réussite dans la résolution du problème multiplicatif donné augmente d’année en année, depuis la fin du CE1 jusqu’à la fin du CM2. On relève également que près d’un quart des élèves de CE1 résolvent ce problème lié à une situation de partage. À ce constat positif, on peut cependant opposer le fait que plus d’un tiers des élèves de CM2 ne donne pas la réponse attendue à ce problème et que 19 élèves sur 105 ont un parcours strictement composé d’échecs ou de non-réponses pour les quatre passations.

L’enseignement dispensé au cycle 3 n’a-t-il pu réussir à faire acquérir les compétences nécessaires à la résolution de ce type de problème, de type multiplicatif, dont la complexité peut se résumer au passage par un calcul intermédiaire ?

Il nous appartient également de souligner les limites de cette étude longitudinale : un seul problème a été proposé aux élèves et nous ne saurions généraliser les résultats obtenus ici à ce qu’auraient pu être les performances à un problème additif ou à un ensemble de problèmes multiplicatifs. En revanche, nous avons retenu cet énoncé de problème verbal à données numériques en raison de son appartenance aux évaluations nationales CE2. Les consignes étaient strictement identiques à celles indiquées dans le protocole national. La durée de passation est restée de 3 minutes quelle que soit l’année, ce qui a priori peut avoir plutôt favorisé les classes de CM1 et de CM2 qui paradoxalement comptent un nombre élevé d’élèves en situations de non-réussite.

Il est certes rassurant de constater que deux tiers des élèves fournissent en fin de CM2 la réponse attendue à ce problème qui mobilise des compétences devant être acquises en fin de scolarité primaire. Cependant, peut-on se satisfaire d’un tel point de vue et n’est-il pas possible de réduire le nombre d’élèves qui échouent en résolution de problèmes ? Telle est la question essentielle qui fonde l’expérimentation mise en place et décrite dans la troisième partie.

En possession des quatre productions de chaque élève de la cohorte, nous avons tenté d’identifier quelques-unes des procédures mises en œuvre par les élèves au cours des quatre années. Les élèves résolvent-ils mentalement ou par écrit par l’intermédiaire de traces du type dessin ou opération ? Si oui, existe-t-il une relation entre ces traces intermédiaires et les performances réalisées ?

En premier lieu, nous observons une disparité dans le nombre de traces : certaines comportent une ou plusieurs traces élémentaires, d’autres n’en contiennent aucune. L’étude montre que la présence de ces traces est indépendante de l’année de scolarité, autrement dit on ne produit pas davantage de traces au CE1 qu’au CE2 ou qu’au CM1 ou qu’au CM2 ; mais contrairement à nos attentes, l’étude a révélé qu’en CE2-CM1-CM2 la présence de ces traces écrites intermédiaires était davantage associée à la non-réussite tandis que leur absence était au contraire associée à la réussite. On peut penser que les élèves qui réussissent sans recourir aux traces écrites résolvent le problème mentalement, dès lors qu’ils possédaient en mémoire un schéma mental leur permettant de résoudre le problème posé. Par ailleurs, la taille des nombres n’imposait pas nécessairement une pose d’opération par écrit.

En second lieu, nous nous sommes intéressée au contenu de ces traces. Le pourcentage d’opérations est élevé ; il varie entre 76% et 86% de l’ensemble de ces productions intermédiaires. On relève la présence dominante de telle ou telle opération, l’année même où sa technique opératoire est étudiée, ce qui vient conforter l’idée de l’influence du contrat didactique (Brousseau, 1988) et l’effet des conceptions erronées des élèves sur les attentes du maître en terme de résolution systématique par une opération et de combinaison des nombres entre eux (Houdement, 2003).

Cependant, la technique de la division étant abordée en fin de CE2, on pourrait s’attendre à un net accroissement du taux de réussite entre le CE2 et le CM1 et surtout entre le CM1 et le CM2. Or, les fluctuations des performances des élèves ne semblent pas dépendre des périodes de passation, autrement dit le taux de réussite n’augmente pas significativement davantage entre le CM1 et le CM2 qu’entre le CE2 et le CM1 ni qu’entre le CE1 et le CE2.

Parmi les autres traces élémentaires, seules les productions d’icônes atteignent au CE1 le taux de 20%, la plupart étant d’ailleurs concentrées dans une seule classe et présentant des similitudes : le tracé de chaque dizaine est présent dans 11 copies de la classe. Ce passage par des représentations iconiques a-t-il fait l’objet d’un enseignement dans le cadre de la résolution de problèmes ? Si oui, est-il susceptible de faciliter l’activité de l’élève et d’améliorer les performances en résolution de problèmes verbaux à données numériques ?

Tels sont les questionnements qui ont généré les premières investigations relatives aux pratiques d’enseignement décrites dans le chapitre 3. L’analyse des données issues des 81 réponses à l’enquête par questionnaire adressée à 81 enseignants de 3 circonscriptions issues de 2 académies différentes a révélé d’une part la présence d’un enseignement effectif de la résolution de problèmes dans les classes puisque 90% des enseignants proposent au moins une séance hebdomadaire de résolution de problèmes et d’autre part la diversité des pratiques relatives notamment au contenu même des séances et à leur préparation.

De l’ensemble de ces premières investigations relatives à la fois aux performances des élèves et aux pratiques effectives d’enseignement de la résolution de problèmes au sein même de la classe, est née la problématique de notre recherche qui sera développée dans la partie 3.

PARTIE 3

De la construction de la problématique à la discussion des résultats obtenus

Introduction

Chapitre 1 : Construction de la problématique

Chapitre 2 : Méthodologie : présentation, mise en œuvre et discussion sur les méthodes pour construire, traiter et analyser les données

Chapitre 3 : Interprétation des résultats

Chapitre 4 : Discussion générale

Conclusion de la partie 3